USA-Russie : raviver « l’esprit de l’Elbe » pour la paix mondiale

mardi 28 avril 2020

Chronique stratégique du 28 avril 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Trump et Poutine ont publié une déclaration commune en l’honneur du 75e anniversaire de la « rencontre de l’Elbe », en référence à la rivière allemande où les soldats russes et américains s’étaient retrouvés et avaient fraternisé, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. « L’esprit de l’Elbe » n’est donc pas mort, pour le plus grand malheur des néocons.

A contre-courant de l’état d’hystérie régnant en ce moment parmi une grande partie des élites (et par conséquence de la population) américaine, le président Trump a signé avec le président russe une déclaration commune évoquant la jonction des troupes soviétiques et américaines le 25 avril 1945 sur l’Elbe. « L’esprit de l’Elbe est un exemple de la manière dont nos pays peuvent mettre de côté leurs contradictions, instaurer la confiance et coopérer dans la poursuite d’une cause plus grande, affirme le communiqué. Aujourd’hui, en relevant les défis les plus sérieux du XXIe siècle, nous rendons hommage à la valeur et au courage de tous ceux qui ont combattu ensemble pour vaincre le fascisme. Leur exploit héroïque ne sera jamais oublié ».

Le texte fait référence à la Déclaration des Nations unies de 1942 où, dans le sillage de la Charte de l’Atlantique rédigée par Franklin Roosevelt et Winston Churchill en août 1941, les 26 pays en lutte contre l’Axe fasciste avaient réaffirmé les bases essentielles de bonnes relations entre nations : respect mutuel de la souveraineté, principe de non-ingérence, et promotion d’un commun accord de progrès économique, scientifique et culturel pour chaque peuple et pour chaque pays.

Fièvre néoconservatrice

Alors que les États-Unis et la Russie n’avaient plus fait de déclaration commune sur la rencontre de l’Elbe depuis dix ans, l’initiative de Trump et Poutine est très importante dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19 ; car l’administration américaine, et la société américaine en général, se trouve aujourd’hui tiraillée entre les forces réactionnaires poussant en faveur d’une escalade militaire – en désignant la Chine, la Russie, l’Iran, etc, comme des boucs émissaires – et les forces défendant une politique « de détente, d’entente et de coopération », comme le voulait de Gaulle.

Emblématique de la fièvre « néoconservatrice » qui possède actuellement les élites américaines, le Wall Street Journal rapporte les réactions négatives sur la déclaration commune entre Trump et Poutine. D’après le quotidien, la phrase sur l’esprit de l’Elbe comme exemple de coopération « a suscité l’inquiétude parmi certains politiciens au Capitol, car cette initiative intervient au moment même où le Pentagone et le Département d’État se plaignent du comportement russe, et où plusieurs responsables restent profondément inquiets concernant les intentions de Moscou ».

« Tout le monde connaît l’engouement étrange de Trump pour les dirigeants autocrates, et le fait qu’il a constamment joué le jeu de Poutine », affirme le député démocrate Eliot Engel, qui dirige la Commission des Affaires étrangères de la Chambre.

Les néocons américains et britanniques – le secrétaire d’État Mike Pompeo en tête, avec derrière lui toute une cohorte de think tanks tel que l’Atlantic Council ou la Henry Jackson Society –, font tout leur possible pour empêcher une coopération internationale contre la pandémie de Covid-19. En alimentant la propagande contre les prétendus « mensonges » de la Chine sur la pandémie, ils essayent d’induire Donald Trump à penser que seule une politique agressive vis-à-vis de la Chine lui garantira sa réélection en novembre. Bien qu’il soit enclin à tomber dans ce piège, Trump y a pour l’instant résisté, et une coopération américaine se met en place, tant bien que mal, avec la Chine et la Russie.

