La dérégulation de l’électricité n’est pas compatible avec la métallurgie française

jeudi 27 janvier 2022

Chronique stratégique du 27 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Depuis l’automne 2021, la flambée des prix de l’électricité est venue faire de l’ombre au récit de la réindustrialisation vendu par le gouvernement français, et ce dernier a été forcé d’intervenir pour tenter de sauver une industrie lourde au bord du gouffre, à l’image d’Aluminium Dunkerque et de Nyrstar. Mais en prenant des mesures de dérégulation, notamment en forçant EDF à brader l’électricité vendue à ses concurrents, Emmanuel Macron soigne le mal par le mal.

En décembre, Nyrstar (Auby, Hauts-de-France), la dernière raffinerie de zinc encore en activité en France, étranglée par des coûts de production 10 à 15 fois supérieurs à ceux d’il y a quelques années, a annoncé qu’elle suspendait ses activités pour deux mois. Ce mois-ci, c’est Aluminium Dunkerque qui fait les frais de l’augmentation du coût de l’énergie.

Parfait exemple de ce que l’on appelle le binôme « industrie-nucléaire » spécifique à la France, Aluminium Dunkerque produit 285 000 tonnes par an, ce qui en fait la plus grande raffinerie d’Europe. L’aluminium est particulièrement touché par la hausse du coût de l’électricité, puisqu’il faut 13,7 MWh pour produire 1 tonne. Sans l’intervention de l’État, qui permettra à court terme de diminuer ces surcoûts sans les effacer complètement, l’usine aurait perdu 300 millions d’euros, « ce qui aurait signifié la fermeture de ce site employant 570 personnes », admet le ministère de l’Industrie.

En visite le 21 janvier sur le site d’Aluminium Dunkerque à Loon-Plage, la ministre déléguée de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher a tenté de « rassurer » les salariés, alors que 31 cuves (soit 12% de la production) ont été mises à l’arrêt ces derniers mois. Selon elle, l’ordre (fou) donné par l’Etat d’augmenter de 20% (de 100 à 120 térawattheures) le volume d’électricité nucléaire produite par EDF et vendue à ses concurrents 4 à 5 fois moins cher que sur le marché de gros — une véritable mise à mort d’EDF —, aurait permis d’éviter la fermeture de 150 entreprises (aluminium, ferroalliages, plastiques PVC, etc.), et de sauver 45 000 emplois directs, ainsi que ceux des clients des métallurgistes, dont l’industrie automobile et aéronautique, qui continueront à être approvisionnés.

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Sur place, les employés et les dirigeants de l’entreprise ne sont pas dupes :

C’est une petite bouffée d’oxygène, tempère Laurent Geeraert, secrétaire du Comité social et économique (CSE). Nous on a surtout besoin de solutions à long terme, d’un contrat à long terme. L’entreprise fait beaucoup d’investissement et pour faire ces investissements on a besoin de savoir quel sera le coût de l’énergie dans cinq ans.

Avec 500 000 emplois en Europe, dont la moitié dans l’aluminium, la transformation métallurgique des métaux non ferreux (cuivre, nickel, zinc, cobalt, or) est un secteur vital pour une grande partie de l’industrie manufacturière. Eurométaux, le lobby qui défend les intérêts du secteur à Bruxelles, vient de mettre en garde la Commission européenne : « Si les États membres n’adoptent aucune mesure d’aide, la menace de nouvelles réductions de production et de fermetures dans notre secteur est réelle ».

Le lobby estime que la moitié des alumineries ont réduit leurs activités, ce qui a entraîné une baisse de 30 % de la production. La crise touche de nombreux pays, de l’Espagne à la Roumanie, en passant par les Pays-Bas et l’Italie. En Allemagne, la hausse des prix de l’énergie est en partie responsable, avec la pénurie de composants électroniques, d’une augmentation de 24,2% des coûts de l’industrie en 2021, selon l’Office fédéral des statistiques.

Contrairement aux croyances néolibérales de notre président et de ceux qui l’entourent, le problème ne pourra être résolu que par des mesures de régulation, comme le souligne Ludovic Bouvier, responsable régional du syndicat CGT métallurgie :

A un moment ou un autre, on peut se poser la question qu’il y ait une contagion sur l’ensemble de l’industrie. La solution serait que le gouvernement intervienne pour faire baisser les prix ou qu’il fasse pression sur la Commission européenne pour relever le plafond d’électricité disponible.

Pour Solidarité & progrès, qui soutient la candidature présidentielle de Georges Kuzmanovic, seule une politique publique forte permettra de sauver l’industrie française, en commençant par la reconstitution d’un pôle public de l’énergie et la régulation du marché.

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