Communiqué de Solidarité & Progrès

Fermer Fessenheim, pire qu’un crime, une erreur !

mardi 10 mars 2020

Fermer Fessenheim, pire qu’un crime, une erreur !

Communiqué de S&P

Le 22 février dernier, des représentants de S&P sont venus apporter leur soutien aux défenseurs du nucléaire afin de clairement marquer notre opposition à la fermeture précoce du premier réacteur nucléaire de la centrale de Fessenheim – la fermeture du second étant programmée pour le 30 juin.

Comme chacun l’avait noté ce jour-là, la décision de fermer ces réacteurs est une erreur sur tous les plans.

Triple ambition

Avant de préciser pourquoi, voici un petit résumé de son histoire présenté sur le site de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) :

« En 1977, la première unité de la centrale de Fessenheim est connectée au réseau électrique français en avril, suivie d’une seconde unité en octobre. Dix ans plus tôt, le président De Gaulle autorisait la construction de cette centrale nucléaire à la frontière avec l’Allemagne pour assurer la souveraineté énergétique de la France. A cette époque, la France possédait déjà des réacteurs nucléaires de la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG).

« En 1970, EDF décide d’abandonner cette filière pour la technologie américaine des réacteurs à eau sous pression (REP) sous licence de Westinghouse Electric Company, en prenant comme référence la centrale nucléaire de Beaver Valley en Pennsylvanie. Le projet de Fessenheim est alors financé grâce à la participation de trois sociétés : l’entreprise publique française Électricité de France (67,5 %), le groupe allemand EnBW (17,5 %) et un consortium de trois sociétés suisses (15 %). Fessenheim est donc la première centrale française équipée de cette nouvelle technologie qui est aujourd’hui majoritaire dans le monde. Un choix confirmé en 1974 par le plan du Premier ministre Pierre Messmer qui, à la suite du choc pétrolier de 1973 et l’envolée du prix du baril, décide de lancer la France dans la construction d’un vaste programme nucléaire composé de 13 réacteurs de 900 MW fondé sur la technologie REP choisie pour Fessenheim. Grâce à cette décision, le taux d’indépendance énergétique de la France est aujourd’hui l’un des plus élevés de l’Union européenne (53,1 %). »

Ce que nous rappelle cet historique, c’est que la centrale de Fessenheim était à l’origine l’expression d’une triple volonté politique : celle de développer une filière nucléaire plus sûre (le graphite étant une matière inflammable) ; celle d’une « coopération renforcée » entre partenaires européens ; et celle d’atteindre une certaine souveraineté énergétique, tant au niveau français qu’européen.

Pourquoi fermer est une erreur

1) Comme le soulignent les professionnels, une centrale ne « vieillit » pas, elle s’use. Or, dans le cas des réacteurs de la centrale de Fessenheim, à part les cuves, l’ensemble des éléments composant les réacteurs ont été remplacés ou rénovés. Pour le dire autrement, ils représentent « moins » de risques que d’autres réacteurs moins rénovés. Ainsi, en 2015, Fessenheim était même considéré comme l’une des centrales « les plus sûres de France » selon Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

2) D’ailleurs, les réacteurs de la centrale de Fessenheim, comme le rappelle la SFEN, sont identiques à ceux de la centrale Beaver Valley en Pennsylvanie. Or, alors qu’en France, l’on nous fait croire qu’il faut fermer après 40 ans, aux États-Unis, le régulateur nucléaire américain leur accorde 60 et, selon les cas, 80 ans de fonctionnement, estimant qu’ils sont construits pour durer 100 ans…

3) Ainsi, il n’est pas excessif d’affirmer que la fermeture coûtera 1 milliard d’euros par an de perte d’exploitation, soit 10 milliards dans l’hypothèse raisonnable d’une prolongation minimale de la durée d’exploitation de 10 ans.

4) La fermeture de Fessenheim a été décidée, en novembre 2011, sur « le coin de table » d’une cuisine purement électorale. À la veille du scrutin présidentiel, pour rallier l’appui des écologistes à la candidature de François Hollande, Martine Aubry offre alors sur un plateau d’argent la centrale de Fessenheim à Cécile Duflot, présidente d’EELV. En échange d’un poste ministériel, Duflot est chargée de convaincre la tribu écologiste à renoncer à la sortie totale du nucléaire. Afin de permettre à Duflot de « vendre » ce compromis à sa base, le candidat socialiste s’engage à « réduire la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % à 50 % en 2025 ». Or, en réalité, il ne s’agit pas de réduire le nombre de kilowatts heures d’origine nucléaire mais, en augmentant la part d’électricité produite par les renouvelables (éolien, photovoltaïque), d’en réduire la part. Ainsi, Fessenheim se retrouve condamnée à la fermeture, mais uniquement le jour où le nouveau réacteur EPR de Flamanville se retrouvera connecté au réseau. Ainsi, se croyant fins politiques, Hollande et son conseiller d’alors, Emmanuel Macron, espèrent pouvoir plaire à tout le monde…

