La dénazification de l’Ukraine, de quoi parle-t-on ?

vendredi 25 février 2022, par Tribune Libre

Voici la transcription de l’intervention de Mme Natalia Vitrenko, ancienne candidate à la présidence ukrainienne, économiste et fondatrice du Parti socialiste progressiste d’Ukraine (PSPU), lors de la visioconférence de l’Institut Schiller du 19 février 2022.

Source : Institut Schiller

Le rôle actuelle de l’Ukraine dans les affaires du monde

19 février 2022.

Chère Helga, chers participants à la conférence,

Natalia Vitrenko, économiste et dirigeante du Parti progressiste socialiste de l’Ukraine (PSPU).

Il est très important que notre conférence se déroule dans une période de regain d’affrontement entre deux blocs de pays dirigeants dans le monde. Il s’agit des pays de l’OTAN, dirigés par les États-Unis, et l’autre bloc, qui prend forme sous nos yeux, est celui de la Russie et de la Chine, dont la déclaration commune du 4 février de cette année a proclamé leur intention d’être ensemble sur toutes les questions. C’est extrêmement important, car l’humanité est au bord de la troisième guerre mondiale. Et le fil du rasoir de ce conflit est mon pays, l’Ukraine.

Essentiellement, c’est ce dont nous avions averti. Permettez-moi de vous rappeler mon intervention au Parlement européen, le 26 février 2014. C’était lors de la tournée des représentants de notre parti, qui, je crois, fut très importante pour la communauté internationale, et nous amena en Allemagne, en France et en Italie.

Nos amis de l’Institut Schiller nous avaient aidés à organiser ce voyage. À l’époque, j’ai dit lors de ma conférence de presse que le coup d’État en Ukraine en 2014 avait amené au pouvoir des nazis et des russophobes, et que cela provoquerait des problèmes extrêmement graves non seulement pour l’Ukraine et le continent eurasien, mais aussi pour le monde entier.

Et effectivement, à partir de 2014, les États-Unis ont commencé à parrainer fortement l’Ukraine et à préparer un affrontement avec la Russie. Sinon, comment interpréter le fait que depuis lors, 2,7 milliards de dollars d’armement létal lui aient été alloués ? Comment interpréter le fait d’orienter le gouvernement ukrainien, non pas vers une solution pacifique à la crise et le recours aux voies diplomatiques pour résoudre ce conflit sanglant dans le sud-est de l’Ukraine, dans le Donbass, mais plutôt de l’inciter constamment à la guerre avec la Russie ?

Ces deux ou trois derniers mois, depuis l’automne dernier, nous assistons à une forme particulière de psychose militariste. D’après ce que j’ai compris, les États-Unis ont donné le feu vert à tous leurs satellites, de sorte qu’ils ont commencé à déverser littéralement une avalanche d’armes en Ukraine, non seulement eux, mais aussi les pays Baltes, la Pologne, le Canada et le Royaume-Uni – tous ces pays, inquiets de ce qui se passe en Ukraine, ont soudainement commencé, soi-disant dans le but de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale [de l’Ukraine] contre la Russie, à lui expédier de plus en plus d’armes.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de cadeaux à notre pays ! Il s’agit de prêts. Le dernier prêt est venu des États-Unis, avec des garanties de crédit d’un milliard de dollars. La Grande-Bretagne a alloué 2 milliards et demi de dollars (2,3 pour être précise). Plus d’un demi-milliard du Canada et 1,2 milliard d’euros de la France. D’où doivent-ils être remboursés ? Comment les rembourser ? Tout cela est un joug, ce sont des chaînes pour notre peuple.

Mais ce n’est même pas l’essentiel. Le plus important est que, tandis que l’économie ukrainienne est détruite, notre peuple sert simplement de chair à canon. Les médias occidentaux ne cessent de le marteler : lorsque la guerre avec la Russie commencera, le côté ukrainien subira des pertes de 50 000 à 85 000 hommes.

