Élections américaines : Mike Pence au pied du mur

mardi 5 janvier 2021

Chronique stratégique du 5 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 2 janvier, onze sénateurs ont annoncé qu’ils s’opposeront à la certification de l’élection de Joe Biden, qui aura lieu mercredi 6 janvier au Congrès. Ils demandent la création d’une Commission d’enquête sur les élections du 3 novembre afin de réaliser un audit express en 10 jours, c’est-à-dire avant l’inauguration de Biden le 20 janvier. Le vice-président Mike Pence, qui dirigera la session du Congrès de mercredi, a apporté son soutien à cette initiative.

Samedi 2 janvier, onze sénateurs républicains, emmenés par l’ultra-droitier Ted Cruz, ont fait savoir qu’ils s’opposeront le 6 janvier au Congrès à la certification des grands électeurs désignés par les urnes dans plusieurs États où des graves irrégularités ont entaché le scrutin. Avant toute certification, disent-ils, un audit de dix jours, conduit par une Commission spéciale, doit permettre d’y voir plus clair. Cette initiative, qui fait suite à celle du sénateur Josh Hawley deux jours plus tôt, est soutenue par plus de 100 députés dans l’autre chambre du Congrès.

Dans leur communiqué commun, les onze sénateurs affirment que les élections du 3 novembre « comportaient des suspicions sans précédent de fraude électorale et de conduite illégale », et que par conséquent « le Congrès devrait immédiatement nommer une commission électorale, avec une pleine autorité pour enquêter ». Ils rappellent que ce type de processus a déjà plusieurs fois été initié, notamment par des Démocrates lors des élections de 1969, 2001, 2005 et 2019. Le précédent d’une telle commission d’enquête électorale remonte à 1877, lors de l’élection opposant Samuel Tilden à Rutherford Hayes. A l’époque, « le Congrès n’avait pas ignoré ces suspicions, et les médias n’avaient pas essayé de faire passer tous ceux qui les soulevaient pour des radicaux voulant saper la démocratie », font remarquer les sénateurs.

Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, qui a publiquement reconnu la victoire de Joe Biden, a d’ors et déjà fait savoir qu’il s’opposera à cette initiative, de même que les principaux ténors du Parti républicain au Sénat. Par contre, le vice-président Mike Pence a apporté son soutien aux onze sénateurs, ce qui n’a pas manqué de provoquer la panique dans l’establishment. « L’annonce des sénateurs et la décision de M. Pence de l’approuver reflètent une vague de fond parmi les républicains pour défier les résultats sans ambiguïté [sic] de l’élection et céder aux tentatives du président Trump de rester au pouvoir en prétendant faussement qu’il y a eu fraude électorale », rumine le New York Times.

Il faut dire que, selon les sondages, 39 % des Américains ne croient plus le narratif des médias sur la victoire « sans ambiguïté » de Joe Biden, et pensent que l’élection a été « truquée »...

Une montagne d’irrégularités

Si la fraude électorale est un problème récurrent aux États-Unis, le fait nouveau est que jamais dans l’histoire de ce pays il n’y aura eu une telle mobilisation, que ce soit pour l’étouffer ou pour la démasquer d’ailleurs. Depuis le 3 novembre, un large faisceau convergent d’éléments et de témoignages s’est accumulé, faisant prendre conscience à des millions de citoyens du danger qui menace la démocratie américaine. Plus d’un millier d’ « affidavits » (déclarations sous serment) ont en effet été déposés par des témoins et des électeurs ayant constaté des graves irrégularités et des fraudes, tel des bourrages d’urnes, des votes émanent de personnes décédées, etc, dans les États de Pennsylvanie, de Géorgie, du Michigan, du Wisconsin, du Nevada et de l’Arizona. Plusieurs recours ont été déposés par des centaines d’élus d’État devant les cours suprêmes des États, et les procureurs généraux de 17 États ont déposé un recours devant la Cour suprême fédérale.

La « Commission internationale d’enquête », parrainée par nos amis de l’Institut Schiller, constitue la pointe de l’épée de cette mobilisation.

Samedi dernier, le 2 janvier, lors d’une réunion de cette Commission, plusieurs responsables d’associations et élus des États concernés par les irrégularités électorales ont apporté leurs témoignages. Parmi eux, le sénateur de Géorgie William Ligon a évoqué le cas mis en lumière par le sous-comité judiciaire sur les élections, qu’il dirigeait lui-même, à travers les vidéos de surveillance du bureau électoral du Comté de Fulton, où un groupe de personnes a procédé à un dépouillement entre 22h30 et 1h du matin, après avoir demandé aux scrutateurs, journalistes et autres observateurs de quitter les lieux (lire à ce sujet notre chronique du 10 décembre).

Le député de Pennsylvanie Russ Diamond a quant à lui expliqué que 59 membres de la Chambre des représentants et six membres du Sénat de l’État de Pennsylvanie ont l’intention de protester mardi contre la certification des grands électeurs de Biden. Il a notamment évoqué l’étude réalisée par lui-même et le député Frank Ryan, qui a révélé qu’il y avait 170 000 bulletins de vote comptés de plus que le nombre d’électeurs ayant réellement voté pour le président – dans un État où Biden l’a emporté avec une marge de 80 000 votes ...

Une présidence Biden « lame duck » ?

La journée de mercredi au Congrès américain pourrait bien être historique. Le vice-président Mike Pence va passer en revue les résultats État par État, et les membres des deux chambres pourront s’y opposer, comme les onze sénateurs et la centaine de députés évoqués plus haut menacent de le faire. Dans ce cas, les deux chambres devront en débattre séparément pendant deux heures. A la fin de ce processus, si aucun des deux candidats ne réunit les 270 Grands électeurs requis, la Chambre sera appelé à désigner un candidat. Dans cette procédure, chaque État aura une voix, celle de sa majorité politique, ce qui conduirait mathématiquement à la ré-élection de Donald Trump...

Si jusqu’ici on pouvait estimer que la tentative des onze sénateurs avait peu de chance d’infléchir le vote du Collège électoral, la décision de Mike Pence peut faire toute la différence.

Et si même ce retournement n’aboutissait pas, un tel processus placerait sous les projecteurs les montagnes d’irrégularités qui pèsent sur les élections présidentielles de cette grande « démocratie », et la légitimité de l’élection de Joe Biden risquerait d’en pâtir pendant longtemps dans l’opinion publique américaine et mondiale, avec toutes les conséquences politiques que cela implique.

Face à ces développements, l’appel lancé dans le Washington Post par 200 grands patrons d’entreprises est tout à fait révélateur, non seulement de la caste financière qui attend l’inauguration de la présidence Biden pour reprendre le pays en main, mais également du fait que celle-ci sent que la situation peut se retourner très vite...

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