L’Asie s’inspire du modèle gaullien, pendant que l’UE sombre dans le thatchérisme

mercredi 13 juin 2018

Il devient urgent pour nos dirigeants de jeter définitivement leurs vieilles binocles et de regarder le monde avec les lunettes de l’avenir ; sans cela, on craint qu’un état dépressif dangereux ne fasse suite à la caricature grotesque qu’ils ont exhibé lors du sommet du G7 ce week-end.

Le départ anticipé de Donald Trump du Canada pour rejoindre Kim Jong-un à Singapour pour une rencontre historique, tandis que les représentants de plus de trois milliards d’êtres humains se réunissaient à Qingdao pour le sommet de l’Organisation de la coopération de Shanghai (OSC), nous offre une belle métaphore du renversement en cours.

Le « camp occidental » est apparu dans la plus totale désunion, révélée au grand jour par le fait que le président américain a réclamé la réintégration de la Russie au G7. Hormis quelques journalistes restés bloqués dans le logiciel du « monde libre », ou de sa version moderne de « la communauté internationale », tout le monde a pu constater que l’Italie et le Japon ont emboîté le pas des États-Unis, laissant ainsi patauger dans leur arrogance humiliée les dirigeants français, allemand, britannique et canadien. L’« Europe » apparaît désormais comme une farce, après avoir été une tragédie.

De même, les médias de la bien-pensance n’ont pas peur du ridicule lorsqu’ils jouent les vierges effarouchées quand Trump maltraite nos valeureux dirigeants démocrates tout en faisant les yeux doux aux affreux autocrates Poutine, Xi Jinping et Kim Jong-un, alors que, quelques jours plus tôt, ils applaudissaient à tout rompre la tentative de coup d’État du président italien contre le vote du 4 mars dernier.

Emmanuel Macron, qui a tenté en vain de se poser en meneur d’un G6 en activant de nouveau sa politique inénarrable de gonflage de baskets, poursuit en France sa casse sociale thatchériste « conforme avec les marchés », comme le dirait Angela Merkel. Il favorise ainsi les possédants riches, donne quelques miettes aux plus pauvres, tout en paupérisant davantage les classes moyennes, avec Bruno Le Maire et Gérard Darmanin dans le rôle de Dupond et Dupont libéraux, et Agnès Buzin dans celui de dame patronnesse.

Heureusement, si le soleil se couche à l’Ouest, il se lève à l’Est...

Tout ce qui est sous le ciel doit s’unir

Il est désormais clair que le futur de l’humanité se définit en Asie. Le sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord, qui s’est tenu hier à Singapour, sauf retournement dramatique, restera dans l’histoire comme l’une des étapes fondamentales du nouvel ordre de coexistence pacifique et de développement en train de naître. La Russie, la Chine et le Japon sont dans les starting-blocks pour lancer le développement économique intégré de la péninsule coréenne, avec notamment la construction des corridors de transport nord-sud et est-ouest, faisant la jonction avec la Russie et la Chine, et mettant ainsi la Corée sur la voie des Nouvelles Routes de la soie.

Comme l’a exprimé le président chinois Xi Jinping à Qingdao, il s’agit de « construire un monde ouvert, inclusif, propre et beau, jouissant d’une paix durable, d’une sécurité universelle et d’une prospérité commune ». Cette vision est cohérente avec ce que la tradition confucéenne appelle l’esprit de Tianxia, où « tout ce qui est sous le ciel doit s’unir », mais également avec l’idée que nous avions après-guerre en Occident de bâtir une communauté des nations réunie autour des « objectifs communs de l’humanité ». C’était l’esprit de la politique de « détente, entente et coopération », de Charles de Gaulle.

Il est tout de même remarquable de voir apparaître là, dans les mots du président chinois, le principe d’avantage d’autrui et d’intérêt mutuel du Traité de Westphalie, qui avait permis à l’Europe de sortir par le haut des guerres de religions, et que Tony Blair a appelé à rejeter en 1999. De plus, la politique économique mise en œuvre à travers les Nouvelles Routes de la soie s’inspire largement des conceptions qui furent appliquées en Europe et aux États-Unis avant de boire le poison néolibéral, comme le dirigisme de Franklin D. Roosevelt ou la planification gaulliste.

Lors de son discours à Qingdao, Xi Jinping a justement souligné le fait que l’esprit de l’Organisation de la coopération de Shanghai correspond à « une vision créative transcendant les concepts dépassés tels que le choc des civilisations, la guerre froide ou la mentalité du jeu à somme nulle », et qu’il ouvre « une nouvelle page de l’histoire des relations internationales, remportant une adhésion croissante au sein de la communauté internationale ».

Le sommet de l’OSC a été le théâtre de rapprochements spectaculaires entre des pays dont l’antinomie et l’antipathie étaient, d’après les analystes géopoliticiens occidentaux, absolument irrémédiables. L’Inde et le Pakistan, qui participaient pour la première fois au sommet en tant que membres à part entière, ont décidé d’organiser prochainement des exercices militaires conjoints dans le cadre de l’OSC ! La Chine et l’Inde ont poursuivit le processus de détente engagé fin avril lors de la rencontre entre Narendra Modi et Xi Jinping à Wuhan, en Chine. Et Xi Jinping et Vladimir Poutine sont apparus dans une relation d’une chaleur et d’une proximité qui contraste fortement avec les relations froides et mécaniques de nos Macron, May et Merkel…

Cette vision des Nouvelles Routes de la soie, que Solidarité & Progrès défend depuis plus de vingt ans aux côtés de Lyndon LaRouche et de sa femme Helga, présidente de l’Institut Schiller, définit une « plate-forme » permettant de surmonter les différences et de coopérer autour de projets communs. Avec les BRICS, l’OSC et l’Union économique eurasienne, elles portent les prémisses d’une humanité atteignant un niveau supérieur où l’on pourra réellement mettre en œuvre une justice sociale et où chacun pourra prendre part au développement du monde.