Qu’est-ce que cela signifie ? C’est une pression si forte sur notre pays, sur notre peuple ! C’est une attaque psychologique extrêmement dure sur l’état d’esprit de notre population, c’est absolument insupportable. C’est tout simplement insupportable. Ce qui se passe ainsi dans notre pays, avec la population, est un processus très pénible : les gens préparent des sacs de voyage d’urgence, essaient de localiser des abris anti-bombes, organisent des milices de défense au niveau local.

Et c’est, sans aucun doute, un coup dur pour l’économie. Lorsque le président Zelensky a vu tout cela, il y a un mois, lui-même était abasourdi, car l’Ukraine a perdu 14 milliards de dollars rien que depuis le début de cette année. 12,5 milliards dus à la fuite des capitaux et 1,5 milliard dépensés par la Banque centrale ukrainienne pour soutenir la monnaie. Alors que, laissez-moi le souligner, les réserves d’or et de devises de l’Ukraine étaient inférieures à 30 milliards, et ici, vous avez 14 milliards de pertes.

Il y a eu un effondrement de nos euro-obligations, de la dette de l’État ukrainien. Il y a un effondrement de la monnaie nationale, comme je l’ai déjà mentionné, et un blocus des capitaux internationaux (les marchés financiers internationaux sont fermés à l’Ukraine), une fuite des investissements. Et tout cela s’est produit, littéralement, au cours des dernières semaines. La Banque nationale d’Ukraine a déjà revu à la baisse ses prévisions de PIB, de 3,8 % à 3,4 %.

Que se passera-t-il ensuite ? Dans notre pays, les gens manquent de ressources, même pour les produits de première nécessité. Aujourd’hui, on a annoncé que le prix du pain allait bientôt augmenter de 25 ou 30 %. Et cela alors que nous avons déjà, à cause des politiques brutales en matière de retraites et de salaires, la population la plus appauvrie d’Europe, la durée de vie la plus courte.

Voilà le résultat des efforts déployés pour monter nos pays les uns contre les autres. Et ce alors que la Russie a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’avait pas l’intention d’envahir l’Ukraine. Ils font leurs exercices militaires sur leur propre territoire. Mais les médias occidentaux, les États-Unis et le Royaume-Uni n’en tiennent pas compte. Même lorsque la Russie réduit le nombre de ses soldats près de la frontière, les ramenant à leurs bases à la fin des manœuvres, ça continue. Ils disent : Non, nous ne voyons aucun processus de désescalade ; non, nous ne faisons pas confiance à ce que dit la Russie.

Quel est le but ? Que la guerre ait lieu, impérativement.

Qui allume le feu de la guerre, à l’intérieur de l’Ukraine et depuis l’extérieur ?

A l’intérieur de l’Ukraine, ce sont avant tout les nazis. Toutes ces organisations ont émergé, partis, mouvements, organisations, assoiffés de sang. Leur idéologie s’appelle le nationalisme intégral ukrainien. Elle a été créée par Dontsov et Stsyborsky [au début du XXe siècle], puis mise en œuvre par Bandera et Shukhevych. C’est une idéologie d’inimitié entre nos peuples, une idéologie de guerre, de guerre misanthropique. Cette idéologie d’une Ukraine nazie a infecté une partie de la population de notre pays. Le pire, c’est qu’elle est devenue l’idéologie officielle du gouvernement ukrainien, comme nous l’avions prédit.

En conséquence, les personnes de culture russe, les membres des minorités ethniques, sont devenus des individus de seconde zone. Regardez-moi : je suis ethniquement ukrainienne, mais ma langue maternelle est le russe. Je ne me conçois pas en dehors de la civilisation russe.

Toute diffusion de chaînes de télévision russes ou de programmes en langue russe a été interdite en Ukraine. Tribunaux, agences gouvernementales, écoles et universités ne fonctionnent qu’en ukrainien. Et on ne cesse d’attiser la psychose : il faut détruire les « moscovites ». C’est le message d’ouverture, à la télévision.

