La Chine sortira-t-elle les États-Unis de la pauvreté ?

vendredi 13 septembre 2019

Chronique stratégique du 13 septembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Derrière le vernis de la reprise économique, la société américaine se désintègre progressivement, sous l’effet de la politique de sauvetage des banques des dix dernières années. À Los Angeles, où l’évolution du nombre de sans-abri prend des proportions épidémiques, le typhus a fait sa réapparition, et certains médecins pensent que les conditions sont réunies pour faire également réapparaître la lèpre. A rebours de cette logique, l’implantation d’usines chinoises en Alabama et en Caroline du Sud a fait baisser la courbe du chômage et reculer la pauvreté dans ces États.

« Âge des ténèbres »

Le Los Angeles Times a publié le 4 septembre un article faisant état de la dégradation des conditions sanitaires dans le Comté de Los Angeles, où la population de sans-abri a augmenté de 39 % depuis 2014, pour atteindre aujourd’hui 60 000 personnes. Trois d’entre elles meurent chaque jour. « Ils meurent sur les trottoirs, au bord des rivières, dans les parcs, ou encore dans leur tente ou leur véhicule », rapporte le quotidien, qui estime que plus de 1000 sans-abri vont mourir cette année dans le Comté.

Le nombre de morts des sans-abri pour cause de maladie, de drogue, d’accident, de suicide est aujourd’hui quasiment le double du taux de morts par homicide. L’âge moyen des 660 sans-abri morts depuis le début de l’année à Los Angeles est de 51 ans, alors que l’espérance de vie y est de 80 ans.

Le L.A. Times cite Brian Elias, le chef des enquêtes au Bureau du médecin légiste :

Nous constatons des morts de sans-abri dans des lieux où nous n’en trouvions aucun il y a 5 ou 10 ans. (…) Dans une région où la richesse est abondante et où les hôpitaux sont de classe mondiale, des gens meurent sans le sous, dans la souffrance et la solitude.

Dans un article paru le 9 septembre dans The Hill de Washington, et intitulé « L’Amérique est-elle menacée par une maladie de l’âge des ténèbres ? », le Dr Marc Spiegel, qui dirige la Doctor Radio à la NYU Langone Health, met en garde contre la réapparition à Los Angeles de maladies du Moyen-Age, comme le typhus, en conséquence des conditions d’hygiène liées aux sans-abri et à la pauvreté. Pire, Spiegel estime que tous les facteurs sont réunis pour la réapparition de la lèpre. « Ce n’est qu’une question de temps », écrit-il, avant que la lèpre ne se répande parmi les sans-abri.

L’autre fléau est la consommation de drogues, en particulier parmi les populations les plus jeunes, qui font face à une société ne leur offrant aucun avenir. Une étude de l’Université du Michigan, publiée le 5 septembre, montre que 43 % des étudiants (contre 38 % l’an dernier) fument la marijuana, 6 % d’entre eux fumant plus de 20 fois par mois. « C’est surtout la fréquence qui nous inquiète car c’est lié aux résultats universitaires médiocres, et cela peut avoir des conséquences négatives pour la santé mentale », affirme John Schulenberg, l’un des chercheurs du Michigan.

Schulenberg souligne que cette augmentation rapide « semble être liée à à l’évolution de ce qu’est le risque – dans les années 1990, près des trois quarts des jeunes adultes disaient que fumer du shit était dangereux. L’an dernier, seuls 22 % le pensaient ».

La Chine éradique la pauvreté en Alabama et en Caroline du Sud

Le magazine Forbes a publié le 5 septembre un article à propos du documentaire « Better Angles », produit par le réalisateur de Los Angeles William Mundell, et qui montre les bénéfices pour les deux pays d’une coopération sino-américaine.

En mai 2014, à la surprise générale, l’entreprise chinoise GD Cooper avait ouvert une nouvelle usine dans le Comté de Wilcox, dans l’Alabama, l’un des lieux les plus pauvres des États-Unis. GD Cooper, qui fabrique des produits de cuivre de précision pour les vendre sur le marché américain, a ainsi créé des centaines de nouveaux emplois manufacturés – dans un comté où la majorité des gens travaillent dans des fermes, et où le taux de chômage est de 32 %. Le revenu par habitant a ainsi augmenté de plus de 1500 dollars par an en 2017, d’après les statistiques officielles.

Le documentaire de Mundell décrit également le cas du Comté de Lancaster, en Caroline du Sud, où la disparition des emplois dans le textile, après avoir soutenu l’économie pendant plus d’un siècle, a provoqué un chômage de masse, qui atteignait 19 % en 2009. « Quelques années plus tard, écrit Forbes, à travers un un développement qualifié d’époustouflant par le directeur du développement économique du Comté, certains des emplois dans le textile partis en Chine sont revenus – grâce aux Chinois. En 2015, le fabricant de textile Keer a ouvert une usine de production dans le Comté de Lancaster ». Cette relocalisation s’explique par la baisse de 30 % du coût de production du coton sur place, en raison d’une électricité 40 % moins cher qu’en Chine et des écarts de salaires moins importants que par le passé entre les travailleurs chinois et américains.

Mundell montre que les « recettes » utilisées face aux suppressions d’emplois du secteur industriel ne sont pas parvenues à enrayer le chômage et la démoralisation dans les régions industrielles. Sur un total de 3100 comtés américains, 50 concentrent 80 % des investissements. Mais « il existe un bassin riche de talents et de capitaux entrepreneuriaux, prêts à prendre des risques afin de redonner vie à l’industrie, rapporte Forbes. La clé, c’est un état d’esprit déterminé à utiliser les ressources locales existantes — tant humaines que matérielles — pour ramener la prospérité dans ces communautés abandonnées ».

Et de conclure en constatant : « Ce genre de talent ne se limite guère à une seule nation, mais aujourd’hui les Chinois, après 30 ans à développer ce type de projet, sont devenus les meilleurs au monde ».

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