Julian Assange : l’un des trois hommes qui en sait trop sur le Russiagate

mercredi 17 avril 2019

Le fondateur de Wikileaks a été arrêté le 11 avril à Londres après que le gouvernement équatorien a révoqué son asile. Bien qu’il s’agisse d’un citoyen australien, la justice américaine réclame son extradition, accusant Julian Assange d’avoir conspiré avec Chelsea Manning pour divulguer des documents classés secret défense sur la guerre d’Irak. Le gouvernement équatorien, qui vient d’obtenir un prêt de 4,2 milliards de dollars de la part du FMI, a renié l’engagement pris par le président précédent Rafael Correa. Ce dernier a d’ailleurs vertement dénoncé ce retournement, demandant : « Qui fera désormais confiance à l’Équateur ? »

Des associations d’avocats du monde entier ont dénoncé cette arrestation. Pour la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, « la main de la ‘démocratie’ a pris la liberté à la gorge ». De son côté, Edward Snowden a tweeté : « La faiblesse de l’accusation américaine contre Assange est choquante ; l’affirmation selon laquelle Assange et Manning auraient ‘essayé’ de déchiffrer un mot de passe était de notoriété publique depuis près d’une décennie, et même le Département de la Justice (DOJ) de l’administration Obama avait préféré ne pas engager de poursuites contre Assange, pour ne pas mettre en péril la liberté de la presse ».

Aux États-Unis, seule la député démocrate Tulsi Gabbard, parmi les candidats à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2022, a protesté contre l’arrestation d’Assange : « Le fait que notre gouvernement soit en mesure de créer un climat de peur contre tous ceux qui publient ou disent des choses qui ne lui plaît pas est un véritable coup porté à la transparence et la liberté de la presse, a-t-elle écrit sur son compte twitter. C’est une menace pour les journalistes mais c’est aussi quelque chose qui menace tous les Américains, parce que le message que nous recevons, que le peuple américain reçoit est le suivant : ‘Taisez-vous, respectez les limites, sinon il y aura des conséquences !’ »

Il faut sauver le soldat « Russiagate » !

En réalité, Julian Assange est l’une des trois personnes – avec William Binney, ancien directeur technique de la NSA, et Craig Murray, ancien ambassadeur britannique et ami du fondateur de Wikileaks – à disposer de preuves techniques montrant que la divulgation du contenu des courriels du Comité national démocrate (DNC), en juillet 2016, n’était pas le fruit d’un piratage opéré par les Russes.

L’arrestation d’Assange intervient au moment même où les milieux ayant monté le Russiagate subissent le sort de l’arroseur arrosé, et tentent désespérément de redonner un peu de substance à cette affaire. En effet, maintenant que le rapport du procureur Mueller reconnaît qu’il n’y a pas matière pour accuser Trump de collusion avec la Russie (lire la chronique du 29 mars « Le Russiagate aux orties, Trump va-t-il saisir la perche ? »), les élus et officiels ayant été dupés par la manœuvre n’excluent pas de poursuivre ceux qui les ont piégé.

En juillet 2017, William Binney avait prouvé, avec un collectif d’anciens professionnels du renseignement américain (les VIPS, ou Veteran Intelligence Professionals for Sanity), que le piratage des courriels ne pouvait avoir été produit que par une fuite de l’intérieur du DNC. À la demande du président Trump, Binney fut entendu par le directeur de la CIA, Mike Pompeo (depuis promu à la tête du Département d’État) ; mais ce dernier n’a jamais donné suite à cette entrevue, et a continué de répéter que la Russie était coupable.

Dès décembre 2016, l’ancien ambassadeur britannique Craig Murray avait affirmé au Guardian que les affirmations de la CIA selon lesquelles les Russes avaient piraté les courriels du DNC étaient du « bullshit ». « Je sais qui les a fuité, avait-il dit. J’ai rencontré la personne qui l’a fait. Ce n’est certainement pas un Russe, mais un insider. C’est une fuite, pas un hacking. Nuance importante ». Malgré le fait qu’il ait maintenu ses propos jusqu’à aujourd’hui, Murray n’a jamais été appelé à témoigner auprès des enquêteurs ou du Congrès américain.

Quant à lui, Julian Assange avait dit en 2018 au député américain Dana Rohrabacher, qui dirigeait à l’époque le Comité des Affaires étrangères de la Chambre, qu’il disposait d’« éléments tangibles prouvant que ce ne sont pas les Russes qui m’ont donné ces informations », et qu’il aimerait « les présenter dès que je serai en mesure de quitter l’ambassade équatorienne sans être arrêté ». Rohrabacher avait ensuite voulu en parler directement avec Trump, mais il fut isolé.

L’arrestation d’Assange aurait-elle à voir avec tout cela ? Sans doute. Avec la disculpation de Trump de toute « collusion » avec la Russie, et avec l’ouverture d’enquêtes par le ministre de la Justice William Parr sur les origines et les responsabilités de la fraude du Russigate, nombreux sont ceux qui, parmi la clique Clinton-Obama, la CIA, le FBI, le DOJ et (surtout) les services britanniques, ont des raisons de paniquer. Hillary Clinton n’avait-elle pas demandé, alors qu’elle dirigeait le Département d’État, que l’on « drone » Assange ? Peut-être avait-elle hâte de faire taire celui qui menaçait de mettre en lumière la vaste tricherie, commise par son clan avec la complicité du DNC, dans les Primaires démocrates de 2016, contre la candidature de Bernie Sanders ?