Gilets jaunes, Jeremy Corbyn : nouvelles cibles de la propagande anti-russe

mercredi 12 décembre 2018

Il n’aura pas fallu longtemps pour que la machine se mette en branle.

Dimanche, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré qu’une enquête était ouverte par le secrétaire général de la défense nationale, sur des soupçons d’activité sur Twitter ayant cherché à manipuler les Gilets jaunes.

En premier lieu, on soupçonne les États-Unis de vouloir faire éclater l’UE. Les équipes de LREM n’ont pas oublié le fait que « l’ancien » conseiller de Trump, Steve Bannon, était l’invité d’honneur du Congrès du Rassemblement national en France. Installé à Bruxelles, Bannon, se défendant de toute ingérence, « conseille » la vaste palette de « populistes » contestant les politiques mortifères de l’UE et fait tout pour canaliser la rage populaire vers le bouc-émissaire idéal, l’immigration légale et clandestine. Criant au complot, certains macroniens ont également enquêté, sans résultat concluant, sur l’origine du nom de domaine « gilets jaunes ».

La tension est telle que, interrogé dans l’émission Le Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI dimanche 10 décembre, Le Drian a invité Donald Trump à ne pas se mêler de politique intérieure française : « Laissez nous vivre notre vie. (…) Je dis à Donald Trump et le président de la République [Emmanuel Macron] lui a dit aussi : nous ne prenons pas parti dans les débats américains, laissez-nous vivre notre vie de nation ». Le président américain avait commenté par une série de tweets le mouvement des Gilets jaunes en France et s’était senti flatté que ce qu’il croyait être des gilets jaunes sur les Champs-Élysées chantaient « We Want Trump ! ». Or, selon les services de fact-checking de l’AFP, il semblerait qu’il s’agissait d’une vidéo publiée le 2 décembre sur Twitter et relayée au moins 17 000 fois. La vidéo, présentée comme ayant été filmée en France, vient en réalité de Londres, et date probablement de juin !

Concernant l’enquête de la défense nationale, si Le Drian n’a pas directement nommé la Russie, le Times de Londres s’en était chargé la veille. Alors que des chercheurs français en cybersécurité, comme Baptiste Robert (cf Libération), estiment qu’ « aucune action coordonnée évidente » n’apparaissait dans leurs études, le quotidien britannique affirme que « des centaines de comptes liés à la Russie sur les réseaux sociaux ont cherché à amplifier les manifestations qui ébranlent la France ». Le Times s’appuie pour cela sur une enquête de New Knowledge, une entreprise américaine de cybersécurité spécialisée dans la lutte contre la désinformation, cofondée en 2015 par un ancien de la NSA et des forces spéciales américaines.

L’arroseur arrosé

Il est notable que cette accusation – ridicule au demeurant, puisque les Gilets jaunes utilisent majoritairement Facebook – intervienne en plein scandale en Grande-Bretagne, suite aux révélations par Anonymous de l’opération connue sous le nom de Integrity Initiative (I.I.), financée par le gouvernement, et menant des campagnes de propagande anti-russe dans plusieurs pays occidentaux, via les ambassades britanniques, comme nous l’avons rapporté dans la chronique du 3 décembre.

Ce scandale a redoublé d’ampleur dimanche dernier lorsque le quotidien écossais Daily Record a affirmé détenir des « preuves inquiétantes » sur le fait qu’un compte twitter de I.I. a été utilisé pour attaquer Jeremy Corbyn, le Parti travailliste, ainsi que d’autres dirigeants du parti. L’un de ces tweets disait par exemple : « Volontairement ou involontairement, [Corbyn] joue le jeu du Kremlin ».

Devant cette violation flagrante de l’objectif même de l’organisation – qui est de contrer les « infox » de la Russie – les dirigeants travaillistes sont montés au créneau, pour dénoncer une atteinte à la vie démocratique et appeler à l’ouverture d’une enquête. « S’il s’avère qu’il existe bien une opération menée par le ‘Deep state’ contre notre parti avec l’argent du contribuable, cela est totalement inacceptable et une enquête doit être ouverte immédiatement », a déclaré Jon Trikett, un député travailliste.

Le Daily Record rapporte également que, outre les 2,25 millions de livre sterling obtenus auprès du Foreign Office en 2017-2018, Integrity Initiative est soutenue par les politiciens d’extrême-droite anti-russes de Kiev.

Une situation échappant à tout contrôle

Comme nous l’affirmons depuis longtemps, ce sont les Britanniques et leurs alliés américains, et non les Russes, qui interfèrent massivement dans les processus et élections démocratiques aux États-Unis, en Grande-Bretagne, et dans de nombreux autres endroits du monde. Soulignons que plus qu’une marque de toute-puissance, il s’agit en réalité d’un véritable aveu de faiblesse. Car depuis le Brexit, l’élection de Trump en 2016, les élections italiennes de 2018 et les événements actuels en France avec le mouvement des Gilets jaunes, la situation échappe de plus en plus au contrôle de l’oligarchie financière de Londres et de Wall Street.

Outre-Manche, le gouvernement de Theresa May est sur la sellette. Lundi, la Première ministre a été contrainte de reporter le vote du Parlement sur l’accord du Brexit, admettant qu’elle n’aurait pas la majorité. La grande crainte est évidemment qu’en cas de rejet, des élections législatives anticipées ne portent Jeremy Corbyn au 10, Downing Street.

En France, après quatre semaines de mobilisation, le gouvernement Macron-Philippe semble complètement dépassé, intervenant toujours avec un train de retard. Les milieux financiers sont consternés de voir une population française se lever contre la politique d’austérité. « Incapable de contrôler les manifestants par des mesures de sécurité, se lamente le Wall Street Journal, Macron doit désormais faire face aux pressions lui demandant d’inverser le cours de son programme, qui consiste à rendre la France économiquement plus compétitive à travers une mutation profonde du marché du travail, de la fiscalité, des dépenses publiques et du système des retraites ». Le pire, comme le note le quotidien new-yorkais, est que les soutiens les plus proches de Macron sont en train de le lâcher : « la panique se répand parmi ses alliés à l’Assemblée nationale ».

Comme l’avait souligné Jacques Cheminade dans son message au lendemain de la mobilisation du 17 novembre, l’impact de ce mouvement est plus grand que peuvent le penser les Gilets jaunes eux-mêmes, au niveau français, européen et international.

« Ce qui est très intéressant avec les gilets jaunes, dans un pays très bloqué comme la France, c’est qu’ils font sauter les digues », a-t-il expliqué dans son entretien vidéo du 7 décembre avec nos amis américains du LPAC (Comité d’action politique de Lyndon LaRouche). « Je ne sais pas quelle forme cela prendra. Je pense que nous avons une république constitutionnelle, donc Macron devrait rester ; mais il sera soumis à une pression totale venant du terrain, du peuple, de tout le monde. Et il sera paralysé dans sa tentative d’élaborer une politique au service des élites financières oligarchiques ».

Et de conclure : « L’occasion nous est donné aujourd’hui en Europe – du fait de ce qu’il se passe en Chine et de ce que vous faites aux États-Unis – d’en finir avec le système anglo-américain ou L’Empire britannique – comme le décrit très bien l’auteur britannique [Nicholas Shaxson] dans son livre Les paradis fiscaux, enquête sur les ravages de la finance néolibérale – ce système des banques et des fonds offshore qui pensent pouvoir tout diriger depuis leurs ‘Paradis fiscaux’ ».

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