Covid-19

Chloroquine, hydroxychloroquine : que disent les experts chinois ?

jeudi 26 mars 2020, par Christine Bierre

Le débat sur l’utilisation de la chloroquine pour traiter les malades de COVID-19 fait rage dans notre pays.

Si son inclusion par Agnès Buzyn dans la liste II des « substances vénéneuses » apparaît comme proprement délirante aujourd’hui, face à un médicament d’utilisation courante et sûr depuis plus de 70 ans, dans cette polémique, tout est faux. C’est en janvier 2020 que l’hydroxychloroquine, un dérivé trois fois moins puissant que la chloroquine, a été classée dans la liste II, par proximité avec la chloroquine qui s’y trouvait déjà. Cela veut simplement dire que ces produits ne sont pas en vente libre, mais peuvent, comme tous les produits classés dans les listes I et II, être prescrits par les praticiens dans certaines conditions. les experts chinois impliqués dans la réalisation d’essais cliniques au cours de cette pandémie soulignent, eux, son utilité et en recommandent l’utilisation, sans pour autant en faire une panacée, ni oublier les conditions strictes dans lesquelles ce médicament doit être utilisé.

La chloroquine étant un médicament puissant pouvant avoir des effets secondaires importants sur certains profils de malades, les chercheurs chinois ont aussi démarré des essais sur l’un de ses dérivés moins puissants, l’hydroxychloroquine. Vu la gravité dramatique de la crise sanitaire, aucune piste de recherche ne doit être exclue.

Nous tenons à souligner que nous ne sommes pas des experts médicaux mais que, compte-tenu des polémiques en cours, nous jugeons important de faire connaître à nos lecteurs l’évaluation des autorités médicales chinoises, qui ont aujourd’hui une précieuse expérience de terrain.

Le 17 février dernier, le Conseil des affaires d’État, la plus haute autorité administrative de Chine, avait organisé un point de presse pour présenter les résultats des essais cliniques, conduits par les experts chinois qui furent les premiers à informer la communauté internationale sur le rôle utile pouvant être joué par la chloroquine, sous forme de phosphate, dans l’inhibition du coronavirus et sa guérison plus rapide.

Essais in vitro en janvier

Les premiers essais in vitro, montrant l’intérêt de ce médicament couramment utilisé comme antipaludique à l’échelle mondiale, pour combattre le COVID-19, ont été menés début janvier en Chine. Les résultats en ont été publiés le 25 janvier dans la revue Cell Research. Réalisés par des chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan de l’Académie chinoise des sciences et de l’Institut de pharmacologie et de toxicologie de Beijing, ces essais se sont déroulés dans le contexte d’une investigation plus vaste sur l’efficacité de sept médicaments.

Suite à ces découvertes, Mme Sun Yanrong, vice-directrice du Centre national chinois pour le développement de la biotechnologie, a confirmé le 4 février, lors d’une conférence de presse de la Commission nationale de la Santé, un effet avéré de la chloroquine dans l’inhibition de l’infection par le nouveau coronavirus.

Essais in vivo en février : « Efficacité notable » de la chloroquine

Le briefing de presse du Conseil des affaires de l’Etat chinois a communiqué, le 17 février, sur les résultats des essais cliniques in vivo conduits sur ce médicament par trois chercheurs chinois, Jianjun Gao, Zhenxue Tian et Xu Yang, dans plus de dix hôpitaux à Wuhan, Jingzhou, Guangzhou, Beijing, Shanghai, Chongqing et Ningbo. Les résultats ont été publiés dans la revue BioScience Trends Advance Publication dès le 19 février. Le Conseil conclut que : « Le phosphate de chloroquine, un médicament très ancien utilisé contre le paludisme, a montré lors des essais cliniques conduits dans un certain nombre de cliniques en Chine, une efficacité notable [marked efficiency] dans le traitement de la pneumonie associée au Covid 19. »

Voici ce que rapportent ces chercheurs : (renvoi

« Jusqu’à présent, les résultats de plus de cent patients ont démontré que l’effet du [traitement de] phosphate de chloroquine est supérieur au ‘traitement de contrôle’ en inhibant l’exacerbation de la pneumonie, en améliorant les résultats de l’imagerie pulmonaire, en favorisant une conversion négative du virus et en raccourcissant l’évolution de la maladie. Aucune réaction indésirable grave au phosphate de chloroquine n’a été notée chez les patients susmentionnés. Compte-tenu de ces constatations, une conférence s’est tenue le 15 février 2020 ; les participants, dont des experts des autorités gouvernementales et réglementaires et des organisateurs d’essais cliniques, sont parvenus à un accord selon lequel le phosphate de chloroquine a une activité puissante contre le COVID-19. Il est recommandé d’inclure le médicament dans la prochaine version des Lignes directrices pour la prévention, le diagnostic et le traitement de la pneumonie causée par le COVID-19, publiées par la Commission nationale de la santé de la République populaire de Chine. Le phosphate de chloroquine, un ancien médicament pour le traitement du paludisme, a démontré une efficacité manifeste et une innocuité acceptable contre la pneumonie associée au COVID-19 dans des essais cliniques multicentriques menés en Chine. »

Ce qu’en dit Zhong Nanshan

Enfin, comme le rapportait China.org le 13 mars, Zhong Nanshan, chef du groupe d’experts de haut niveau de la Commission nationale de la santé et membre de l’Académie chinoise d’ingénierie, et Anita Simonds, présidente de la Société européenne des maladies respiratoires (ERS, pour European Respiratory Society), ont organisé une vidéoconférence à la mi-mars pour présenter les résultats et l’expérience de la Chine dans la lutte contre le COVID-19.

Zhong Nanshan a indiqué qu’à la date du 17 février, près de 150 essais cliniques de médicaments pour le COVID-19 étaient en cours, avec notamment le Remdesivir, l’acide phosphorique de chloroquine et divers produits de la médecine traditionnelle chinoise (MTC). « Pour les essais avec l’acide phosphorique de chloroquine, on peut voir qu’un nombre important de patients se sont révélés négatifs au virus dans les quatre ou cinq jours suivant la prise du médicament. » (Renvoi à l’étude.)

L’hydroxychloroquine

Depuis ces recommandations cependant, et face à l’emballement de l’opinion publique effrayée à la recherche d’un remède miracle, en Chine, des responsables de la santé ont tenu à bien préciser les conditions dans lesquelles la chloroquine doit être prescrite. L’institut de virologie de l’Académie chinoise des sciences a rappelé les doses à partir desquelles la chloroquine est mortelle : entre 2 et 4 grammes par adulte.

Aussi, le 29 février, la Commission nationale de la santé a défini plus strictement, les conditions d’utilisation de la chloroquine : elle ne peut plus être administrée aux femmes enceintes, aux personnes ayant des problèmes cardiaques ou des maladies des reins ou du foie. Seules les personnes âgées de 18 à 65 ans pourront en bénéficier et la durée est fixée à sept jours.

Enfin, la recherche chinoise, comme la française, n’excluant plus aucune piste, s’oriente vers l’hydroxychloroquine, un dérivé trois fois moins puissant, de la chloroquine. En Chine, les résultats de deux essais « in-vitro » de ce produit ont été publiés récemment : l’un dans Clinical Infectious Diseases du 9 mars ; l’autre dans Cell Discovery. Elles confirment toutes deux que l’hydroxychloroquine est aussi prometteuse contre le Covid-19 que la chloroquine.