Santé

Le droit aux soins pour tous est un principe garanti par notre Constitution

Arrêtons la privatisation de la santé publique

jeudi 9 mars 2017

Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.

Notre système de santé publique subit aujourd’hui une privatisation rampante qui menace son existence. Une logique comptable étrangle l’hôpital public, alors que les mutuelles et les assureurs privés gèrent la moitié des dépenses en médecine de ville. Le déremboursement public se poursuit depuis quarante ans, avec la complicité active ou passive de nos gouvernements successifs. C’est pourquoi il faut revenir à un vrai système public de droit à la santé et aux soins pour tous.

La santé n’est pas une marchandise. Mon objectif est de sauver ce trésor national en demeurant fidèle aux principes qui inspirèrent Ambroise Croizat et Pierre Laroque et en faisant de la prévention massive et du respect de chaque malade une priorité absolue. Si les moyens existants sont mobilisés à bon escient, si une politique réellement humaine recentrant la médecine sur le malade (et non sur l’évaluation financière du coût moyen de la maladie) est mise en œuvre et la contribution des différents acteurs mieux coordonnée, nous pouvons déjà parvenir à une espérance de vie moyenne de cent ans, dans un état physique et sanitaire satisfaisant. Pourquoi nous en priver ? Pourquoi abdiquerions-nous face à des assureurs privés qui, comme on l’a vu aux Etats-Unis, ont conjugué l’envolée des dépenses avec des inégalités abyssales ?

Un projet d’ensemble est nécessaire, non des économies au coup par coup. Au lieu de rationner, nous devons rationaliser, solidariser et sortir d’une logique étroitement comptable, en mettant la population « dans le coup » pour être en mesure d’organiser une prévention digne de ce nom et lever les doutes engendrés par les défauts de contrôle et les scandales.

I. Sauver la Sécurité sociale

Les participations aux dépenses, imposées aux malades, se sont multipliées. Le résultat en est un accroissement croissant des inégalités en matière de soins. Les sommes prélevées par les complémentaires ont été multipliées par cinq depuis 2001, 7 % des ménages ne bénéficiant pas de la couverture maladie universelle (CMU) ne peuvent se payer une complémentaire et certains ménages doivent consacrer une proportion de leur revenu onze fois supérieure à d’autres pour se soigner. Enfin, les soins optiques ne sont remboursés qu’à 4 % par la Sécurité sociale, les soins dentaires à 37 %. Quatre patients sur dix renoncent à des soins dentaires trop chers et la proportion est bien pire pour les prothèses auditives.

Pour justifier cette contraction des soins dans la perspective de « rentabilité comptable » imposée par le système financier, l’on nous rebat les oreilles avec le « trou » de la Sécurité sociale. Or les comptes de cet organisme montrent bien que ce trou n’a pas pour cause réelle les dépenses inconsidérées des malades ni les fraudes sur l’assurance maladie (la répression des fraudes estime que celles-ci, qui atteignent environ deux cents millions d’euros, restent, malgré les hausses récentes, inférieures à 1 % des prestations versées). Les causes principales du déficit sont en réalité :

  • la montée du chômage, qui a accru les charges et réduit les cotisations ;
  • le vieillissement relatif de la population, qui exige plus de soins ;
  • une politique de prévention insuffisante ;
  • l’exonération de certaines charges en faveur des entreprises ;
  • le détournement par l’Etat vers d’autres usages des fonds collectés au titre de diverses taxes, prévues pour compenser l’effet négatif sur la Sécurité sociale des exonérations sociales sur les bas salaires ;
  • le pari engagé par l’Etat sur les marchés financiers (la City de Londres) pour couvrir les besoins pressants de financement des diverses assurances sociales. Ainsi, les premières cotations sur les allocations familiales, les pensions de retraite ou les remboursements de santé ont démarré sous la forme de titres EPC (Euro commercial paper) sur le marché de Londres. Les agences de notation leur ont attribué une note avantageuse pour faire gonfler un encours atteignant environ cinq milliards d’euros, et même davantage, si l’on y ajoute les bons de trésorerie (BT), marché et hors marché. Ce risque a non seulement un coût pour l’Etat, c’est-à-dire chacun d’entre nous, mais comporte à terme un risque, comme tout pari sur un bien.
    C’est donc la Sécurité sociale qui a été volée par l’Etat !

