Sécurité et travail : les enseignements du New Deal de Franklin Roosevelt

vendredi 19 août 2016, par Karel Vereycken

[sommaire]

La manœuvre gouvernementale, visant à reclasser 500 000 demandeurs d’emplois de la catégorie A (sans aucune activité) dans la catégorie D (en stage ou en formation et donc hors de la catégorie « chômeur »), et ceci dans le seul but de faire apparaître une « inversion » de la courbe du chômage, n’est que la énième démonstration du mépris de la caste cannibale en place pour le peuple, et plus largement, pour la réalité.

L’occasion pour nous de revenir sur ce que Georges Boris (Fondateur du journal La Lumière et futur ami et collaborateur d’aussi bien Blum, Mendès France que De Gaulle) appela « la Révolution Roosevelt » et dont nous dirigeants feraient bien de s’inspirer.

Un choix suicidaire

Alors qu’à la fin des années 1970, l’industrie et l’agriculture contribuaient à hauteur de 30 % au PIB français, aujourd’hui, cet apport n’est plus que d’environ 10 %. Confirmant cette dérive, les chiffres montrent sans conteste que sans formation ni accompagnement adapté et faute de grands chantiers, le chômage des ouvriers non qualifiés est passé de 10 % en 1983 à 20 % en 2015.

Indiquant qu’il s’agit bien d’un problème structurel, le nombre d’ouvriers qualifiés chute d’autant, puisque leur taux de chômage passe de 6 à 12 % durant la même période. Sans surprise, la montée du chômage de cette catégorie de la population correspond assez à celle du Front national, dont le vote ouvrier forme désormais le socle.

A cela s’ajoute la mutation de la nature des emplois occupés, résultat des choix opérés par les élites françaises en faveur d’une économie vivant de plus en plus de la finance, du tourisme et de l’industrie du luxe. Elle sert ainsi les riches et promeut les trafics annexes plutôt que le travail humain.

La dérive financière

Depuis trente ans, nos grandes banques ont détourné le crédit de l’économie réelle au profit d’une « économie casino ». Investir dans l’industrie, les PME, l’agriculture, la recherche ? Trop risqué et marges incertaines ! Surtout en comparaison de ce qu’on peut empocher « sans travailler » en spéculant sur les devises, les taux d’intérêts et autres produits financiers exotiques.

Conséquence du virage vers le tout financier : la formation systématique de « bulles » financières de plus en plus énormes qui, lorsqu’elles explosent, menacent la planète. Pour y échapper, les banques pensent avoir gagné la partie grâce à leur course à la taille. Avec des bilans supérieurs à ceux des Etats et par leur interconnexion entre elles, les banques se déclarent « too big to fail » (trop grandes pour être mises en faillite, trop grandes pour que les fraudes de leurs dirigeants les conduisent en prison). Car la mise en faillite d’une seule des 27 banques « systémiques » entraînerait la chute de toutes et du système.

Avec ce pistolet sur la tempe, des milliards de dollars américains furent émis (et imprimés) par nos gouvernements pour permettre des injections massives de capitaux. D’après Bloomberg, la somme totale payée rien qu’en 2008 par le contribuable américain pour sauver les banques, était de 7700 milliards de dollars, environ la moitié du PIB des Etats-Unis, ou 24 000 dollars par Américain. Lorsqu’on fait le calcul, on découvre que cette somme mobilisée en 2008 est supérieure à ce que les Etats-Unis ont dépensé en tout pour l’achat de la Louisiane, le « New Deal » de Roosevelt, le plan Marshall, les guerres de Corée, du Vietnam et d’Irak, et la NASA, mission lunaire comprise !

C’est cette évolution criminelle à laquelle nos élites, droite et gauche, se sont soumises depuis plus de trente ans. Au citoyen ordinaire, on a promis que « dès que le pire sera passé », une réorganisation en profondeur du système bancaire serait à l’ordre du jour. En Europe, notamment au Bourget, on a entendu les mêmes promesses. Or, cette réforme en profondeur n’a jamais vu le jour.

Comme conséquence, la production industrielle reste inférieure de 14 % de son niveau d’avril 2008. Avec la fermeture d’usines, des savoir-faire ont disparu. 982 000 emplois ont été détruits dans l’industrie de 2001 à fin 2015.