Voilà pour ce qui concerne l’intérieur de l’Ukraine. Et à l’extérieur, nous voyons que les États-Unis, avec à leur tête un Biden censé se préoccuper de la souveraineté de l’Ukraine, n’écoutent que la version des idéologues nazis. Pourquoi Biden, qui parle de souveraineté, ne comprend-il pas que la souveraineté de l’Ukraine est inscrite dans la Déclaration de souveraineté de l’État, et que notre souveraineté a été confirmée par deux référendums tenus en 1991 - en mars et en décembre.

Puisque c’est le cas, la « démocratie » occidentale aurait dû soutenir la démocratie en Ukraine. Mais cela signifie le pouvoir du peuple et la volonté du peuple. Lisez la Déclaration de souveraineté de l’État. Regardez ce pour quoi notre population a voté. Rappelez-vous que c’est ce type d’Ukraine que la communauté internationale a soutenu. C’est ce type de souveraineté qui a été reconnu comme la souveraineté de l’Ukraine. Elle comprenait un statut de neutralité pour l’Ukraine. Elle incluait une union avec la Russie et le Belarus.

Si nous avions eu un État d’union, il n’y aurait pas eu de problème avec la Crimée. Elle serait restée l’enfant chéri de l’Ukraine et de la Russie, au lieu d’être un objet de discorde.

C’est pourquoi il est si important aujourd’hui de prendre conscience de ce qui doit être fait, afin de changer radicalement la situation et d’éviter une guerre. Je diviserai mon propos en deux parties : ce que doit faire l’Ukraine et ce que doit faire la communauté internationale.

La priorité absolue pour l’Ukraine est de procéder à la dénazification. Pour cela, il faut aider le gouvernement ukrainien, avec les efforts conjoints de toute la communauté mondiale, à interdire tous les partis, mouvements et organisations ayant une orientation nazie.

Il existe suffisamment de normes et de principes internationaux en ce sens. Je vais simplement citer les conventions qui permettent à la communauté internationale d’aider l’Ukraine dans cette tâche.

Il s’agit de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tout y est : interdiction de la propagande de guerre, interdiction du fonctionnement des organisations qui prennent position en faveur de la discrimination raciale - sur la base de la race, de l’ethnicité ou de tout autre critère. C’est ce qu’il faut faire en Ukraine. C’est d’une importance capitale pour ce pays. Et il faut comprendre que sans ce qui doit suivre, l’Ukraine ne survivra pas : après la dénazification, rétablir notre statut de pays neutre et nous permettre de mettre en œuvre la volonté exprimée par notre peuple : un État d’union avec la Russie et le Belarus.

Quant à la partie internationale, que faut-il faire ? Bien sûr, nous espérons et prions passionnément pour que la Russie et la Chine puissent convaincre les États-Unis et l’Allemagne de s’asseoir à la table des négociations et d’élaborer une nouvelle architecture mondiale, de trouver, valider et inscrire à la base de certains documents, ces principes qui offrent la possibilité d’une coexistence pacifique entre différents pays, dans le respect de leurs intérêts nationaux et de leurs caractères distinctifs.

Et, bien sûr, nous devons changer le modèle économique, le modèle économique mondial. Nous nous souvenons que Lyndon LaRouche nous a expliqué que sans changement radical du modèle économique, il n’y aura aucun développement durable et il sera impossible de défendre les intérêts nationaux des différents pays. C’est à cela que doit aspirer toute l’humanité progressiste. Et c’est la position de notre Parti socialiste progressiste d’Ukraine.

Merci pour votre écoute.

Ukraine : un putsch néonazi poussé par l’OTAN

Dès 2014, nous avons informé nos concitoyens sur la nature réelle et les conséquences à venir du coup d’État en Ukraine.
Voici l’entretien que nous avions réalisé le 1er mars 2014 avec Natalia Vitrenko, présidente du Parti socialiste progressiste d’Ukraine. Cette opposante à Ianoukovitch dénonce fermement le péril néonazi qui menace l’Ukraine depuis que l’UE et les Etats-Unis ont légitimé et rendu incontrôlable l’extrême droite ukrainienne.