Il est donc scandaleux de culpabiliser les Français sur le coût de leurs soins pour leur imposer une série de mesures allant à l’encontre du principe d’égalité et de solidarité sociale. Il est inhumain et stupide de songer à supprimer l’aide médicale d’Etat (AME), qui prend en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière, ne serait-ce que parce qu’elle constitue une barrière efficace contre le risque que se constituent des réservoirs d’épidémies.

C’est tout l’esprit ayant présidé au lancement de la Sécurité sociale, conçue par la France libre, qui se trouve ainsi trahi. Je dis non, absolument non à cette dérive. En réalité, on crée une situation où être malade ou recevoir des soins de qualité devient un luxe. En revenir à l’esprit de justice sociale de la Libération dans les conditions du XXIe siècle, suppose une orientation radicalement opposée à celle suivie depuis plus de quarante ans par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont soumis à la dictature financière de la rentabilité à court terme.

Sauver la Sécurité sociale veut donc dire qu’on cesse de la voler. En même temps, une politique du médicament, s’attaquant à la rente de l’industrie pharmaceutique, est nécessaire pour économiser entre six et dix milliards d’euros :

stopper les autorisations de mise sur le marché de fausses nouveautés visant à contourner les génériques
contrôler plus sévèrement les prix des molécules innovantes
exiger l’indépendance absolue des experts lors de la mise sur le marché de nouveaux produits
changer le mode de rémunération des pharmaciens pour qu'ils ne soient plus sous la dépendance directe de l'industrie pharmaceutique
donner aux médecins des moyens d'aide à la prescription leur permettant de mieux évaluer les produits dans chaque classe thérapeutique
réduire les dépenses de produits somnifères, anxiolytiques et thymorégulateurs

Dans ce contexte, il sera possible de créer une assurance-maladie universelle couvrant l’ensemble des dépenses de santé, en incluant dans la Sécurité sociale la couverture complémentaire aujourd’hui essentiellement assurée par les mutuelles et les assurances. Cette Sécurité sociale intégrale comporterait un seul payeur et non plus les quelque cinq cents organismes complémentaires qui sont source de complexité, d’iniquité et de coût : plus de moyens à consacrer aux soins et moins aux procédures administratives.

Le ticket modérateur serait ainsi supprimé ; c’est un avantage, car il a actuellement un effet dissuasif sur les soins courants moins bien remboursés et entraîne un déport vers les soins plus lourds, les soins pour affections de longue durée (ALD), remboursés, eux, à 100 % dans les limites des tarifs de la Sécurité sociale. Cependant, pour responsabiliser l’assuré, il serait bon de lui prélever une somme de l’ordre de cinq euros lorsqu’il n’honore pas ses rendez-vous sans s’être décommandé, comme cela se produit hélas trop fréquemment.

Les dépassements d’honoraires, aujourd’hui en grande partie pris en charge par les complémentaires, ne pourraient l’être par le nouveau régime. C’est en revalorisant les rémunérations des professionnels dont les tarifs sont aujourd’hui sous-cotés qu’une porte de sortie pourra être trouvée. Les mutuelles, qui gèrent actuellement environ 2600 établissements sanitaires et sociaux, de la crèche à la clinique, seront progressivement intégrées dans le nouveau système. Plus que jamais, une association des parties prenantes sera nécessaire, car l’universalité de principe ne peut exclure la diversité d’application.

Cette Sécurité sociale ainsi refondée devrait être guidée par un pilote unique, sous contrôle de l’Etat mais sans étatiser le système. Le gouvernement et le parlement fixeraient les objectifs, mais la cabine de pilotage réunirait les partenaires sociaux, les professionnels de la santé, des représentants de l’Etat et des représentants des patients. Son rôle serait d’orienter, de diriger, de répartir les fonds et de décider de la politique de tarification, de soutenir les programmes de santé publique et d’animer la politique de prévention.