La pauvreté pour tous

Si depuis 2008, on a su retarder la mise en faillite ordonnée des banques, il n’en va pas de même pour la mise en faillite sauvage, « désordonnée », des citoyens français !

Semblable à l’explosion brutale de la misère après le krach de 1929, depuis 2008 de plus en plus de nos citoyens sont passés du chômage temporaire à la précarité chronique, de la précarité durable à la misère ponctuelle et de la misère pérenne à la clochardisation.

Le mot misère est tabou. Car lorsqu’un régime est incapable de changer la réalité, il change les mots. En France, les pauvres sont simplement « victimes d’inégalités » et les retraités qui glanent dans les poubelles à la fin des marchés sont présentés comme ayant fait le « choix éthique » courageux de pratiquer le « déchettisme »

N’empêche qu’en France, la pauvreté, en hausse de 22,5 % depuis le début des années 2000, a explosé après le krach de 2008. Considéré comme pauvre, tout Français gagnant moins de 60 % du revenu médian (revenu qui sépare la population en deux, la moitié perçoit plus, l’autre moitié moins), c’est-à-dire disposant de moins de 1002 euros par mois. Le taux de pauvreté est passé de 13 % de la population en 2008 à 14,2 % en 2015 pour atteindre 8,6 millions de personnes.

Depuis 2009, 823 000 Français supplémentaires, dont 125 000 rien qu’en 2014, sont tombés dans la pauvreté. De plus, le niveau de vie des plus pauvres (en recul de 3,5 % depuis 2008) a chuté davantage que celui des 10 % des Français les plus aisés (-1,3 %). « Cette aggravation de la pauvreté est inédite en France », constate l’INSEE.

Bien que le nombre total des demandeurs d’emploi soit d’environ 6,5 millions, on ne tient compte que ceux de la catégorie A (sans aucune activité et en recherche active d’un emploi) pour calculer le nombre des « vrais » chômeurs (environ 3,5 millions). Notez l’année 2008 comme marqueur d’une accélération de la crise.

Frôlant les 2 millions en décembre 2008, le nombre de demandeurs d’emploi des catégories A, B et C a explosé depuis pour dépasser les 5 millions. Or, parmi la population pauvre, près de 21 % sont des chômeurs. Aujourd’hui, fin juin 2016, le nombre de demandeurs d’emplois de catégorie A (sans aucune activité) s’élève à 3,5 millions et à 6,5 millions toutes catégories confondues (A, B, C, D, E), dont 6,15 millions en France métropolitaine. Précisons que ceux travaillant à temps partiel sont inclus dans les catégories B et C, et que la catégorie D rassemble ceux qui sont indisponibles car en stage ou en formation, la catégorie E représentant les emplois aidés. A cela s’ajoute le fait que pour « tenir », 452 000 retraités se voient obligés de compléter par une activité professionnelle une pension trop maigre.

En tous cas, 6,5 millions de demandeurs d’emplois et de travailleurs précaires, ce n’est pas 10 % de la population en âge de travailler (environ 30 millions), ça frise plutôt les 22 % ! C’est également de 2009 à 2015 que le nombre d’allocataires au RSA a augmenté de 44 %.

Si l’on y ajoute le nombre de bénéficiaires du RSA n’exerçant aucune activité professionnelle et ceux qui sont sortis des statistiques, on arrive facilement à 10 millions de Français en voie de paupérisation et vivant dans une précarité grandissante :

  • 140 000 SDF ;
  • 15 000 à 20 000 personnes vivent dans 429 bidonvilles ;
  • 38 000 en chambres d’hôtels à l’année ;
  • Au moins 100 000 Français habitent tout le long de l’année en caravane, en mobile home ou dans leur voiture ;
  • 411 000 en hébergement « contraint » chez des parents ou des tiers ;
  • 1,250 million de locataires sont en situation d’impayés ;
  • 1,8 millions de personnes sont en attente d’un logement social ;
  • 7 % des ménages ne peuvent chauffer convenablement leur logement, et 10 % y recevoir des amis ;
  • En tout, au moins 500 000 logements sont insalubres et 42 000 enfants sont atteints de saturnisme ;
  • La moitié des chômeurs disposent de moins de 500 euros par mois ;
  • 200 000 étudiants sont en situation financière précaire et certains s’adonnent à la prostitution ;
  • La mortalité (résultant des suicides, problèmes cardio-vasculaires, etc.) des sans emploi et de ce que François Hollande a appelé un jour « les sans dents » est trois fois supérieure à celle des travailleurs en activité. En France, des études très sérieuses ont démontré que la surmortalité provoquée par le chômage est de 14 000 par an. Chaque jour, un agriculteur se suicide face au désastre économique qui frappe son activité.