5) Dans une déclaration du 5 octobre 2012, le candidat Jacques Cheminade dénonce cette décision. Et il ajoute : « Je partage surtout le désarroi de tous les travailleurs que j’ai rencontrés à Fessenheim le 3 avril 2012, en m’interrogeant sur les emplois directs et indirects perdus si le dispositif qui fournit à l’Alsace 70 % de sa consommation d’électricité venait à disparaître. Car il s’agit à la fois de l’emploi et de la substance de notre économie. (…) c’est d’une autre transition énergétique dont nous avons besoin, celle qui puisse nous conduire, en passant par le nucléaire de la quatrième génération (neutrons rapides, thorium), vers des énergies encore plus denses et efficientes (fusion nucléaire, etc.). Comme je l’ai souligné lors de la campagne présidentielle, il y a de la place à Fessenheim et ailleurs, pour bâtir la plateforme de décollage qui permettra de passer aux formes de production d’énergie de l’avenir, à plus forte et non à plus faible densité énergétique. C’est là que se trouvent les ressources des emplois qualifiés, de la compétitivité et de la réindustrialisation que MM. Hollande et Ayrault affirment vouloir. Il n’y a pas d’issue qui ramène au passé. »

6) A cela, ajoutons que si l’on accepte l’argument répété partout que « l’urgence » est de sauver la planète des émissions de gaz carbonique, alors on doit maintenir Fessenheim, vu que sa fermeture ne peut qu’augmenter ces émissions ! En effet, comme cela s’est avéré chez nos voisins allemands, on ne peut pas substituer à une énergie pilotable comme le nucléaire, une énergie essentiellement intermittente (panneaux solaires, éoliennes), sans fatalement recourir au charbon ou au gaz, c’est-à-dire aux énergies fossiles dont on prétend, pour des raisons parfois discutables, vouloir réduire l’usage.

On ne pourra pas reprocher à nos amis défenseurs du nucléaire de passer à coté de ce simple raisonnement logique.

Mais sans doute devraient-ils pousser la logique jusqu’à ses conséquences ultimes et peut-être éviteraient-ils ainsi l’erreur de se battre sur le terrain défini par leurs adversaires. De COP en COP et à la lumière de la révolte des Gilets jaunes en France, on entend dire qu’il faut « sauver la planète mais éviter une écologie punitive », « faire en même temps du social et de l’écologie », « penser aux pays pauvres qui sont les premières victimes du réchauffement climatique », etc. Ces larmes de crocodiles versées pour apaiser les brûlures des pauvres, sont-elles vraiment sincères ? [1]

Comme par hasard, le lobby de la « finance verte » est identique au lobby malthusien pour qui la surpopulation est la mère de tous les problèmes. Comment osent-ils terroriser nos enfants ? Parmi tous ces « défenseurs de l’écologie et du social en même temps » hors de ces colonnes, avez-vous déjà entendu un responsable politique, associatif ou scientifique français défendre le droit des pays pauvres aux technologies nucléaires ? Si cela était le cas, on aurait vu une marée humaine déferler sur Fessenheim le 22 février. Et au lieu de penser à réduire notre consommation d’énergie et nos déplacements, on parlerait de produire, pour nos transports de demain (Spacetrain, locomotives hybrides d’Alstom), de l’hydrogène en très grande quantité par électrolyse à partir du nucléaire qui est tout de même la manière la plus efficace, et la moins polluante pour cela.

Cependant, on n’a jamais vu un rapport du GIEC demander un investissement massif dans le nucléaire à l’échelle mondiale. Au contraire, la priorité y est accordée à l’utilisation d’énergies renouvelables intermittentes pourtant incapables de répondre aux besoins de l’humanité. Les défenseurs du climat ne semblent pas être de grands défenseurs de l’humanité quoi qu’ils en disent. Les plus cohérents et plus fous d’entre eux diront en privé que « de toutes façons, il y a trop d’hommes sur Terre », et de nous inviter à en tirer les conséquences que nous voulons. [2]

Ceci nous éloigne de Fessenheim, me direz-vous ? Pas du tout : on ne sauvera pas le nucléaire français, en essayant de le « vendre » comme complément aux énergies renouvelables intermittentes. Il faut attaquer l’idéologie malthusienne là où elle est vulnérable : en défendant les grands projets dont l’humanité a réellement besoin.

N’attendez donc pas le 30 juin, date de la fermeture du deuxième réacteur, pour nous rejoindre dans ce combat !

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[1Comparons simplement les données démographiques et de consommation d’électricité de deux pays. En France, l’espérance de vie dépasse les 82 ans et la consommation d’électricité est de 6940 kWh/an/tête. Au Niger qui nous fournit en uranium, l’espérance de vie est inférieure à 62 ans et la consommation d’électricité est de 51 kWh/an/tête, soit environ l’équivalent d’une ampoule basse consommation pour 3 personnes. L’espérance de vie est très fortement corrélée avec la consommation d’électricité.

[2NOTE : Tout ceci n’est pas sans rappeler l’attitude du bon pasteur, Thomas Malthus, qui prophétisait qu’au-delà d’un milliard d’êtres humains la planète serait surpeuplée et qu’on assisterait à des grandes vagues de famines. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage : Malthus travaillait pour la Compagnie des Indes orientales qui a organisé artificiellement des grandes famines en Inde pour garder le contrôle de ses ressources naturelles.