Mission Lune-Mars de Trump : effet d’annonce ou buts communs de l’humanité ?

mardi 9 avril 2019

Donald Trump a annoncé le 26 mars le lancement d’une nouvelle mission spatiale, avec pour objectif d’envoyer de nouveau des hommes et des femmes sur la Lune (où l’on n’a plus mis les pieds depuis 47 ans), et d’y établir une base en vue des futures missions vers Mars. Il accélère ainsi le programme qu’il avait lui-même lancé à la fin de l’année 2017, prévoyant un alunissage dans cinq ans au lieu de dix, soit avant la fin de son éventuel second mandat.

« Cette fois-ci, non seulement nous allons planter notre drapeau et laisser notre empreinte ; nous allons établir une base pour les prochaines missions vers Mars et peut-être, un jour, vers des mondes au-delà », a-t-il déclaré.

Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, le seul véritable moyen de résoudre les problèmes vitaux du présent consiste à définir le futur de l’humanité, et à accorder notre action dans le présent en fonction de ce futur. Cette initiative du président américain, prise alors qu’il vient d’être libéré de « l’enquête russe », qui le paralysait depuis deux ans, est d’autant plus significative qu’elle raccroche potentiellement les États-Unis à ce qu’ils ont de meilleur. Reste à savoir si Trump s’en donnera réellement les moyens.

« L’exploration spatiale est l’alternative au monde fini auquel nous soumet l’occupation financière et culturelle, écrivait Jacques Cheminade dans son programme présidentiel de 2017. Fil conducteur d’une coopération internationale pour le développement mutuel et la paix, elle est le stimulant le plus puissant de créativité et d’optimisme dans la recherche scientifique, l’éducation et la culture, et l’un des moteurs indispensables à l’agriculture, l’industrie et la médecine de demain ».

La nouvelle mission de la NASA consiste à envoyer des Américains sur le pôle Sud de la Lune d’ici 2024, afin d’explorer les ressources en eau glacée qui s’y trouvent, et d’y établir une base permanente d’ici 2028 pour préparer les futurs voyages pour l’exploration de Mars. Pour cela, un directoire Lune-Mars va être créé au sein de l’agence spatiale avec pour objectif de définir les prochaines étapes pour une mission vers Mars ; « [ce directoire] mènera un programme spatial innovant avec des partenaires commerciaux et internationaux », a affirmé Donald Trump.

Lors de son annonce, le président américain a insisté sur la nécessité de favoriser une coopération internationale dans ce domaine. Quelques jours plus tard, le directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, Dimitry Rogozin, dans un entretien avec la radio Komsomolskaya Pravda, a abondé dans son sens, évoquant les très bonnes relations entre Roscosmos et la NASA : « Je suis un fervent défenseur de la coopération internationale, y compris avec les Américains, car leur pays est grand et technologiquement avancé, et ils peuvent devenir de bons partenaires. En particulier parce que les relations personnelles et professionnelles entre Roscosmos et la NASA dans les groupes de travail sont bonnes ». Il a ajouté que les personnes « professionnellement impliquées dans les activités spatiales sont parfaitement conscientes qu’elles ont besoin les unes des autres ».

France-Chine

Lundi 25 mars, à l’occasion de la visite officielle de Xi Jinping à Paris, la France et la Chine ont signé un accord de coopération spatiale prévoyant l’envoi d’instruments scientifiques français sur la mission lunaire chinoise Chang’e 6, prévue à l’horizon 2023-2024, et dont l’objectif est de recueillir des échantillons lunaires et de les rapporter sur Terre. La France embarquera 15kg d’expérience à bord de Chang’e 6, dont une caméra et un analyseur chimique.

« La France ira sur la Lune avec la Chine », s’est félicité, enthousiaste, Jean-Yves Le Gall, le président du CNES, qui a signé l’accord avec Zhang Jianhua, le vice-administrateur de l’agence spatiale chinoise CNSA. Il s’agit selon lui d’un accord historique. « La France va vraiment faire de la science sur la Lune et cela, nous ne l’avions jamais fait jusqu’alors. C’est vraiment une première », a-t-il renchérit.

Rappelons qu’en novembre 1965, grâce à l’ambition du général de Gaulle, la France était devenue la troisième puissance spatiale, aux côtés des États-Unis et de l’URSS, après avoir réussi l’envoi d’un satellite français à partir d’un lanceur français.

La coopération entre la France et la Chine dans le domaine spatial est l’une des plus effectives du monde, a souligné Le Gall. En plus de la future Chang’e 6, les deux pays préparent la mission d’astronomie SVOM, qui vise à détecter les sursauts gamma, les phénomènes les plus énergétiques de l’univers (lancement prévu pour 2021). Une collaboration est également en cours avec le module chinois Tiangong-2 à bord duquel embarque depuis 2016 le dispositif français Cardiospace 2, qui permet de suivre le système cardiovasculaire des astronautes en apesanteur. Enfin, l’envoi d’un spationaute français sur une mission habitée chinoise « fait aussi partie des choses dont on discute », a précisé Jean-Yves Le Gall. L’astronaute Thomas Pesquet a d’ailleurs récemment appris le chinois, comme d’autres astronautes européens.

Quels moyens ?

Pourcentage du budget américain alloué à la NASA.

L’impulsion de Trump pour l’exploration spatiale est bonne et elle doit être soutenue. Toutefois, la question des moyens économiques se pose. Aujourd’hui, le budget de la NASA est de 21 milliards de dollars, soit 0,4 % du budget fédéral, alors qu’à l’époque des missions Apollo, lancées par JFK, le budget de la NASA représentait 4 % du budget, soit dix fois plus ! Cela équivaudrait aujourd’hui à 210 milliards, sans compter l’inflation. En comparaison, le budget militaire que Trump vient de faire voter atteint 700 milliards, avec notamment la sixième branche de l’armée qu’il a lui-même créée l’année dernière, destinée à mener la guerre des étoiles...

De plus, le vice-président Mike Pence a déclaré que si la NASA ne parvenait pas à envoyer des hommes et des femmes sur la Lune d’ici 2024, le gouvernement fera appel au privé et sabrera les budgets de la NASA… Ce à quoi le directeur de la NASA, Jim Brindenstine, a répondu que sur les cinq options présentées par le privé, afin de fournir les fusées capables de porter un module habité, aucune ne s’est avérée capable de faire mieux que le public.

Soyons clair : une politique d’exploration spatiale digne de ce nom est antinomique avec un système de spéculation financière où les gouvernements ne se dotent pas des moyens de répondre aux défis de l’époque, et se font les complices de la destruction du travail humain, de la santé publique, de l’éducation, et de tout ce qui constitue la base d’une société prospère et solidaire.