Ne dormez pas cet été, vous allez rater le train de l’histoire !

mercredi 6 juin 2018

Plusieurs développements à venir dans les prochaines semaines pourraient changer radicalement la donne et, comme nous l’avions souhaité lors de nos vœux pour la nouvelle année 2018 (cf notre chronique du 3 janvier «  2018, l’année du nouvel ordre gagnant-gagnant »), libérer le monde des griffes de la politique néoconservatrice, ce rejeton de l’impérialisme britannique.

Le 12 juin doit finalement avoir lieu à Singapour la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un, en dépit des efforts énergiques visant à l’empêcher, en particulier ceux du conseiller à la sécurité national des États-Unis, John Bolton, que les Nord-coréens ont identifié à raison comme l’homme à écarter afin de favoriser le processus de paix. La possibilité que cette rencontre ouvre la voie pour résoudre enfin ce conflit « gelé » hérité du XXe siècle est la marque du nouveau paradigme de coopération en marche.

Le président américain a reçu le 1er juin à la Maison-Blanche Kim Yong-chol, le second plus haut responsable nord-coréen. Contrairement aux partisans de la ligne dure au sein de l’administration américaine, incarnée par le vice-président Mike Pence et John Bolton, et qui demande la complète dénucléarisation de la Corée du Nord, Trump a fait valoir une approche beaucoup plus modérée et plus ouverte : « Il y a eu de longues années d’hostilité, de problèmes et de haine entre un grand nombre de nations », a-t-il déclaré, ajoutant : « Mais je pense qu’au final le résultat sera très positif. »

Évoquant la délégation de Kim Yong-chol qu’il venait de recevoir, Trump a expliqué aux journalistes : « Je leur ai dit ’prenez votre temps. Nous pouvons aller vite. Nous pouvons aller lentement’. Mais je pense qu’ils souhaitent vraiment que quelque chose arrive ».

Dans le même temps, les ministres de la Défense américain et sud-coréen ont passé un accord pour suspendre les exercices militaires conjoints, afin de « créer des conditions favorables pour le sommet ». Paradoxalement, c’est surtout grâce aux efforts déployés aussi bien par la Chine que la Russie et le Japon que Trump pourra apporter sa contribution positive à la résolution du conflit.

Pour Helga Zepp-LaRouche, la présidente de l’Institut Schiller, la réunification des deux Corées sera différente de celle de l’Allemagne, car cette fois-ci le monde va réellement vers un multilatéralisme par le codéveloppement avec les Nouvelles Routes de la soie. En 2015, Mme LaRouche, sollicitée pour s’exprimer lors d’un colloque en Corée, avait esquissé les conditions d’une solution à la crise.

Bientôt une rencontre Trump-Poutine ?

Le Wall Street Journal a rapporté vendredi qu’un potentiel sommet entre les présidents russe et américain était sur les rails, et pourrait bien avoir lieu peu après la rencontre entre Kim et Trump le 12 juin. L’ambassadeur américain en Russie, Jon Huntsman est actuellement aux États-Unis pour préparer la rencontre.

Interviewé dimanche dans l’émission « Fox and Friends » sur Fox TV, Huntsman a expliqué : « Il est inconcevable que la situation au Moyen-Orient, et dans le nid de guêpes qu’est la Syrie, soit résolue sans les États-Unis et la Russie ; ou qu’un accord puisse être conclu sur les armes nucléaires, alors que les deux pays en détiennent 90 % », sans que les deux grandes puissances se concertent.

Le Wall Street Journal rapporte également que la rencontre Trump-Poutine sera sans doute précédée par une rencontre entre les deux chefs d’état-major, John Dunford et Valery Gerasimov, qui se concentrera sur la désescalade dans le conflit en Syrie.

Pendant ce temps, les négociations vont bon train entre les Russes, les Américains, les Israéliens, les Iraniens, les Turcs et les Jordaniens, pour résoudre la situation en Syrie ; un accord semble avoir été conclu pour le retrait, dans certaines conditions, des forces iraniennes aux alentours du plateau du Golan, dans le Sud-ouest syrien, à la frontière israélienne.

Détente ou provocation ?

Lors du 17e Dialogue de Shangri-La qui s’est tenu du 1er au 3 juin à Singapour, suite au discours du secrétaire américain à la Défense, James Mattis, un membre de la délégation malaisienne lui a demandé si le document américain d’orientation sur la stratégie de sécurité nationale, qui désigne la Russie et la Chine comme des adversaires, n’allait pas les pousser à une confrontation contre les États-Unis. James Mattis a répondu : « Si c’est ce que le document exprime, alors je dois le relire, car nous considérons que dans nos relations avec ces deux pays, il est préférable de maintenir un niveau de compétition qui soit caractérisé par la coopération et la collaboration, si l’on veut éviter que cela ne tourne mal ».

Et d’ajouter : « Je ne perdrais pas mon temps à aller à Beijing à la fin du mois si je pensais vraiment que cette dernière sera la seule option entre nous et la Chine. À quoi cela servirait-il ? J’ai des choses plus importantes à faire ».

Ce qui n’a pas empêché le trio franco-anglo-américain – le même que pour les frappes en Syrie le 14 avril – de jeter de l’huile sur le feu, profitant de leur présence à Singapour. En particulier la ministre française des Armées, Florence Parly, et le secrétaire d’État britannique à la Défense, Gavin Williamson, qui ont annoncé tous deux qu’ils allaient défier Beijing en navigant dans les eaux territoriales dans la mer de Chine méridionale, cette semaine, pour rappeler à la Chine « que les nations doivent respecter les règles », et qu’ « il y a des conséquences à ne pas le faire », comme l’a dit Williamson.

Cette attitude parfaitement irresponsable est une fois de plus révélatrice de l’arrogance sans borne des dirigeants occidentaux. L’enjeu des eaux territoriales en mer de Chine n’est qu’un prétexte. Le véritable problème, du point de vue des néoconservateurs et de leurs parrains financiers de Londres et Wall Street, est le nouvel « esprit de Bandung » en faveur d’une « coexistence pacifique » autour des Nouvelles Routes de la soie, qui met à mal la stratégie impérialiste « diviser pour régner » dans la région asiatique.

En effet, à travers son initiative de la ceinture et la route (« Belt and road initiative », ou BRI), la Chine favorise un processus de détente et d’entente entre les pays de la région, et qui rayonne de partout dans le monde et notamment en périphérie de l’Europe (Portugal, Espagne, Italie, Grèce et pays d’Europe de l’Est). L’exemple le plus spectaculaire est le rapprochement entre l’Inde et la Chine, initié par la rencontre historique entre Xi Jinping et Narendra Modi à Wuhan, en Chine, le 27 avril dernier, et qui s’est confirmé lors du Dialogue de Shangri-La.

L’ambiguïté de la politique étrangère américaine est déterminée par la bataille interne entre deux visions opposées : celle des néoconservateurs, qui sont présents en nombre au sein de l’administration Trump, et celle des partisans d’une approche de détente. C’est pourquoi la rencontre entre Trump et Poutine est si importante, car elle permettrait de faire un pas décisif dans le bon sens.