La prévention doit devenir une priorité absolue, dans l’intérêt général et pour éviter des dépenses plus lourdes, tant dans les régimes de Sécurité sociale qu’à l’école et au travail. Pour cela, les données de santé de la CNAM doivent pouvoir être librement exploitées et les plateformes de services mises systématiquement en place. Une éducation de la population dans les domaines sanitaire et alimentaire, sous contrôle du ministère de la Santé, doit être organisée en concertation avec les associations de patients, en faisant mesurer les conséquences ultérieures d’une hygiène et d’une alimentation impropres ou défaillantes.

Pour manifester l’objectif social de cette politique, qui doit reposer sur une croissance réelle de l’économie du même ordre que la progression des dépenses, les mesures suivantes seront mises en place :

rembourser à 100 % les soins dentaires, d'optique et auditifs, après un examen approfondi par la nouvelle agence de Sécurité sociale.
supprimer le forfait actuel de 18 euros sur les actes médicaux lourds
accroître le nombre de scanners et surtout les équipements d'imagerie par résonance magnétique (IRM)
encourager la télémédecine, qui permet une meilleure collaboration entre professionnels sans déplacements coûteux.

C’est dans ce contexte seulement que pourra être entrepris l’alignement progressif des différents régimes, en élargissant et en améliorant l’accès aux soins pour tous.

II. Sauver l’hôpital public

Concrètement, on code chaque acte à l’hôpital et les services voient leur budget indexé sur le nombre d’actes pratiqués. On établit ainsi un codage financier de la maladie. Or, comme le montre l’expérience du plan Medicare aux Etats-Unis, la T2A (tarification à l’activité) ne peut conduire qu’à un triage des malades. La maladie est un processus vivant que l’on ne peut quantifier dans un ordre fixe de temps, de manipulations ou d’addition financière prédéterminée. De plus, la tarification à l’activité avantage les cliniques privées qui se spécialisent dans des actes souvent de routine en prenant des malades rentables, alors que les CHU doivent prendre en charge les urgences, la formation de jeunes praticiens, les patients pauvres qui n’ont pas accès à la Sécurité sociale et les cas compliqués. C’est pourquoi :

la T2A doit être abandonnée, au profit d'une rémunération à la pathologie et à la performance
l'innovation doit être promue, avec {{le développement de l'ambulatoire, la multiplication des robots chirurgiens et la recherche sur les biotechnologies}}.
l'ouverture aux patients de l'information sur la qualité et le coût des soins doit devenir effective.
l'amélioration de la logistique et de l'organisation interne de l'hôpital exige elle aussi une réflexion de tout le corps hospitalier
la formation et l'accueil des urgences constituent des missions d'intérêt général de l'hôpital public.
le regroupement des hôpitaux et des structures qui les composent doit favoriser les reconversions vers d'autres activités de soins, plutôt que des fermetures « sèches ».
une réforme intelligente doit partir d'une évaluation objective

Il deviendra possible, dans ce contexte de revenir à un budget global par hôpital, fondé sur le principe de la solidarité entre toutes les parties prenantes et sur la responsabilité de la direction.

Par ailleurs, la question des emprunts toxiques contractés par les hôpitaux doit être revue. C’est un véritable scandale : la banque Dexia, en particulier, a vendu des emprunts à taux variable sans plafond (sujets à dérapages en raison d’indexations aberrantes sur des devises étrangères et évolutives) à plus de trois cents établissements, organisant une véritable arnaque financière à leur encontre, avec un surcoût estimé à plus de cinq cents millions d’euros, soit l’équivalent d’environ quinze mille emplois. Nos établissements ne doivent pas avoir à payer des intérêts pouvant aller jusqu’à 20 %, constituant un endettement désastreux. Les formules actuellement prévues par le gouvernement et les textes votés sont absolument insuffisants. Je prends donc l’engagement de rendre justice à ceux qui ont été trompés faute de réelle régulation de l’Etat et à cause de leur besoin urgent de ressources qu’ils ne pouvaient se procurer autrement.

