Rebellion inédite à l’hôpital : la « grève du codage » T2A

lundi 14 octobre 2019

Collectif Inter-Urgences

Tout juste créé indépendamment des syndicats pour étendre l’intense mobilisation du Collectif Inter-Urgence à l’ensemble du secteur de la santé publique, le Collectif Inter-Hôpitaux a réuni en Assemblée Générale le personnel médical et non médical des hôpitaux publics d’Ile de France (AP-HP) ainsi que les associations d’usagers le 10 octobre. Relayé en direct sur Facebook, l’événement a connu un large succès ! Alors qu’une seule salle était initialement prévue, ce sont 450 personnes qui ont finalement répondu présent, occupant les trois amphithéâtres de la faculté de médecine Sorbonne à la Pitié-Salpêtrière...

AG dans tous les hôpitaux et arrêt du codage T2A

Cette fois-ci, point de grève « classique » (dont les résultats ont été trop souvent décevants, surtout pour des personnels qui peuvent être réquisitionnés par leur direction) ! Mais un appel à « la mobilisation de tous les établissements, avec l’organisation d’assemblées générales permettant de mettre en œuvre les mesures les plus urgentes : suspension des réunions administratives, arrêt du codage T2A et organisation d’événements ». Voici un extrait des deux motions qui ont été votée à une quasi-unanimité par les membres de l’assemblée dans une ambiance de calme et forte détermination :

  • « un plan d’urgence pour l’hôpital public avec un financement à la hauteur des besoins de santé de la population » qui devra passer par « des budgets supplémentaires et non se limiter à des redéploiements de financements existants ».
  • « un appel à la création de collectifs Inter-Hôpitaux rassemblant toutes les catégories de personnels et des représentants des usagers, dans chaque établissement, afin de mettre en œuvre les actions suivantes pour garantir les meilleurs soins et le meilleur accueil des usagers et personnes malades :
    • la suspension des activités non médicales non universitaires (notamment l’arrêt de la participation aux réunions sans implication immédiate pour le soin, avec les directions hospitalières, l’ARS ou le ministère, dans les GHT ou les GH).
    • l’arrêt du codage T2A [voir encadré ci-dessous, ndlr].
    • des événements locaux ou régionaux pour rassembler les personnels et les usagers et rendre leurs revendications publiques. »

Vidéo du vote des mentions :

Tous les hôpitaux ont donc été appelés à organiser des assemblées générales et à participer à la journée de mobilisation du 15 octobre organisée par le Collectif Inter-Urgences. D’autres actions seront menées comme un rassemblement prévu le 29 octobre à Paris, jour du vote solennel du Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale à l’Assemblée nationale qui sera suivi d’une grande manifestation de tous les personnels hospitaliers le 14 novembre à Paris.

A S&P, nous avons continuellement dénoncé la dictature comptable instaurée par la tarification à l’acte et ses conséquences inhumaines – et ce, dès sa création. Nous soutenons donc pleinement cette initiative prometteuse. Nous appelons tous les citoyens – « usagers actuels ou futurs » – à participer à ces manifestations et à signer la pétition « Il faut un plan d’urgence pour sauver l’hôpital-public ».

En plus, bien évidemment, de s’engager avec nous pour remettre notre système financier au service de l’hôpital, du laboratoire, de l’école... bref, de tous les services et biens publics qu’il est de notre devoir de transmettre aux générations futures ! Cliquez ici pour adhérer à S&P.

Encadré : Pourquoi la « grève du codage » T2A ?

Prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2003, l’instauration de la Tarification à l’activité (T2A) a pris pour modèle le système de tarification à la pathologie introduite aux Etats-Unis en 1984 par Medicare et généralisée dans de nombreux pays européens. Auparavant, chaque établissement recevait une enveloppe globale établie selon ces besoins annuels. Non seulement le type de facturation imposé par la T2A complique et démultiplie les actes médicaux – en alourdissant la facture pour la Sécurité sociale – mais de plus elle est inadaptée pour la prise en charge de maladies chroniques et de personnes âgées. Saluée par les administrateurs comptables mis à la tête des hôpitaux publics, elle a transformés ces derniers en entreprises concurrentielles à fort gains de marché au détriment des soins des patients et du travail du personnel de santé.

Pour les médecins, participer à la résistance organisée par le Collectif Inter-Hôpitaux signifie donc concrètement qu’ils cesseront de déclarer à la direction comptable de leur hôpital chaque acte médical pratiqué au cours de leur journée de travail (ce qui libérera d’ailleurs un temps très précieux pour soigner les patients !) Un « boycott » que beaucoup n’osaient pas même imaginer jusqu’à présent, par crainte du retour de bâton de leur hiérarchie ! Mais à présent, la colère a chassé la peur...