Tout le monde ne veut pas d’une guerre contre la Russie

vendredi 20 juillet 2018

Dès la fin de la conférence de presse entre Trump et Poutine à Helsinki, avec une rapidité et une intensité ahurissantes, les médias, le Parti démocrate et l’establishment de Washington se sont levés comme un seul homme pour attaquer le président, crier à la trahison et demander sa destitution.

Heureusement, Trump n’est pas le perdreau de l’année. Après avoir craché de l’encre contre ses assaillants, telle une seiche qui fait diversion, il a non seulement réitéré, dans ses tweets, le caractère historique du sommet, mais il a invité le président Poutine à poursuivre les discussions à Washington cet automne. Quant au Parti républicain, un sondage Axios/SurveyMonkey poll publié par Politico le 19 juillet montre que 79% des adhérents approuvent les propos de Trump durant sa conférence de presse avec Poutine.

Entretemps, certains commentateurs sont venus à sa rescousse : « Cela ressemble à une émeute violente. Je n’ai jamais vu une chose pareille de toute ma vie », a lancé le professeur Stephen F. Cohen, expert russe, dans le programme de Tucker Carlson sur Fox News. Comme l’a rappelé Cohen, en rencontrant Poutine, Trump n’a fait que s’inspirer de présidents comme Eisenhower ou Kennedy, qui avaient maintenu le contact avec les dirigeants du Kremlin de l’époque, afin d’éviter tout conflit entre les superpuissances nucléaires. « Aujourd’hui, d’après ma longue expérience en la matière, les relations entre les États-Unis et la Russie sont plus dangereuses qu’elles n’ont jamais été, y compris au moment de la Crise des missiles de Cuba ».

Le journaliste Tucker Carlson s’est lui-même insurgé : « Ceux qui crient partout que les Russes sont des ennemis et que Trump est leur marionnette sont les mêmes qui ont envahi l’Irak et refusé ensuite d’admettre leur erreur, ceux qui ont tué Kadhafi sans véritable raison, qui ont prolongé cette horrible guerre en Syrie et étendu le conflit afghan, ceux qui planifient de nouvelles catastrophes dans le monde, y compris contre la Russie. Ces gens ont rendu l’Amérique toujours plus faible, plus pauvre et plus triste. Ont-ils pour autant été chassés du pouvoir ? Non, ils occupent des postes haut placés dans le gouvernement et sont à la tête de la plupart des think-tanks de Washington qui exercent une influence sur la politique américaine ».

Carlson, qui n’est ni un russophile ni un inconditionnel du président Trump, a reconnu que si ce dernier fait de nombreuses erreurs sur des questions mineures, « sur les grands enjeux, il a indiscutablement raison ». La Guerre froide est terminée, le monde a changé, et il est grand temps de repenser les alliances des États-Unis. « La Russie n’est pas un ami proche, mais pourquoi la considérer comme un ennemi mortel ? »

Dans la population américaine, la perception de la rencontre d’Helsinki suscite des réactions beaucoup plus positives, comme peuvent le constater nos amis du Comité d’action politique de Lyndon LaRouche (LPAC), qui voient de nombreuses personnes les rejoindre à leurs tables militantes, disant : « Je n’ai pas voté pour Trump, mais avec la Corée du Nord et maintenant ce sommet avec Poutine, il fait vraiment quelque chose d’important ».

Toute personne saine d’esprit devrait en effet être heureuse de voir les deux principales puissances nucléaires rétablir le dialogue au plus haut niveau, et il est clair que l’hystérie à laquelle nous avons assisté ne peut être que le produit de cerveaux malades, avec derrière tout cela, bien entendu, le complexe militaro-industriel qui a besoin de cette image d’ennemi de la Russie afin de maintenir ses budgets à flots.

Plusieurs élus républicains du Congrès ont décidé de ne pas céder à la frénésie des va-t-en-guerre. Warren Davidson s’en est pris aux auteurs de la fraude du Russiagate – l’ancien directeur de la CIA John Brennan, l’ancien directeur du FBI James Comey et l’ancien directeur du Renseignement national James Clapper : « Ils sont devenus les personnes les plus prosélytes du pays, attribuant de nombreux succès à l’ancien agent du KGB, Vladimir Poutine, tout en discréditant notre propre président. (…) Si trahison il y a eu, c’est à travers cette opération visant à saper la confiance envers notre président dûment élu ». De son côté, le député de Caroline du Nord Mark Meadows a déclaré : « Parfois la politique étrangère sonne mal et marche bien, et parfois elle sonne bien et marche mal. Je préfère le premier cas ».

Pendant ce temps, hormis l’Italie, où Matteo Salvini, ministre de l’intérieur, a été le premier à souhaiter un sommet avec Poutine à Rome, l’Europe semble comme atrophiée, incapable de saisir la dimension historique du sommet d’Helsinki et d’en tirer les conséquences. « L’Europe s’est montrée totalement inexistante », a affirmé l’ancien ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, dans un entretien sur le site formiche.net. « Avec ses croisades contre la Russie, puis contre l’Amérique [de Trump], l’Europe s’est elle-même exclue de la scène internationale. Je souhaiterais que [le président de la Commission européenne] Juncker comprenne que l’on ne peut pas être hostile à la Russie, à la Chine et aux États-Unis en même temps » (à moins d’être en permanence imbibé d’alcool, pourrait-on préciser).

« L’Europe aurait dû anticiper le sommet d’Helsinki », a continué Frattini, « et offrir une chance à la Russie en levant les sanctions comme l’a proposé le gouvernement italien. (…) Désormais, les États membres de l’UE se trouvent à la croisée des chemins. Soit ils disparaissent complètement de l’horizon, soit ils reviennent dans le jeu, avant que les États-Unis ne baissent le rideau en levant eux-mêmes les sanctions. Dans ce cas, les Européens seront comme le dernier samouraï, à combattre une guerre déjà terminée ».

À nous de tracer la voie et de provoquer une réaction d’orgueil parmi nos chers concitoyens qui, dans la torpeur estivale et l’euphorie footballistique, avec le scandale « Benalla » qui tombe sur la tête de Macron, ne savent plus où se trouve le Nord et le Sud. La rencontre d’Helsinki représente une véritable percée historique, et nous avons toutes les raisons de nous en réjouir. Toutefois, il nous faut nous mobiliser. Ce n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, et il ne faut pas oublier que les ennemis de la paix sont prêts à tout pour le saboter.