III. Former des médecins et des infirmiers en nombre suffisant et dignement rémunérés

Nous manquons de médecins : les hôpitaux manquent d’internes dans cinq secteurs (médecine générale, anesthésie, obstétrique, gynécologie et échographie). La médecine générale, elle, intéresse de moins en moins d’étudiants car c’est là qu’on travaille le plus et qu’on gagne le moins. De plus, les médecins indépendants se concentrent dans les métropoles et les espaces ruraux sont ainsi de plus en plus dépourvus. Or une base suffisante de médecins généralistes est nécessaire pour assurer le renouvellement de notre politique de santé publique. Les infirmiers, eux, partent à la retraite ou quittent le métier sans être remplacés. En moyenne, chaque infirmier (c’est le plus souvent une infirmière) a une durée de vie professionnelle de seulement douze à quinze ans, à cause de la dureté du travail et des longs trajets auxquels les oblige le niveau général des loyers. Un cercle vicieux est donc ainsi enclenché : moins de personnel, ce sont des conditions de travail qui se dégradent pour ceux qui restent.

Les choses ne peuvent rester en l’état. Je propose de prendre les mesures suivantes pour redonner un élan à notre système médical en relevant les défis à tous les niveaux, car agir au cas par cas condamnerait à une dilution inefficace.

Pour former et intégrer le personnel médical nécessaire à notre pays :

augmenter le nombre de médecins formés
mettre à contribution les services médicaux de l'armée
réorganiser les maisons de santé

Pour redonner à la médecine généraliste qualité, attrait et efficacité :

les honoraires français sont parmi les plus bas d’Europe. Les fixer à trente euros par consultation ne serait que justice.
étudier un système de paiement complémentaire en fonction du nombre de patients traités par semaine et dans l'année.
mon projet d'une Sécurité sociale universelle doit permettre de réduire rapidement les contraintes administratives que subissent les médecins
on devrait intégrer dans la rémunération à l'acte un montant forfaitaire par patient, modulé en fonction de critères comme la gravité et la nature de la pathologie.
dans ce contexte, le montant perçu par patient pourra varier selon la zone d'exercice du médecin.
la contrepartie sera l'obligation systématique de soigner tous les patients couverts par les dispositifs publics destinés aux plus précaires.

Pour redonner sa dignité à la profession d’infirmier :

accroître les salaires.
revaloriser les diplômes
offrir des facilités de logement et rémunérer les études
assurer un soutien psychologique digne de ce nom

Il faut, dans ce contexte, mettre fin à une situation où, trop souvent, les infirmiers assurent des tâches de médecin et les aides-soignants celles d’infirmier. Bien entendu, ce retour à une juste répartition des compétences s’inscrit dans mes propositions pour redonner sa fonction légitime à l’hôpital public. Le personnel soignant des hôpitaux doit être formé de manière réellement permanente, obligatoire et gratuite. Ce qui suppose un pôle de personnels de remplacement, intégré dans les activités de l’hôpital. Il est inadmissible qu’aujourd’hui la direction des hôpitaux soit obligée de faire appel quasi quotidiennement à des intérimaires. Ma politique de santé publique est déterminée par la présence d’un personnel en nombre suffisant, ce qui assurera une rapide diminution des demandes de congé pour stress ou burn-out. Or, près de 90 000 postes ont disparu des hôpitaux publics entre 2008 et 2014, selon la Fédération hospitalière de France, plus environ 22 000 annoncés par Marisol Touraine entre 2015 et 2017, soit 112 000 emplois au total. Il faut stopper cette hémorragie. Il faudra également, dans le contexte que je définis d’une hausse des rémunérations et d’une fixation des effectifs en fonction des besoins de santé, et non d’une gestion étroitement comptable, revoir la question des 35 heures en milieu hospitalier, selon chaque cas examiné par les comités de santé organisés dans le cadre du pilotage de la Sécurité sociale, ou du moins réexaminer son aménagement en tant que de besoin.

IV. Coordonner les moyens et les fonctions pour mieux soigner partout

La France est aujourd’hui le pays développé qui dispose du plus grand nombre de lits d’hospitalisation par habitant. Malheureusement, la coordination entre lits d’aigu, lits de soins de suite, lits de long séjour et hospitalisation à domicile n’est pas assurée. Il n’a pas assez de « lits d’aval » ni de liaisons hôpital-ville. La situation devient dramatique en milieu rural.