Infrastructures en ruines

Tablier du viaduc ferroviaire des Fades, fermé depuis 2007 en raison de sa vétusté.

Alors qu’on traficote les statistiques pour créer l’impression de réduire le chômage, l’investissement pour effectuer les travaux de maintenance les plus élémentaires fait cruellement défaut.

D’après le Competitiveness Report de 2014 du Forum économique mondial, la qualité de nos infrastructures de base a régressé de façon spectaculaire depuis 2008 : en six ans, la France est passée de la 4e place mondiale à la 10e !

Par secteur, ce déclassement est le suivant :

  • routes, de la 1e à la 7e place ;
  • ferroviaire : de la 2e à la 6e ;
  • ports : de la 10e à la 26e ;
  • aéroports : de la 5e à la 15e ;
  • fourniture d’électricité : de la 4e à la 14e place.

Sur le banc des accusés, la réduction dramatique des dépenses dans la maintenance de nos infrastructures, ce qui a un impact direct sur l’emploi : depuis 2008, le secteur du BTP a perdu 25 % de son activité, qui est retombée au niveau de 2001. 35 000 emplois disparus depuis 2008, et une accélération en 2015 avec 12 000 destructions d’emplois et une forte augmentation des faillites d’entreprises.

Soulignons que ce sous-investissement chronique dans la maintenance des infrastructures se traduira en dernière analyse par un surcoût conséquent et posera rapidement des problèmes de sécurité.

  • ROUTES. De 573 millions d’euros en 2009, les crédits d’entretien des routes départementales ont été ramenés à 376 millions en 2015, soit une baisse de 33 % ! Or, les couches de surface des routes ont une durée de vie optimale de 8 à 15 ans. Ces dernières années, leur taux de renouvellement annuel a été de l’ordre de 4 à 5 % de la surface totale des chaussées, soit un renouvellement tous les 20 à 25 ans en moyenne !
  • PONTS. La Fédération nationale des travaux publics estimait en 2014 que 72 000 ponts étaient menacés par la corrosion des armatures. Résultat : on ferme un pont par jour dans l’Hexagone ! Comme celui reliant Carcassonne à Narbonne, fermé depuis décembre 2014, ce qui oblige 26 000 voitures à faire un détour.
  • RESEAU FEROVIAIRE. Le rapport de la Cour des comptes sur les transports ferroviaires en Ile-de-France (février 2016) pointe la vétusté du réseau : « L’âge moyen des voies en zone dense a augmenté de 30 % entre 2003 et 2014. Sur les 3700 km du réseau Transilien (10 % du réseau national mais 40 % du trafic voyageur du pays), 40 % des voies et 30 % des aiguillages ont plus de 30 ans, alors que SNCF réseau considère qu’une voie ou un aiguillage doit être régénéré [refait à neuf] au bout de 25 ans. Environ 15 % des caténaires ont plus de 80 ans, et même 5 % plus de 100 ans. En particulier, l’âge des caténaires de la ligne C du RER est supérieur à 90 ans. Pour éviter que cette situation ait des conséquences fâcheuses sur la sécurité, la vitesse maximale autorisée a dû être réduite sur un nombre croissant de tronçons (213 km début 2015) ». L’on comprend mieux pourquoi plus d’un train sur dix est en retard. Alors qu’il était le symbole du progrès de toute une époque, aujourd’hui, un TGV sur cinq est retardé ou annulé ! Notons aussi que de 2008 à 2015, le nombre d’accidents sur le réseau ferroviaire s’élève à 158 par an. Et si les orientations actuelles persistent, personne ne devrait s’étonner de voir se produire de nouveaux « Brétigny » ;
  • PORTS MARITIMES. Avec la crise, mais également faute d’infrastructures modernes et adéquates, la quantité de marchandises débarquées ou embarquées dans les sept ports maritimes français est passée de 340 millions de tonnes en 2008 à seulement 292 millions de tonnes en 2014 !
  • DISTRIBUTION D’EAU. 20 % de l’eau potable se perd dans la nature à cause de fuites diverses ! Au rythme actuel d’investissement dans les infrastructures d’eau, le taux de remplacement est de 167 ans, alors qu’il faudrait le ramener entre 40 et 50 ans pour avoir un réseau en bon état ;
  • DISTRIBUTION D’ÉLECTRICITÉ. Les coupures d’électricité, qui atteignaient 97 minutes par habitant en 2013, ont tendance à augmenter.

