Trump et l’héritage rooseveltien : en finir avec les guerres britanniques sans fin

vendredi 18 janvier 2019

Le week-end dernier, dans une tentative de ranimer le mal-nommé « Russiagate », le New York Times et le Washington Post ont successivement lancé des attaques contre Donald Trump, l’accusant de nouveau d’agir pour le compte de la Russie contre les intérêts américains.

Le NYT du 12 janvier rapporte que de hauts responsables du FBI avaient ouvert une enquête en avril 2017, au lendemain du renvoi par Trump du directeur du FBI James Comey, ciblant directement le président. Jusque là, la version officielle affirmait que seuls les collaborateurs plus ou moins subalternes de la campagne électorale de 2016 avaient été ciblés par l’agence fédérale.

Prenant le pas de son acolyte new-yorkais, le Washington Post publie dimanche un article insinuant que Trump et d’autres membres de l’administration ont tout fait pour empêcher de rendre publics les détails des discussions entre le président américain et le président Poutine, allant même jusqu’à confisquer les notes du traducteur – ce qui validerait les affirmations de la veille du NYT.

Tout ceci survient dans le contexte du retrait de Syrie enclenché le 19 décembre dernier par le président américain. Même si les termes et les délais ne sont pas encore totalement connus, ce retrait a provoqué une véritable panique dans les milieux impérialistes anglo-américains, qui voient avec horreur leur échapper la « relation spéciale » entre les États-Unis et le Royaume-Uni, et à travers elle la politique de guerre permanente au Moyen-Orient, et au-delà, qui a constitué leur principal instrument de subversion et de pouvoir sur le monde. Ces dernières semaines, le président américain a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que le temps est venu de ramener les soldats à la maison et de « mettre fin à ces guerres sans fin ».

Retour de bâton

Les affirmations des deux grands quotidiens américains ont provoqué la fureur de tous les côtés de l’échiquier politique, d’autant plus que l’implication des services secrets britanniques dans le « Russiagate » contre Trump est désormais pratiquement de notoriété publique.

John Dowd, un avocat de Washington spécialisé en droit pénal qui avait représenté Donald Trump au début de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur la « collusion » avec la Russie, a déclaré sur Fox News : « J’étais loin de me douter à quel point ils étaient de mèche – Rosenstein [le procureur adjoint du Département de la Justice – DOJ], Comey, Mueller, McCabe [l’ancien numéro deux du FBI]. Cette clique voulait se débarrasser du président coûte que coûte. Je ne crois pas qu’ils croyaient sincèrement aucune des allégations à propos de la Russie. (…) L’idée que des gens disposant d’un tel pouvoir décident de s’attaquer au président représente notre pire cauchemar. Je veux dire : c’est une tentative de coup d’État. Les preuves sont partout. Je considère l’article du NYT comme un aveu de leurs manigances ». Dowd a ajouté que les États-Unis doivent désormais apparaître aux yeux du monde comme une véritable république bananière.

Pour l’ancien procureur de Washington Joseph Digenova et l’ancienne responsable de la Division criminelle du DOJ Victoria Toensing, l’histoire du New York Times a été publiée afin de masquer le véritable crime, c’est-à-dire la violation du Titre 18 de la Section 242 du Code américain qui interdit toute personne sous couvert de la loi (dans ce cas, les anciens dignitaires de l’administration Obama) de priver une autre personne de « droits, privilèges ou immunités garantis par la Constitution ». Cette protection juridique inclut le fait d’être prémuni de toute enquête s’appuyant sur de fausses accusations...

De son côté, Dan Bogino, le célèbre commentateur de Fox News, a republié sur son compte twitter et sur son blog une série d’articles parus en mai 2018 soulignant l’ingérence britannique dans toute cette affaire, et en particulier le rôle de Richard Dearlove, l’ancien directeur du MI6 (qui avait orchestré les faux dossiers sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein).

Les États-Unis jetteront-ils enfin leurs lunettes britanniques ?

Dans une tribune publiée sur le site The Intercept, le journaliste Glenn Greenwald, qui s’est fait connaître en publiant les révélations d’Edward Snowden, insiste sur le fait que le ciblage du président dans le cadre d’une enquête de sécurité nationale constitue un acte « sans précédent » qui surpasse la longue histoire des abus du FBI. Greenwald évoque notamment l’enquête de J. Edgar Hoover sur Henry Wallace à la fin de la Seconde Guerre mondiale. A l’époque, le vice-président américain faisait front aux milieux américains qui, de concert avec l’Empire britannique, faisaient en sorte d’empêcher une entente russo-américaine dans le monde d’après-guerre. Candidat pressenti par Roosevelt pour le succéder et défenseur non pas du « Siècle américain » mais du « Siècle de l’homme commun », Wallace était l’homme à abattre.

Wallace, lors d’un discours, avait déclaré :

« Ne vous y trompez pas : la politique impérialiste britannique au Proche-Orient, combinée aux représailles russes, entraînerait directement les États-Unis dans la guerre si nous n’avions pas une politique clairement définie et réaliste, et qui nous soit propre. Aucune de ces deux grandes puissances ne veut la guerre maintenant, mais le danger est que, quelles que soient leurs intentions, leurs politiques actuelles finissent par nous y mener. Afin d’empêcher cela et d’assurer notre survie dans un monde stable, il est essentiel que nous regardions le monde avec nos propres yeux américains et non avec ceux du Foreign Office britannique ou d’une presse pro-britannique ou anti-russe. (…) Nous ne devons pas laisser notre politique étrangère vis-à-vis de la Russie être guidée ou influencée par ceux qui, à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis, veulent la guerre avec la Russie ».

Malheureusement, la suite des événements confirmèrent les craintes de Wallace, en particulier lorsque, moins d’un an après la mort du président Franklin Roosevelt, Winston Churchill prononça son funeste discours du « Rideau de fer ». « On va vous montrer ; vous ne comprenez pas l’Empire britannique, avait alors affirmé Randolph Churchill à Walter Lippmann. Laisse-moi vous dire une chose : nous vous avons entraîné dans deux guerres, et nous vous entraînerons dans la troisième ».