La coordination des moyens et des fonctions devra impliquer les mesures suivantes :

les lits d'aigu devront désormais concentrer les moyens et les personnels dans des pôles technologiques
les lits de « soins de suite », après les séjours dans des lits d'aigu, doivent prendre le relais

<mesure|texte=le nombre de lits de moyen-long séjour doit être accru pour accueillir les personnes âgées et les convalescents qui ne peuvent pas rentrer chez eux ;

Dans ce contexte, je propose de renforcer les incitations à créer des maisons de santé et à développer des pôles et des maisons de santé interdisciplinaires. C’est indispensable en milieu rural et périurbain pour améliorer la qualité et l’accès à la médecine de proximité et de premiers secours (généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, etc.). Je préconise également d’intégrer à ces maisons de santé des « maisons de garde », permettant de traiter les petites urgences, d’effectuer les diagnostics, en particulier de maladies chroniques, et d’organiser les soins « en première ligne ». En jugeant rapidement de la gravité de la maladie à tout moment, elles permettront de désengorger les services d’urgence hospitaliers dans les cas plus bénins, et d’y faire transférer rapidement les seuls cas qui l’exigent. De plus, ces maisons de garde seront accessibles en fin de semaine, alors qu’aujourd’hui trop souvent, en milieu rural, les médecins ne répondent pas et doivent être remplacés par des pompiers, dont ce n’est pas le travail et qui ne peuvent traiter les patients sur place. Leur intervention devra bien entendu être coordonnée avec l’ouverture systématique de pharmacies de garde les moins éloignées possibles. Le médecin généraliste pourra ainsi retrouver sa place d’omnipraticien et sera plus disponible pour se déplacer si nécessaire au domicile des patients. Des logements bon marché devront, dans ce contexte, être proposés aux internes souhaitant faire leur stage en milieu rural.

Cette intégration transdisciplinaire permettra une revalorisation et une meilleure intégration de la médecine de campagne dans notre système national de santé. Outre la coordination médico-sociale et administrative, elle permettra au corps médical d’intégrer et aux infirmiers de valoriser le travail de prévention et d’éducation thérapeutique au quotidien, en appui d’une mobilisation nationale sur ce sujet fondamental.

Notons que les appels au « 15 » sont un recours trop peu utilisé actuellement, et que leur intérêt pourra être mieux compris, avec un meilleur service, dans la réforme que je préconise.

V. Mener une politique réellement humaine en faveur des personnes âgées

La vieillesse ne doit pas être « un naufrage ». Toutes choses égales par ailleurs, sans guerre ni forte aggravation de la crise sociale, onze millions de Français devraient avoir plus de 75 ans en 2050. C’est une excellente nouvelle car elle reflète un prolongement de l’espérance de vie. Mieux encore, ce chiffre devrait être dépassé en raison des progrès de la médecine à venir. En améliorant notre système de prévention et de soins, on peut faire bien mieux encore et augmenter notre durée d’existence jusqu’à une centaine d’années, dans des conditions beaucoup plus satisfaisantes que celles qui prévalaient après 65 ans il y a encore une cinquantaine d’années.

Je refuse donc que l’on pose la question de la vieillesse en termes quasi exclusifs du « coût de la dépendance ». Il s’agit d’une approche de comptabilité financière, correspondant à une conception de l’être humain qui attribue un prix à notre vie à un moment donné, sans prendre en compte ni l’aval ni l’amont. La véritable solution au problème de la dépendance est de la réduire au maximum, en améliorant les conditions de vie et de santé, ce qui est la logique d’ensemble de mon projet. C’est la première chose à dire pour commencer, afin de ne pas se laisser piéger par les comptables financiers de la vie, qui sont, consciemment ou non, les assistants de l’oligarchie prédatrice actuellement au pouvoir.

