Journalistes russes traqués aux États-Unis : vous avez dit « guerre froide » ?

jeudi 26 octobre 2017

Le niveau de tension est au plus haut entre les États-Unis et la Russie, et ceux qui considèrent qu’il n’y a pas de nouvelle guerre froide, et qu’il ne s’agit que des délires de quelques conspirationnistes, devraient ravaler leur chapeau. CNBC rapporte que les employés de l’antenne de RT (Ex-Russia Today) aux États-Unis sont mis sous pression par les autorités américaines. Le Département américain de la Justice exige désormais des employés de RT America, une chaîne financée par Moscou, de s’enregistrer auprès de l’administration comme « agent étranger ». Pour mémoire, le Foreign agent registration Act (FARA), voté en 1938, a pour objectif d’empêcher que toute propagande étrangère ne vienne influencer le public américain. Or, cette loi n’est traditionnellement pas appliquée à des entreprises de presse, selon CNN. La nouvelle a provoqué des démissions en série du personnel américain de RT America, certains craignant y compris pour leur sécurité personnelle ou celle de leurs proches.

La riposte ne s’est pas faite attendre. Le 19 octobre, des élus du Conseil de la Fédération (équivalent du Sénat en Russie) ont blacklisté au moins cinq médias américains, selon The Moscow Times. Parmi eux : Voice of America, Radio Liberty et la chaîne CNN.

D’après l’analyste Stephen Cohen, cité par le journal américain The Nation, « cette nouvelle guerre froide est beaucoup plus dangereuse aujourd’hui ». Car, tandis que l’épicentre de la Guerre froide se situait à l’époque à Berlin, c’est-à-dire à 1700 km de Moscou, il se situe aujourd’hui directement à la frontière russe, avec la présence de plus en plus pressante des forces de l’OTAN. Les Russes perçoivent de plus en plus cette présence comme « une agression croissante de la Russie » ; pour eux, « les États-Unis sont déjà en guerre contre la Russie ».

Les deux points de tensions sont bien entendu l’Ukraine et la Syrie. Le Congrès américain continue d’envoyer des armes létales en Ukraine, et le président Porochenko a assuré qu’il les utiliserait contre les « rebelles » du Dombass ; de plus, Porochenko a proclamé que les territoires du Dombass étaient sous « occupation russe », ce qui met par terre les accords de Minsk. La guerre peut donc repartir à tout instant. En Syrie, les autorités militaires russes se sont dites persuadées que les forces américaines étaient impliquées dans la mort de trois soldats russes, dont un général.

La diabolisation de Poutine est également un facteur très dangereux. Durant la Guerre froide, aucun dirigeant soviétique n’a été diabolisé de la sorte. Par-dessus tout, le prétendu « Russiagate » est sans précédent. La multiplication des enquêtes, les allégations de « collusion » et d’ « interférence » tournant en boucle depuis un an dans les grands médias américains, repris dans le monde entier, ont terriblement détérioré le climat et exacerbé cette nouvelle guerre froide. « Imaginez », dit Stephen Cohen, « que le président John Fitzgerald Kennedy, au moment de la crise des missiles de Cuba, ait été soupçonné d’être un agent à la solde du Kremlin : il aurait été incapable de mener les négociations et de résoudre la crise... »

C’en est arrivé à un point où toute personne suggérant une « coopération » avec la Russie est immédiatement soupçonnée de « collusion », comme le député républicain Dana Rohrabacher : en raison de ses sympathies avec la Russie, le Comité des Affaires étrangères de la Chambre – dont Rohrabacher est le président – refuse désormais de lui rembourser ses déplacements officiels.

Du point de vue des Russes, ceux qui alimentent le Russiagate aux États-Unis agissent consciemment dans le but de maintenir cette logique de guerre froide et d’empêcher que l’administration Trump ne puisse mettre en œuvre une politique de détente, comme promis au cours de la campagne présidentielle par le candidat républicain. Pour Stephen Cohen, il est clair que « ces gens ont plus peur de Trump que d’une guerre nucléaire », affirme Cohen.

Potentiel de renversement de la situation

La bonne nouvelle, c’est que la thèse du Russiagate est de plus en plus discréditée, d’autant plus qu’aucune preuve n’a été présentée pour la soutenir. Hier, un coup mortel lui a été porté : l’équipe de campagne d’Hillary Clinton et le Comité national du Parti démocrate (DNC) ont dû admettre qu’ils avaient financé le « dossier Steele », le fameux dossier produit par la société Fusion GPS et par l’ « ex »-agent du MI6 britannique Christopher Steele, et qui a constitué la base principale pour les allégations de collusion entre le président Trump et la Russie. C’est là l’un des principaux piliers du Russiagate qui s’effondre.

Dans le même temps, le Congrès mène l’enquête sur les conditions ayant conduit le directeur du FBI de l’époque James Comey à blanchir Hillary Clinton dans l’affaire des courriels envoyés depuis un serveur privé, alors qu’elle était Secrétaire d’Etat.

Tout cela crée des conditions dans lesquelles le prochain voyage du président Trump, qui doit s’envoler vers l’Asie dans une dizaine de jours, peut nous réserver de nombreuses surprises très positives. Des rencontres très importantes doivent y avoir lieu, avec les dirigeants du Japon, des Philippines, et du Vietnam, ainsi que la rencontre très attendue avec le président chinois Xi Jinping, qui doit avoir lieu le 8 novembre. On parle également d’une probable rencontre entre Poutine et Trump, en marge du sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-pacifique), qui doit se dérouler au Vietnam du 6 au 11 novembre.

Dans le contexte de l’enthousiasme autour de l’ « Initiative une ceinture et une route » (BRI), renforcé par le XIXe Congrès du Parti communiste chinois qui vient de se terminer, les milieux impérialistes anglo-américains redoutent que l’inimaginable puisse arriver : voir les États-Unis se rapprocher de l’initiative chinoise. Il est d’ailleurs remarquable que Donald Trump ait été le premier dirigeant occidental à téléphoner à Xi Jinping pour le féliciter de sa reconduction à la Présidence de la République populaire de Chine.