Lui président, il l’a fait : Roosevelt & le New Deal

Krach financier, déshérence sociale, chômage de masse, croissance en panne, ruine des infrastructures. Avant nous, qui a su relever un tel défi ?

Lorsque Franklin Delano Roosevelt est élu président des Etats-Unis en novembre 1932, le pays est exsangue. Entre 1921 et 1932, trois administrations (Harding, Coolidge et Hoover) ont gardé le même secrétaire au Trésor : le banquier Andrew Mellon, porte-parole de Wall Street et représentant les intérêts de la famille Morgan.

Suite à leurs spéculations débridées, le krach boursier d’octobre 1929 plonge le pays dans « la grande dépression ».

Le PNB américain recule de 50 %. 100 000 entreprises mettent la clé sous la porte, la production industrielle s’effondre et l’agriculture est au plus mal. Malgré les renflouements par l’Etat, les banques tombent en faillite les unes après les autres, emportant avec elles les maigres économies des citoyens ordinaires.

Courbe de l’emploi aux États-Unis entre 1910 et 1950. Après la chute abyssale de l’emploi suite au krach de 1929, Roosevelt a su inverser la courbe !

Alors qu’ils n’étaient que 4 millions en janvier 1930, en 1932 le nombre de chômeurs passe à 12,83 millions (soit 24,9 % de la population, plus qu’en Allemagne !).

Et à l’époque, aucune assurance chômage, aucun filet de sécurité sociale n’existe pour amortir le choc.

Des milliers d’Américains sont jetés dans la déshérence. Incapables de payer leur loyer ou leurs emprunts, les gens se retrouvent évincés de leur logement. Les « Hoovervilles » (bidonvilles sous Hoover) poussent comme des champignons. Un exode urbain conduit des milliers de citadins à se ruer vers les campagnes, où ils découvrent rapidement que l’agriculture est un vrai métier. D’autres tenteront leur chance en émigrant vers la côte Ouest où ils échoueront à se refaire une vie.

1933 : abris de fortune à New York.

Entretemps, comme aujourd’hui, de nombreux jeunes s’évadent dans des comportements autodestructeurs. En 1932, la nourriture manque. Faute de denrées, les banques alimentaires ne fournissent plus de repas qu’à ceux dont le poids est inférieur d’au moins 10 % à leur poids normal…

Après le décès d’une écolière à New York, morte de faim en classe, le quotidien The Nation avertit qu’un sixième de la population américaine risque de mourir de faim durant un hiver qui s’annonce très rude.

Ce n’est que dans ce contexte qu’on peut réellement comprendre la portée du discours inaugural de Franklin Roosevelt, le 4 mars 1933, lorsqu’il annonce aux Américains et au monde :

Cette grande nation résistera, se relèvera et prospérera. Aussi, permettez-moi d’affirmer ma ferme conviction que la seule chose que nous devons craindre, c’est la crainte elle-même, cette terreur sans nom, irraisonnée et injustifiée qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir nos reculs en avancées.

La sécurité, la vraie, celle du pouvoir d’achat, celle de votre épargne, celle de l’accès à la justice et au progrès social, n’est pas pour lui « un thème de campagne » ou un « élément de langage » visant à se faire élire, mais un enjeu essentiel pour redresser le pays. Car l’économie, ne l’oublions pas, c’est avant tout les gens. Vous aimez l’économie ? Très bien, mais est-ce que vous aimez « les gens » ?

FDR le rappelle en 1938 dans l’introduction au deuxième volume de ses discours et écrits relatifs à son action de 1933 :

Nous étions déterminés à aider tous ceux qui avaient besoin d’aide pour la reprise [économique]. Nous étions tout aussi déterminés à réformer là où cela était nécessaire pour garantir une reprise pérenne. Cette détermination s’est exprimée lors des ‘100 jours’ par nos efforts pour faire adopter les lois bancaires de 1933 [comprenant la loi Glass-Steagall de séparation bancaire], afin de rétablir la confiance en nos banques et de rendre l’ensemble du système bancaire plus sain et plus honnête, ainsi que dans la loi sur les actifs bancaires de 1933 pour protéger les investisseurs légitimes de promotions douteuses, etc.

