Sur le Titanic financier, mieux vaut ne pas se tromper de canot de sauvetage !

mercredi 26 septembre 2018

Dix ans après l’explosion de la bulle des subprimes et les faillites de septembre 2008, nous sommes toujours dans une crise à laquelle aucune réelle solution n’est apportée par les acteurs en place. Au contraire, l’absurde, le grotesque et le médiocre semblent rivaliser chaque jour de nouveautés, comme dans les tragédies de Shakespeare.

Pourtant, le point de dénouement est plus proche que jamais. Le constat de la potentielle explosion des bulles spéculatives est partout : « D’après les experts, le prochain crash sera ‘pire que la Grande dépression’ », rapporte le New York Post du 22 septembre, qui pointe un endettement global (privé et public) échappant à tout contrôle, avec 247 000 milliards de dollars, soit 254 % du PIB mondial, contre 177 000 milliards en 2008.

Nicolas Baverez, qui titre sa tribune dans Le Figaro « Dix ans après 2008, l’amnésie collective », estime que « les risques remontent en flèche », avec « le retour en force de l’économie de bulle sous l’effet du surendettement mondial, de l’abondance de liquidité et des incohérences de la régulation financière ». « Les procédures sont partout, la responsabilité nulle part : voilà pourquoi un nouveau krach ne peut être exclu », conclu-t-il.

Et en effet, en France, alors que les analyses et constats se multiplient dans les médias, personne dans la classe politique ne prend le taureau par les cornes.

Naufrage de la Macronie

Le président français, qui avait mis un point d’honneur à ne pas tomber dans les travers de son prédécesseur, découvre chaque jour de nouvelles profondeurs dans sa côte de popularité, que même François Hollande n’avait pas explorées en son temps. L’inflation des « très mécontents » file au galop, et il ne reste désormais à Macron que le socle du 1er tour de la présidentielle. Tout le monde voit que sa politique ne fait qu’appauvrir les retraités et les classes moyennes, et que « de l’autre côté de la rue », il n’y a rien.

La faillite de Macron est irrémédiable s’il s’obstine sur un terrain où il sera forcément perdant. C’est exactement ce que Jacques Cheminade, en 2013 – lors de ses entrevues avec celui qui était à l’époque secrétaire-adjoint de l’Élysée –, avait prédit pour la présidence Hollande si celle-ci capitulait face aux banquiers sur la question de la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires (le Glass-Steagall).

Les rats commencent à quitter le navire, comme la députée LREM Frédérique Dumas qui retourne au bercail de l’UDI en déclarant qu’elle avait « le sentiment d’être sur le Titanic ». Gérard Collomb, le ministre qui part sans partir, livre à qui veut les entendre ses rancœurs sur le « manque d’humilité de l’exécutif », ainsi que ses craintes sur l’isolement chronique d’Emmanuel Macron : « Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir encore lui parler, a-t-il dit à des journalistes début septembre. Ceux qui parlent franchement à Macron sont ceux qui étaient là dès le début : Ferrand, Castaner, Griveaux et moi… D’ailleurs, il va finir par ne plus me supporter. Mais si tout le monde se prosterne devant lui, il finira par s’isoler, car par nature l’Élysée isole ».

Par conséquent, le gouvernement se lance dans une fuite en avant dans un réformisme flexi-austéritaire. « Si nous ne réformons pas à ce rythme, nous sommes morts », assure Gilles Le Gendre, nouveau patron du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Suppression de 1800 postes à l’Éducation nationale ; nouveau rabotage du pouvoir d’achat par la non-hausse des prestations sociales en fonction de l’inflation ; préparation d’un système « Père Fouettard » au Pôle-emploi pour traquer les chômeurs feignants – pardon, qui manqueraient d’ « appétence » ...

La morale de la « bonne gestion budgétaire », meilleure amie de la finance prédatrice, impose sa loi partout, faisant surchauffer les cervelles : « Il y a un âge, lorsqu’on devient un poids financier très important pour la société, où la question de la fin de vie anticipée doit être posée ; il faut en finir avec les tabous », a déclaré sur France Info Amélie de Montchalin, députée LREM de l’Essonne, par ailleurs opposée à la séparation bancaire, comme elle l’a fait comprendre aux militants S&P venus la solliciter à ce sujet. Il y a des examens psychiatriques qui se perdent…

Fausses alternatives

Face à ce naufrage, les oppositions se contentent de jouer le rôle que l’on attend d’elles – c’est-à-dire s’opposer. Marine Le Pen est réapparue subitement sur la scène, comme sortie d’outre-tombe, propulsée par des médias et un exécutif qui rêvent sans doute de rejouer le 2e tour de la présidentielle lors des prochaines élections européennes, en faisant de nouveau de la présidente du Rassemblement national un épouvantail repoussoir.

De l’autre côté, Mélenchon – le « nouveau Mitterrand », comme l’ont dit les Pinçon-Charlot en quittant La France insoumise – veut « flanquer une raclée » à Macron aux Européennes. Rappelons cependant que le dirigeant de La France insoumise n’a jamais pris à bras le corps les seules armes qui pourraient être efficaces pour nous libérer de la dictature financière : le Glass-Steagall et le crédit productif public – le bouclier et l’épée pour protéger l’épargne populaire et l’économie réelle des bulles spéculatives et pour recréer un plein emploi. Bien que sa base y soit favorable, il s’est contenté jusqu’ici d’effleurer ces questions dans son projet présidentiel.

Enfin, Yanis Varoufakis lance avec Bernie Sanders une nouvelle « Internationale progressiste », s’opposant à « l’internationale nationaliste ». Certes, l’ancien ministre grec montre bien la corrélation entre la crise économique et sociale – déterminée par le renflouement des banques casino – et la montée des populismes et nationalismes, faisant même référence au combat de Franklin Roosevelt contre le fascisme. Mais il s’arrête au milieu du guet, sans montrer comment Roosevelt a brisé la toute-puissance des banques de Wall Street grâce à la mise en place du Glass-Steagall Act et des instruments de crédit public, qui lui ont permis ensuite de faire le New deal.

De plus, chacun y va d’un écologisme opportuniste ou moralisateur, qui permet de détourner l’attention de l’enjeu fondamental, et d’obtenir l’adhésion de toute une bien-pensance soi-disant de gauche qui se cherche une bonne conscience, alors qu’elle a abandonné depuis longtemps la « question sociale » – qui impliquerait de combattre les puissances d’argent auxquelles beaucoup doivent leur carrière.

Il est temps de sortir des vieilles ornières ! Solidarité & progrès est mobilisé pour dénoncer le véritable ennemi, le monstre à deux têtes de la dictature financière de la City de Londres et de Wall Street et de ses complices parmi les géants du numérique, et pour apporter les armes intellectuelles pour le combattre.

Rejoignez-nous les samedi 29 et dimanche 30 septembre pour nos « journées de formation et de mobilisation », et aidez-nous à faire circuler le tract « Notre ennemi, le Titanic financier », tiré pour l’instant à 100 000 exemplaires.