Aujourd’hui, cependant, on ne voit se manifester aucune volonté de mener une politique réellement humaine en faveur des personnes âgées. Nous souffrons d’une absence quasi totale de prise en compte de la nécessité de former nos élites de demain, qui auront la charge de gérer et d’encadrer les personnes du troisième âge. Aucune institution, université ni grande école n’a ouvert de cours de formation sur la gestion des seniors, à l’exception de l’université de gérontologie de Paris. Je propose que cette formation, associée à une mise à jour constante des progrès de la médecine, soit étendue en milieu médical et fasse l’objet d’un enseignement pour les futurs administrateurs, en particulier au sein de cette ENA refondée que je préconise. En même temps, il est nécessaire d’organiser une filière gériatrique dans chaque territoire de santé, en multipliant le nombre d’appartements thérapeutiques intégrés dans lesquels les résidents puissent davantage assumer leur autonomie et conserver ou étendre leurs facultés cognitives par l’organisation systématique d’activités culturelles interactives. Il faut en même temps encourager et financer, en amont, la préparation multidisciplinaire à la vieillesse. Dès 50 ou 55 ans, nous devons nous préparer à bien vieillir. Il faut encourager l’ouverture dans les hôpitaux de centres regroupant des nutritionnistes, des gériatres et des psychologues. En même temps, l’intégration sociale que porte mon projet incitera les Français à participer, à mieux s’entretenir et se soigner. Une France qui ne comptera plus 130 000 SDF et 14 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, sera un pays où les gens se soigneront mieux parce qu’on leur en donnera les moyens, et les dépenses de santé diminueront proportionnellement. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat des retraites a baissé de 22 % en moyenne au cours des quinze dernières années et le déséquilibre financier lié au sexe ou à la profession est inadmissible : 1600 € pour les hommes et 960 € pour les femmes, alors que des agricultrices retraitées, qui ont travaillé de treize à quinze heures par jour durant toute leur vie, ne bénéficient que d’une retraite de 500 à 900 € ! Je m’engage à remettre progressivement à l’heure les compteurs de la justice sociale.

Si l’on parle chiffres, les actions financières en faveur du troisième âge ont aujourd’hui un coût total d’environ 25 milliards d’euros (soins à l’hôpital et en ville, allocation personnalisée d’autonomie, aide à l’hébergement, financement des établissements, réductions fiscales). On se sert de ce chiffre global pour impressionner.

La dépendance ne concerne en fait qu’environ 1,2 million de personnes, l’état de dépendance légère que 3 millions, et leur effectif n’augmentera que d’environ 1 à 1,5 % par an d’ici 2040, avec une durée moyenne de dépendance de 3,7 ans pour les hommes et d’un an de plus pour les femmes. Son coût total ne représente que 1 % du produit intérieur brut (PIB) et n’augmentera vraisemblablement que de 4 % par an. Or, le total de nos dépenses de protection sociale avoisine 32,5 % de ce PIB (s’il est vrai que les dépenses de ce qu’on qualifie de « vieillesse survie » représentent, elles, 46 % des prestations sociales, ce n’est pas le sujet de la dépendance qui est en cause, mais celui du traitement légitimement humain de personnes âgées non dépendantes). Il ne s’agit pas d’un coût insupportable, d’autant plus que le progrès technique promu par mon projet va réduire ces dépenses en promouvant la prévention, en améliorant généralement la qualité de la santé et en permettant autant que possible un maintien souhaitable à domicile.

Face à cela, nous assistons à une situation intolérable :