L’Institut Schiller, fer de lance du nouveau paradigme de coopération

L’Institut Schiller a tenu le week-end dernier sa grande visio-conférence internationale. Pendant quinze heures, une quarantaine d’orateurs de tous les continents – diplomates, scientifiques, économistes et artistes –, ont pu se parler et répondre aux questions posées en direct. Le tout, dans l’objectif de promouvoir l’esprit de coopération nécessaire pour sortir par le haut de la crise que traverse actuellement l’humanité.

Dmitry Polyanskyi, le représentant adjoint de la mission permanente de la Fédération de Russie aux Nations unies, et Huang Ping, le Consul général de Chine à New York, ont exprimé l’inclination de leurs deux pays pour une telle coopération. « Il est temps de nous unir et non de nous blâmer les uns les autres, de stigmatiser tel ou tel pays en raison de ce qu’il a fait ou pas fait, a déclaré Polyanskyi. (…) Le temps est venu pour une solidarité franche et profonde, en dépit des différents agendas ou sensibilités politiques ».

De son côté, comme l’ont rapporté l’agence de presse chinoise Xinhua et la chaîne CGTN, Huang, lors de son intervention à la conférence de l’Institut Schiller, a souligné que la crise du coronavirus met plus que jamais en évidence l’interdépendance des nations, et en particulier des États-Unis et de la Chine. « Aucun ne peut survivre aux menaces sans le soutien de l’autre. Au XXIe siècle, cette tendance vers une plus forte interconnexion entre les différents pays devient inarrêtable, en raison des défis et des intérêts qu’ils ont en commun, a-t-il affirmé. (…) Lors de son récent appel avec le président Trump, le président Xi a souligné la nécessité pour les deux pays de joindre leurs efforts, de renforcer leur coopération (…) et de bâtir une relation basée sur le respect mutuel et la coopération gagnant-gagnant, et non la confrontation ».

Helga Zepp-LaRouche, la présidente-fondatrice de l’Institut Schiller, a quant à elle développé les principes d’une nouvelle renaissance de l’humanité (ci-dessous, la vidéo de son discours traduit en français). Elle a montré qu’il faudra pour cela commencer par éradiquer « le virus du libéralisme britannique », qui a non seulement façonné le système de pillage financier actuel, mais également la conception bestiale de l’être humain qui domine la culture occidentale aujourd’hui. C’est cette mentalité oligarchique, qui dénie aux hommes (et avant tout non-blancs) leur étincelle créatrice, qui a justifié le commerce des esclaves, les guerres d’opium et, aux XXe et XXIe siècles, le maintien d’un fossé entre les pays du Sud et ceux du Nord ; c’est ainsi que nous avons été incapables de mobiliser 75 millions de dollars pour permettre à l’Afrique de l’Est d’éradiquer les criquets pèlerins, qui ravagent actuellement les récoltes, tandis que des milliers de milliards de dollars sont injectés pour sauver les bulles spéculatives...

Mme Zepp-LaRouche a rappelé le combat de son mari, l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche (1922-2019), en faveur d’une alliance entre les quatre principales puissances économique et militaires mondiales – États-Unis, Chine, Russie et Inde ; seul moyen selon lui de court-circuiter les réseaux de l’oligarchie financière et de mettre en œuvre une réorganisation de l’ordre mondial.

Ces quatre nations, les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde ont un besoin urgent de convoquer une conférence immédiatement et d’adopter un nouveau système de Bretton Woods qui réalise la pleine intention de Franklin Delano Roosevelt, c’est-à-dire en créant un système de crédit qui garantit une fois pour toutes l’industrialisation des pays en développement, a déclaré la présidente de l’Institut Schiller. Cela devrait commencer par la mise en place d’un système de santé mondial qui construit un système de santé dans chaque nation de cette planète, tout d’abord avec un programme d’urgence pour lutter contre la pandémie de Covid19, mais ensuite atteindre très rapidement les mêmes normes que celles qui ont été définies dans le Hill Burton Act aux États-Unis ou dans les systèmes de santé allemand et français avant la privatisation des années 1970.

L’ensemble conférence a été enregistré et est dès maintenant disponible en anglais sur le site de l’Institut Schiller. Les versions en français le seront bientôt.

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