Projet de rencontre Trump-Kim Jong-un : une promesse historique

lundi 12 mars 2018

Anesthésiées par leur propre arrogance, les élites occidentales semblent ne plus rien saisir des grands changements stratégiques en cours dans le monde. Elles ont tout d’abord manqué le coche des Nouvelles Routes de la soie de la Chine ; puis elles ont été prises de court par la présentation le 1er mars par Vladimir Poutine des nouvelles armes stratégiques russes — qui mettent en œuvre de nouveaux principes physiques et rendent littéralement obsolètes les systèmes de défense de l’OTAN déployés autour de la Russie et de la Chine ; enfin, alors qu’on faisait des choux gras sur la dangereuse escalade verbale entre le président américain et le président nord-coréen, ces élites « éclairées » sont restées bouches-bées en apprenant jeudi dernier que Trump avait accepté la proposition de Kim Jong-un d’organiser une rencontre « d’ici le mois de mai ».

Cette proposition fait suite à une rencontre entre une délégation sud-coréenne de haut niveau et Kim Jong-un, où pour la première fois des responsables sud-coréens ont été autorisés à pénétrer les quartiers généraux du gouvernement central nord-coréen. Il a été convenu également d’une rencontre (pas encore fixée) entre Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in, qui sera la première entre des chefs d’Etats des deux Corées.

C’est lors des entretiens avec leurs homologues américains à Washington que les représentants sud-coréens ont fait part au président Trump de la proposition du président nord-coréen, par laquelle il s’engage à stopper les tests de missiles, tout en acceptant que se poursuivent les exercices militaires entre les États-Unis et la Corée du Sud, ce qui représente une véritable concession de la part de Kim.

Contrairement à ce que certains ont prétendu, ce développement n’est pas le résultat des pressions exercées par Donald Trump sur la Corée du Nord, à coup de menaces et de noms d’oiseaux. C’est le dernier test de missile des Nord-coréens qui a été décisif, car il démontrait que ces derniers disposaient désormais d’une force de frappe nucléaire capable d’atteindre les intérêts stratégiques des États-Unis. Ainsi, la Corée du Nord peut brandir le principe de « la dissuasion du faible au fort », cher au Général de Gaulle, et forcer les Américains à se mettre autour d’une table et à se parler d’égal à égal. Cependant, l’un des facteurs décisifs est également la très forte volonté des peuples nord-coréen et sud-coréen de se réunifier et de ne plus être des pions dans des manipulations géopolitiques.

Si la rencontre se confirme, il s’agirait d’une percée historique : Donald Trump serait alors le premier dirigeant américain à rencontrer un dirigeant nord-coréen. Le processus de paix est bel et bien enclenché. Il faut toutefois s’attendre à ce que les ennemis de la paix fassent tout leur possible, au mieux pour empêcher que cette rencontre ait lieu, au pire pour s’assurer qu’elle n’ait pas lieu dans de bonnes conditions.

La fin de la stratégie du « pivot asiatique » d’Obama

L’annonce de l’acceptation de Trump pour une rencontre en mai a été positivement accueillie par la majorité des nations d’Asie-Pacifique. Plusieurs anciens diplomates américains dans la région estiment qu’il s’agit d’une véritable « percée ». À contrario, les cercles géopolitiques transatlantistes n’ont pas tari d’injonctions négatives pour en réduire la portée : « prématuré », « peu d’espoir », « condamné à l’échec », etc. Certains ont même osé, comme le JDD dans un article intitulé « Le sommet de tous les doutes », laisser entendre que cette rencontre pourrait conduire à la guerre.

Au lendemain de l’annonce, le président américain s’est entretenu par téléphone avec le président chinois Xi Jinping à propos de la situation sur la péninsule coréenne et des relations sino-américaines. Xi a dit à Trump qu’il approuvait sa volonté de résoudre politiquement la question coréenne, manifestant son espoir de voir dès que possible s’établir un dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord. Trump lui a répondu qu’il avait eu raison d’insister sur le dialogue entre le deux pays, et que les États-Unis avaient grandement apprécié le rôle décisif de la Chine dans cette crise. Xi a réitéré que la Chine était favorable à une dénucléarisation de la péninsule, affirmant que les récentes évolutions positives nous mettaient dans la bonne voie.

De son côté, Moon Jae-in a déclaré que « la rencontre de mai restera dans l’histoire comme l’un des principaux jalons de la paix sur la péninsule coréenne. (…) Notre gouvernement suivra attentivement cette opportunité qui est venue comme un miracle ». Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé depuis l’Éthiopie que la Russie considère cette nouvelle comme « un pas dans la bonne direction », espérant qu’ « un accord puisse être mis en œuvre ».

John Merrill, qui avait démissionné de son poste de directeur du secteur Asie du Nord-Est au Bureau du renseignement et de la recherche au Département d’État sous l’administration Obama, a dit à nos collègues de l’EIR (« Executive Intelligence Review », le magazine du mouvement de Lyndon LaRouche aux États-Unis) que l’accord de principe pour une rencontre entre Trump et Kim était une « excellente nouvelle ». Merrill avait été l’une des voix très critiques de la politique d’Obama dans la région, qui consistait à refuser de parler avec la Corée du Nord, la laissant développer la bombe, afin d’en faire un prétexte pour mettre en place son « pivot asiatique » – c’est-à-dire l’encerclement militaire de la Chine.

John Merrill fait part de son inquiétude du fait que le poste d’ambassadeur à Séoul est toujours vacant et que certains cercles pourraient faire pression pour y nommer quelqu’un qui cherchera à saboter le processus de paix. Il note toutefois que la volonté de l’administration Trump de résoudre politiquement la crise coréenne est réelle, et qu’elle existe depuis le début. En effet, Susan Thornton, l’actuelle secrétaire d’État pour l’Asie orientale et le Pacifique, avait déclaré suite à l’inauguration de Donald Trump que les États-Unis resteraient activement engagés en Asie, mais que le pivot était une chose du passé, une politique d’Obama désormais révolue. Thornton est l’une des principales responsables, au cœur du dialogue entre l’administration Trump, la Chine et la Russie.