C’est comme ça. Tout « expert » qui se respecte – c’est-à-dire qui doit une partie de ses émoluments et de son influence à une banque d’affaires, un fond d’investissement ou autre gestionnaire d’actifs – ne tarira pas d’analyses et de commentaires sur la nature « disruptive » des activités de la Chine dans le monde, et sur le fait qu’elle perturbe l’« ordre international établi ». Il répétera également sans modération que la récession économique et la possibilité d’un nouveau krach sont le fait du ralentissement de l’économie chinoise et de la guerre commerciale à laquelle se livrent la Chine et les États-Unis, les deux plus grandes puissances mondiales.
Il ne faut pas oublier que certaines forces géopolitiques, des deux côtés de l’Atlantique, ne souhaitent pas une Chine prospère, et encore moins qu’une forme de coopération ne s’établisse entre Beijing et Washington. Soulignons le caractère délirant d’une telle négation, typique d’oligarques prêts à tout pour préserver leurs possessions et leurs privilèges : car comment empêcher l’émergence d’un pays de 1,4 milliards d’êtres humains sans provoquer un carnage ?
La principale peur est que la Chine ne consolide son rôle de leader mondial dans les secteurs scientifiques et technologiques – c’est notamment l’objectif de son plan « China 2025 ». En effet, cela discréditera encore un peu plus le modèle ultralibéral, et en particulier la « loi » de la « libre concurrence non faussée », qui implique l’exploitation de la main d’œuvre non qualifiée de pays sous-développés, mise en concurrence avec les travailleurs qualifiés des pays développés.
C’est pourquoi les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine sont lourdes de conséquences, selon qu’il en résultera une guerre commerciale frontale ou une saine compétition dans un esprit de coopération. Bien que rien ne soit résolu pour l’instant, la rencontre Xi-Trump à Buenos Aires le 30 novembre et l’ouverture de trois mois de négociations ont temporairement écarté le danger de clash direct entre les deux grandes puissances. Ce qui n’a pas empêché les bourses des deux pays, qui anticipent le pire, de glisser dangereusement vers la baisse.
Au bout du tunnel, le paradigme « gagnant-gagnant »
Du 7 au 9 janvier se sont déroulées d’âpres négociations entre les responsables américains et chinois à la suite desquelles les deux parties ont souligné les progrès accomplis. Le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a affirmé sur CNBC que « l’accord a de bonnes chances d’aboutir ».
Le Asia Times rapporte que certains éléments indiqueraient que le gouvernement chinois serait prêt à répondre aux inquiétudes américaines concernant le transfert forcé de technologies, y compris en prenant des dispositions législatives visant à empêcher les gouvernements locaux de forcer les entreprises étrangères à transférer la technologie ou à restreindre illégalement l’accès au marché.
L’un des membres de la délégation américaine a déclaré que « les pourparlers se sont concentrés sur l’engagement par la Chine d’acheter des quantités substantielles de biens agricoles, énergiques et manufacturés, ainsi que d’autres produits et services américains », ce qui signifie qu’elle ne compte pas céder sur le reste.
Le People’s Daily, journal officiel du Parti communiste chinois, écrit : « Le premier point notable est que les deux jours de négociations entre les vice-ministres du Commerce se sont rallongés d’une demi-journée. Le second est que le vice-premier ministre chinois, Liu He, a fait une apparition non attendue (…). Le troisième point montrant que les choses progressent est que les négociations étaient candides, en profondeur et pragmatiques ».
Dans son éditorial du 7 janvier, le quotidien chinois Global Times, proche du parti communiste, réitère la détermination du gouvernement chinois d’éviter la confrontation, en dépit des obstacles dressés par des factions géopolitiques, comme on a pu le voir avec le navire de guerre américain naviguant en eaux chinoises. « quelles que soient les difficultés, la seule alternative pour nos deux pays est d’explorer les possibilités d’une coexistence pacifique tout en évitant un épuisement stratégique mutuel. Un résultat gagnant-gagnant pour la Chine et les États-Unis pourrait sembler dévier de l’orthodoxie du jeu entre grandes puissances, mais le jeu à somme nulle s’avérerait bien plus périlleux. (…) Beijing et Washington doivent explorer une nouvelle voie. Le processus sera délicat. Il pourrait même donner lieu à des perturbations à court-terme ou à un niveau régional. Toutefois, les deux parties ne souhaitent pas de collusion stratégique, et elles doivent savoir s’arrêter avant d’aller trop loin ».
Bien que la plupart des acteurs n’en soient pas conscients, l’enjeu, du mouvement des Gilets jaunes à la relation sino-américaine, est sensiblement le même : libérer les peuples et les nations de l’influence destructrice de l’empire financier de Wall Street et de la City, et substituer à ce système de pillage et de conflit permanent ne bénéficiant qu’à une poignée d’individus un nouvel ordre international basé sur le progrès et de développement mutuel – un paradigme gagnant-gagnant.