La « fièvre lunaire » fera-t-elle fondre notre pessimisme glacial ?

vendredi 26 juillet 2019

Chronique stratégique du 26 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

De par le monde, les célébrations du 50e anniversaire de l’alunissage d’Apollo 11 ont provoqué un grand enthousiasme, caractérisé par certains médias « d’accès de fièvre lunaire ». Aux États-Unis, des dizaines de milliers de personnes ont bravé la chaleur estivale pour participer aux différents événements organisés à travers le pays.

L’émotion est d’autant plus grande que l’actualité spatiale est très riche :

  • pendant que le robot chinois Yutu-2 (le lapin de Jade 2) poursuit son exploration de la « face cachée » de la Lune, l’Agence spatiale indienne (ISRO) a réussi ce lundi le lancement de la mission Chandrayaan-2 (« Chariot lunaire »), à destination du pôle sud de notre satellite, une région largement inexplorée à ce jour. La partie atterrisseur de la sonde du nom de Pragyaan – « sagesse » en sanskrit –, qui s’y posera, étudiera les rochers et le sol de la surface, pendant un jour lunaire, c’est-à-dire quatorze jours terrestres. La réussite de cette mission fera de l’Inde la quatrième nation à poser une sonde sur la Lune, après l’Union soviétique, les États-Unis et la Chine.
  • En parallèle, le 20 juillet, une équipe composée de l’astronaute physicien américain de la NASA Andrew Morgan, le commandant russe Alexander Skvortsov et le copilote italien Luca Parmitano, a décollé à bord d’une fusée Soyouz, depuis la base de Baïkonour, au Kazakhstan, pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS). L’horaire du lancement a coïncidé avec l’alunissage d’Apollo 11, le 20 juillet 1969.
  • Enfin, le 22 juillet, au moment du décollage de la fusée indienne, les agences spatiales chinoise, russe et européenne ont convenu d’élaborer ensemble un plan pour construire une station de recherche scientifique sur la Lune, sans doute d’après le concept du Moon village.

Les conditions semblent donc mûres pour le type de coopération internationale autour des « objectifs communs de l’humanité », à laquelle notre mouvement appelle de ses vœux, ce depuis plusieurs décennies. Déjà, en 1986, l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche avait réalisé et diffusé le document télévisé The Woman on Mars (d’après le film The Woman on the Moon de Fritz Lang, 1929), dans lequel il défendait l’idée d’un programme international visant à établir une colonie sur Mars en 2027.

L’astronaute Buzz Aldrin, qui avait marché sur la Lune aux côtés de Neil Amstrong le 20 juillet 1969, a justement affirmé le 18 juillet, lors d’un événement à Washington, que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon et l’Agence spatiale européenne devraient former une « alliance spatiale unie » pour retourner sur la Lune, développer les ressources sur place puis envoyer des hommes sur Mars. D’autres pays comme l’Inde et l’Australie pourraient s’y joindre par la suite. « On ne peut pas payer pour tout ça » a dit Aldrin à propos programme actuel de la NASA. « On doit apprendre plus de la Lune en y impliquant d’autres nations. On pourrait travailler tous ensemble pour voir ce qu’il faut vraiment pour pouvoir se rendre sur Mars ».

Le 25 juillet, le Comité d’action politique de LaRouche a publié une pétition adressée au président des États-Unis pour lancer un programme Lune-Mars à marche forcée, à travers une coopération internationale, et avant tout entre les États-Unis, la Russie et la Chine.

Retrouver l’optimisme culturel

L’anniversaire d’Apollo 11 nous rappelle combien, 50 ans après avoir accompli l’exploit de nous arracher à la gravitation terrestre pour envoyer des êtres humains dans l’espace, la culture ambiante actuelle est éloignée de cet esprit d’exploration, de découverte et de terra-formation d’autres planètes. Du moins en Occident.