  • dans les maisons de retraite, les EHPAD ou le service à domicile, les services à la personne se dégradent à cause d’un manque d’effectifs, d’une absence de formation, de la non-reconnaissance sociale du travail effectué par ces personnels, de la pénibilité et d’un statut précaire sans perspectives de carrière. Actuellement, beaucoup de dépôts de plaintes de famille sont en cours d’instruction pour maltraitance, même dans des établissements coûteux. Je pense à la « lessiveuse à vieux », machine mise en place pour faire la toilette aux personnes âgées, pour gagner du temps et réduire le personnel, mais en abolissant le rapport humain entre soignant et senior, moment essentiel du respect de la dignité humaine. Je me battrai pour que cette situation inadmissible prenne fin, par un effort de formation des personnels, la création d’un statut et un contrôle plus rigoureux des établissements. Je porte ainsi une attention particulière à la construction de « résidences services seniors  », suivant de nouvelles normes et reposant sur une intervention de tout moment à la demande des hébergés, qui ont conservé leurs capacités cognitives mais souffrent de certaines incapacités physiques ;
  • les services à la personne à domicile pour répondre à l’attente des personnes âgées sont plus qu’insuffisants. Le besoin en personnel est d’environ un million d’emplois, alors qu’en réalité, seuls 650 000 sont référencés, dont 150 000 non déclarés et 200 000 bénévoles non encadrés. Je remettrai immédiatement en cause la politique fiscalement moins favorable décidée sous ce quinquennat, qui ne correspond en rien à la réalité économique de cette activité et aux dévouements qu’elle requiert, tout en faisant en sorte que l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) à domicile bénéficie réellement aux personnes vulnérables et sans ressources. Là, des économies peuvent être effectuées, qui devront être en partie réaffectées à l’aide au tarif d’hébergement en maisons de retraite, aujourd’hui trop lourd pour les résidents, et surtout au Fonds de solidarité vieillesse, qui finance le minimum vieillesse (ASPA). De plus, pour éviter les désertions constantes de ce type d’activité auprès du troisième âge, engendrées par le stress et la pénibilité, outre sa revalorisation financière, je propose de créer des centres de formation, et plus généralement la valorisation et la reconnaissance professionnelle de ces métiers ;
  • l’accès aux maisons de retraite et aux EHPAD révèle un décalage énorme entre l’offre et la demande  : il y a 1,4 million de personnes âgées de plus de 85 ans et seulement 700 000 places dans des maisons de retraite généralement éloignées des centres urbains, ce qui provoque l’isolement des seniors et la perte de leurs repères sociaux. Le système des EPHAD est aujourd’hui financé par la « silver économie », qui ne pourra pas y suffire même avec le nombre actuel d’unités. Je propose donc l’intégration des EPHAD dans le budget de l’Etat  ;
  • les interventions d’hospitalisation et les soins médicalisés sont surfacturés et grèvent le budget des seniors, tout comme les coûts exorbitants liés à l’équipement et l’adaptation du logement, ainsi que les équipements nécessaires (système respiratoire, matériel paramédical, fauteuils et lits adaptés...). Je m’engage donc à combattre les commerçants qui abusent de la dépendance  ;
  • le grand âge venant, le combat contre la grabatisation fait entièrement partie de mon projet. Celle-ci n’est très souvent due ni au vieillissement ni à la maladie, mais est liée à une prise de soins inadéquate, faute de moyens ou de connaissances.

Je propose en outre les orientations suivantes :



<mesure|texte=donner la priorité aux appartements thérapeutiques ou « appartements protégés ».|paragraphe= La perte d’autonomie des personnes âgées est bien moindre dans ces lieux, où elles peuvent conserver leur environnement quotidien de toute une vie, qu’en établissement où se produit fatalement une perte de repères ;



Je mènerai ainsi un combat sans relâche pour une mobilisation nationale autour du vieillissement et une revalorisation du rôle des personnes âgées. Ce combat est un des trois piliers sociaux de mon combat politique plus général, les autres étant ceux pour la jeunesse et pour le droit au travail. Leur dénominateur commun est la priorité donnée à l’humain par rapport à une rentabilité financière qui, appliquée à la vie, reflète l’inhumanité de notre société.

VI. Conclusion : revenir à l’esprit social du Préambule de notre Constitution

Je me battrai pour arrêter le triage des soins en matière de santé publique et le harcèlement dont sont victimes les médecins et les soignants dans les hôpitaux publics (réduction des moyens, malades traités à flux tendus, chaque fois plus de gestion et dépréciation constante du travail humain, comme partout).

Si nous ne sauvons pas la santé publique, la Sécurité sociale et l’hôpital public « par le haut », c’est toute notre société qui se disloquera et avec elle, tout sens de solidarité et de progrès, dans une forme de rapports sociaux qu’il faut bien appeler une « culture de la mort ».

Une terrible manifestation de la voie destructrice vers laquelle s’achemine ce qui est encore un des meilleurs systèmes de santé au monde, est la manière dont ont été pendant longtemps autorisés des médicaments dont on savait les effets néfastes et la façon scandaleuse dont a été traitée la maladie de Lyme, en l’absence de tests adéquats pour des raisons de coût, ce qui, sans même parler en termes humains, a coûté à moyen et long terme bien plus cher que si on avait reconverti plus tôt les protocoles de diagnostic.

La mise en garde que je fais ici n’a rien d’excessive : la santé, comme le travail, n’est pas une marchandise.