Dans le même écrit, il précise son approche, qui a eu un écho très fort en France, en particulier chez Léon Blum et au Front populaire. Nous sommes donc aux antipodes de toutes les « réformes » imposées en France par les administrations Chirac-Juppé-Jospin-Sarkozy-Hollande, et de ceux qui se présentent à l’élection présidentielle de 2017 avec des versions encore pires du même programme.

Roosevelt :

En bref, les objectifs [du New Deal] étaient, ont toujours été et demeurent :

  • d’offrir une chance aux hommes et femmes de travailler dans l’industrie avec des salaires décents et pendant un nombre raisonnable d’heures, ou de travailler dans l’agriculture en gagnant un revenu décent ;
  • d’offrir aux gens la possibilité de conserver leur épargne dans des banques, à l’abri d’une utilisation spéculative réalisée avec l’argent des autres [c’est-à-dire Glass-Steagall], et de leur offrir la possibilité d’investir sans se faire escroquer par des promoteurs cupides et des spéculateurs ;
  • d’offrir aux gens la possibilité de faire un bénéfice raisonnable en entreprise à l’abri des monopoles, et d’instaurer une concurrence équitable mais organisée de façon à offrir des prix raisonnables aux consommateurs ;
  • d’organiser une planification permettant d’utiliser les ressources naturelles au bénéfice de l’ensemble des hommes et des femmes de notre pays ;
  • d’offrir une sécurité contre l’adversité du grand âge [ce que nous appelons en France l’assurance-vieillesse] ;
  • d’offrir une sécurité contre un chômage inattendu ou saisonnier [ce que nous appelons l’assurance-chômage] ;
  • d’offrir une sécurité contre toute sorte de criminels nouveaux ou anciens ;
  • d’offrir une sécurité contre la guerre.

Pour cela, Roosevelt prendra trois types de mesures, désignés par « les trois R » : Relief (assistance publique), Recovery (relance économique) et Reform (réforme). Et pour gagner la guerre contre la pauvreté, il nomma un excellent général, le General Welfare.

La « charité » au cœur de l’action politique

Franklin Roosevelt était un homme politique exceptionnel pour quatre raisons :

  • il avait clairement identifié quels étaient ses adversaires et ses ennemis (Wall Street, la City de Londres et l’Empire britannique) ;
  • il s’était familiarisé avec la pensée économique "colbertiste" du premier secrétaire au Trésor américain Alexander Hamilton qu’avait fréquenté son arrière-arrière-grandpère paternel Isaac Roosevelt ;
  • il aimait l’humanité ;
  • il s’appuyait sur le préambule de la Constitution américaine qui lui donnait, en tant que Président, la légitimité et le droit d’agir, surtout en temps de crise, pour l’intérêt général.

C’est dans un autre discours inaugural, celui prononcé en janvier 1937 suite à sa réélection, qu’il résume sa politique :

A propos des « nouvelles dynasties » qui régnaient à Wall Street (Morgan, Ford, Rockefeller, etc.), il dit :

Ils ont créé un nouveau despotisme drapé dans la légalité (…) Les royalistes économiques se plaignent que nous cherchions à renverser les institutions américaines. Ce dont ils se plaignent en réalité, c’est que nous cherchons à leur enlever le pouvoir. Or, c’est précisément notre allégeance aux institutions américaines qui nous oblige à renverser ce type de pouvoir (…) Le seul guide réellement efficace pour la sécurité de notre monde si matériel, c’est le principe moral. Nous ne considérons pas la foi, l’espoir et la charité comme des idées inatteignables, mais nous les utilisons comme des soutiens hardis à une nation combattant pour la liberté dans une civilisation moderne.