Sondage Harris réalisé le 17 juillet auprès d’enfants chinois, américains et britanniques

Un sondage Harris (ci-contre) réalisé le 17 juillet auprès d’enfants chinois de 8 à 12 ans montre en effet que 56 % d’entre eux souhaitent devenir astronautes, 52 % enseignants, 47 % musiciens et seulement 18 % blogger ou YouTuber ! Le même sondage réalisé auprès d’enfants du même âge aux États-Unis et en Grande-Bretagne donne le résultat exactement inverse, avec environ 30 % souhaitant devenir blogger ou YouTuber, contre 11 % astronautes !! Alors que Neil Armstrong, suite à l’alunissage du 20 juillet 1969, était devenu un modèle inspirant aux yeux des enfants du monde entier, aujourd’hui les jeunes occidentaux rêvent de devenir des stars des médias sociaux

Réagissant à ce sondage, Buzz Aldrin a dit sur Fox News : « C’est tout à l’honneur de l’imagination du peuple chinois. Nous avons perdu cela, et les célébrations en l’honneur des 50 ans d’Apollo sont destinées à nous inspirer, à partir de ce que nous avons su faire à l’époque, à redevenir capables d’accomplir ce type d’exploit ».

En Espagne, les célébrations en l’honneur d’Apollo 11 ont été menées par Pedro Duque, le seul spationaute espagnol, qui occupe aujourd’hui le poste de ministre de la Science, de l’Innovation et des Universités. Il a fait circuler à cette occasion un quizz à destination des jeunes : « Pour tester ce que tu sais à propos des voyages vers la Lune ».

Lors du conseil des ministres du 19 juillet, Duque a expliqué que la participation à une mission spatiale a le pouvoir de passionner les gens, et en particulier les jeunes, et de susciter ainsi des vocations pour l’ingénierie, la science et la médecine, ce qui est très bénéfique pour les pays. « Ma génération a grandi avec la course à l’espace, et tous les enfants voulaient devenir des astronautes. C’était mon rêve alors que j’avais six ans », a-t-il dit à l’agence de presse espagnole EFE.

Accélérateur de progrès

Dans un article publié le 20 juillet dans The Hill, le journal du Capitol à Washington, l’ancien administrateur de la NASA Sean O’Keefe revient sur le formidable moteur économique et social qu’a représenté l’exploration spatiale des années 1960. Apollo 11 fut « un événement scientifique sismique qui a accéléré le progrès scientifique », estime-t-il.

Cela nous a rendu capables de concevoir des matériaux plus légers, des composants électroniques répondant plus rapidement et des moyens de production énergétiques dépassant l’imagination. (…) Ces développements auraient-ils eu lieu sans ce catalyseur ? Probablement, mais certainement pas au rythme accéléré que nous avons pu soutenir alors. Le plus important peut-être est que sans ce type d’objectif politique national, les États-Unis ne seraient sans doute pas devenus le leader technologique qu’ils sont aujourd’hui.

O’Keefe explique également que l’impulsion de départ de John F. Kennedy, pour aller sur la Lune et en revenir « au cours de la décennie », était en réponse à la peur de voir l’Union soviétique envoyer un homme dans l’espace en premier.

Mais en 1962, les raisons pour aller sur la Lune définies par le président transcendaient tout motif de peur. Son discours se concentrait davantage sur l’aspiration de l’être humain à la quête pour la connaissance, sur les extraordinaires capacités que nous allions développer et les possibilités époustouflantes qui allaient s’ouvrir à nous. (…) La peur des Soviétiques, qu’il ne mentionnait même pas, n’était pas le moteur ; c’était plutôt la volonté de réaliser des choses plus grandes que nous-mêmes.

L’exploration spatiale était loin d’être populaire à l’époque d’Apollo, rappelle O’Keefe. La guerre au Vietnam, le mouvement des Droits civiques et la lutte contre la pauvreté étaient fréquemment utilisés pour dire que le programme spatial était trop cher, comme on l’entend dire encore aujourd’hui.

Mais si nous ne cherchons pas à réaliser des aspirations qui mettent à l’épreuve notre capacité à repousser les limites, les obstacles et tout ce qui entrave notre possibilité de découvrir et explorer de nouveaux horizons, alors nous perdons. Cela revient à renier notre désir d’apprendre.

En France, à la place de la collapsologue Greta Thunberg, l’Assemblée nationale ferait mieux d’inviter Thomas Pesquet pour esquisser les perspectives qu’ouvre l’espace. Les médecins s’accordent pour dire que la « fièvre verte » est beaucoup plus dangereuse que la « fièvre jaune », et que la « fièvre lunaire » possède des vertus thérapeutiques remarquables.

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