Le département d’État américain divisé sur l’origine du coronavirus

vendredi 17 septembre 2021, par Karel Vereycken

Christopher Ford avec le secrétaire d’Etat Mike Pompeo.

Dans les derniers jours de l’administration Trump, le département d’État américain fut le théâtre d’un âpre conflit interne concernant le rôle supposé de la Chine dans l’origine de la COVID-19.

Dans une lettre ouverte publiée le 10 juin sur le site Medium, Christopher Ford, l’ancien secrétaire adjoint à la sécurité internationale et à la non-prolifération sous Pompeo et Donald Trump, et l’un des principaux acteurs de ce conflit, révèle les tenants et les aboutissants de cette affaire.

Le désaccord portait sur cette question : la COVID a-t-elle été causée par :

  1. un virus d’origine animale ;
  2. un virus échappé par erreur d’un laboratoire de recherche biologique, ou
  3. une « expérience qui a mal tourné » dans le cadre du développement d’armes biologiques ?

Si pour Ford les deux premières hypothèses restent plausibles, il contestait la troisième, défendue par ses collègues, car elle n’avait pas été validée par un panel des scientifiques compétents.

Dans une interview avec BuzzFeed News, Ford évoque ses échanges tendus avec David Asher et Thomas DiNanno, deux experts du Département d’État qui voulaient recentrer l’enquête, non pas sur les origines naturelles du virus, mais sur l’hypothèse « d’une expérience qui aurait mal tourné » dans le développement par la Chine d’une arme biologique. Dépourvue de toute preuve scientifique, cette allégation pouvait non seulement nuire à la crédibilité de la position américaine, mais même servir de prétexte à un affrontement militaire.

Sans apporter aucune preuve formelle, « ils essayaient de monter un dossier », précisa Ford à BuzzFeed le 12 juin 2021. De plus, dans le rapport annuel préparé pour le Congrès par le Département d’État, Asher et DiNanno voulaient également accuser la Chine d’avoir enfreint la Convention sur les armes biologiques. Le rapport, mandaté par la loi américaine, détaille le respect par les nations des accords internationaux sur le contrôle des armements, la non-prolifération et le désarmement.

« Leurs arguments juridiques me semblaient assez faibles. Ils n’ont jamais présenté de preuves qu’il s’agissait d’une arme biologique », déclara Ford. Accuser la Chine d’une telle violation aurait pu déclencher une crise diplomatique majeure, et même militaire, avec la Chine.

Autre motivation à la lettre ouverte de Ford, le fait que ses anciens collègues l’aient présenté, à tort, comme opposé à l’idée que le coronavirus ait pu s’échapper d’un laboratoire, alors qu’en réalité, cela reste sa conviction intime. « J’ai fortement pris en considération l’hypothèse d’une fuite de laboratoire, ce qui est clairement une réelle possibilité », écrit Ford.

Soyons donc clairs : bien qu’étant connu comme un conservateur belliqueux et pas particulièrement ami de la Chine, M. Ford a manifesté un professionnalisme qui devient de plus en plus rare dans l’administration américaine et qui mérite, à ce titre, d’être salué.

Depuis le printemps 2020, Trump et Pompeo affirmaient détenir « des preuves » que le virus était sorti d’un laboratoire de Wuhan, en Chine.

Or, malgré les recherches demandées par le président Biden, les renseignements américains ne sont pas parvenus à retenir une seule et unique hypothèse pour expliquer l’origine du Covid. Parmi les théories toujours retenues, on ne peut exclure celle du passage d’un animal vecteur à l’homme ou de la fuite accidentelle d’un laboratoire, situé dans un pays non encore identifié et pas exclusivement en Chine.