Et Roosevelt sait très bien de quoi il parle lorsqu’il prononce le mot « charité » (caritas en latin ou agapè en grec) :

La charité, dans le sens profond de ce mot très ancien, signifie l’amour, un amour qui comprend et qui ne partage pas seulement la richesse du donateur, mais aussi la vraie sympathie et la sagesse qui aide les hommes à s’aider eux-mêmes. Nous ne cherchons pas à faire du gouvernement une mécanique, mais à lui donner le caractère vibrant et personnel qui incarne réellement la charité humaine. Nous serions bien pauvres en effet, si notre nation ne pouvait se permettre d’ôter du moindre recoin de la société américaine, l’angoisse ressentie par le chômeur à l’idée que sa vie n’est pas nécessaire dans ce monde. Nous ne pouvons pas nous permettre d’accumuler un déficit dans les livres de la fortitude humaine.

Pour FDR, la charité était le fondement même de sa politique :

Des gouvernements peuvent se tromper et des présidents faire des erreurs, mais l’immortel Dante nous raconte que la justice divine pèse différemment les péchés de ceux qui ont le sang froid de ceux qui ont le sang chaud. Mieux vaut les erreurs occasionnelles d’un gouvernement qui vit dans l’esprit de la charité que les omissions consistantes d’un gouvernement gelé dans la glace de sa propre indifférence. Il existe un cycle mystérieux dans les événements de l’histoire humaine. A certaines générations, beaucoup est donné. Pour d’autres, beaucoup est attendu. Cette génération d’Américains a rendez-vous avec le destin.

En cela, Roosevelt n’utilise pas seulement le pouvoir que lui confère la Constitution américaine mais, avec un volontarisme à toute épreuve, agit consciemment en accord avec l’intention même de son préambule.

Nous, représentants de la République, avons pris conscience du fait qu’un gouvernement démocratique a la capacité innée de protéger sa population contre des désastres autrefois considérés comme inévitables, et ceci afin de résoudre des problèmes jadis considérés comme insolubles. Nous ne pouvons admettre qu’on ne soit pas en mesure de surmonter des épidémies économiques de la même façon qu’on a trouvé, après des siècles de souffrance fataliste, un remède aux épidémies de maladies. Nous avons refusé de livrer les problèmes de notre prospérité quotidienne aux solutions apportées par le vent du hasard et les ouragans du désastre. En cela, nous Américains, ne découvrons point une vérité entièrement nouvelle ; nous n’écrivons qu’un chapitre nouveau dans notre livre d’auto-gouvernance. Cette année marque le 150e anniversaire de la Convention constitutionnelle qui a fait de nous une nation. Lors de cette convention, nos aïeux ont trouvé la voie qui nous a tirés hors du chaos résultant de la Guerre révolutionnaire. Ils ont créé un gouvernement fort, disposant d’une capacité d’action unifiée, capable, hier comme aujourd’hui, de résoudre les problèmes au-delà de leur dimension individuelle ou locale. Il y a un siècle et demi, ils ont créé le gouvernement fédéral pour promouvoir l’intérêt général et garantir au peuple américain les bienfaits de la liberté. Aujourd’hui, nous en appelons aux mêmes pouvoirs pour atteindre les mêmes objectifs.

Les leviers du changement

Dans les premiers trois mois de son mandat, c’est-à-dire les « 100 jours » du printemps et de l’été 1933, Roosevelt, après avoir déclaré l’état d’urgence économique, convainc le Congrès d’adopter plusieurs lois, permettant de mettre en ordre les finances, de créer des emplois et, par des projets d’infrastructures, de mobiliser toutes les potentialités de la nation. Balayant les lourdeurs administratives et l’inertie qui sert souvent à cacher la lâcheté de la classe politique en place, le changement de cap s’opère en moins de trois mois.

Roosevelt signant la loi Glass-Steagall. Pour mettre l’épargne et les dépôts à l’abri de la spéculation, cette loi de séparation stricte obligea les banques d’affaires à assumer pleinement leurs responsabilités.
  • REFORME BANCAIRE :
    — Le 5 mars, un congé bancaire de quatre jours est décrété, le temps d’examiner l’état des banques, de fermer ce qui doit l’être et de sauver ce qui est utile à l’avenir de l’économie réelle.
    — Le 9 mars, la loi d’urgence bancaire est présentée au Congrès dès le matin, discutée dans la journée, adoptée en fin d’après-midi et signée le soir même par le Président, le tout en moins de neuf heures !
    — S’exprimant à la radio le 12 mars, FDR explique sa politique et rassure des millions d’Américains. [1]
Le sourire est de retour. Franklin Roosevelt et ses lieutenants lors d’une visite d’un centre de formation de jeunes en plein air (CCC).
  • EMPLOI :
    — Le 21 mars, il propose le premier des trois types de mesures visant avant tout à redonner aux gens leur dignité et à les rendre aptes à un travail productif.

Pour cet objectif, il crée les Civil Conservation Corps (CCC), un organisme d’Etat offrant des stages de formation de six mois aux jeunes sans aucune expérience professionnelle. Pour les sortir de leurs mauvaises habitudes et les éloigner des sources de corruption, ces centres sont implantés à la campagne. On y apprend à lire et écrire, à exploiter la forêt et à planter des arbres pour lutter contre l’érosion des sols. Logés et nourris sur place, ces jeunes, généralement issus des couches les plus modestes, enverront la majeure partie de leur allocation à leurs parents. En moins de deux mois, 300 000 jeunes et quelques vétérans bénéficieront du programme. Comme le précise FDR lorsqu’il plaide devant le Congrès pour l’adoption de ce programme : « Nous pouvons éliminer, au moins jusqu’à un certain point, la menace que pose la précarité durable à la stabilité morale et mentale. Ce n’est pas la panacée permettant d’éradiquer totalement le chômage, mais c’est un pas essentiel dans l’urgence actuelle. »

  • ASSISTANCE PUBLIQUE (WELFARE).
    — Le 12 mai, le Congrès adopte la loi créant la Federal Emergency Relief Agency (FERA), chargée d’organiser une aide fédérale d’urgence. L’Etat fédéral, agissant à travers le département du Trésor et la Reconstruction Finance Corporation (RFC), qui opère au grand dam de la Réserve fédérale (restée, elle, sous le contrôle de Wall Street), accorde des dotations aux Etats et aux collectivités territoriales leur permettant de reprendre la distribution d’aide aux nécessiteux.
Surnommé « l’homme le plus dépensier de tout les temps », Harry Hopkins était le bras droit de Roosevelt. En deux heures, il dépensa 5 millions de dollars pour créer 250 000 emplois en une semaine. Qui fait mieux ?

Harry Hopkins, un proche de FDR nommé à la tête de la FERA, sera accusé par la droite réactionnaire d’être « l’homme le plus dépensier de tout les temps ».

En effet, dès qu’il prend ses fonctions, il dépense plus de 5 millions de dollars en deux heures pour aider les gens et les mettre au travail !

La FERA donne naissance à la Civil Works Administration (CWA). Sous Hopkins, celle-ci crée en un temps record pas moins de 4 millions d’emplois : construction ou réparation de 700 000 km de routes, 40 000 écoles et terrains de jeu, des piscines, la totalité des parcs de New York, 4000 km d’égouts, 1000 aéroports et 250 000 toilettes, tout en payant 50 000 enseignants dans les écoles du monde rural, le tout en quatre mois !

Une équipe d’ouvriers travaillant sur le barrage Norris, le premier barrage construit par la Tennessee Valley Authority (TVA)
  • GRANDS TRAVAUX.
    — Le 18 mai, le Congrès adopte la loi créant la légendaire Tennessee Valley Authority (TVA), le premier de quatre grands projets régionaux d’aménagement fluvial et de barrages « à buts multiples », pour stimuler la productivité de l’économie réelle sur l’ensemble du territoire. Dans le cadre de la Public Works Administration (PWA), l’agence devait gérer les inondations, produire de l’électricité à un prix défiant toute concurrence (provoquant la fureur des grands cartels privés), promouvoir l’électrification du monde rural et créer une agriculture moderne grâce à l’irrigation et à l’apport d’engrais. Aujourd’hui, la TVA existe toujours. Son parc d’activité est composé de 17 centrales thermiques (11 au charbon et 6 au gaz), 29 barrages hydroélectriques et 3 centrales nucléaires. C’est d’ailleurs la vallée du Tennessee qui vit naître en 1942 la « ville nucléaire », c’est-à-dire le centre de recherche nucléaire d’Oak Ridge où 22 000 jeunes scientifiques, dans le cadre du « programme Manhattan », mirent au point la bombe pour la guerre mais aussi l’énergie nucléaire civile pour la paix, y compris la filière utilisant le thorium.

En 1935, le New Deal s’étendra et complétera son offensive :

C’était ça aussi le New Deal : arts & science au peuple !
  • INFRASTRUCTURES ET CULTURE.
    — En 1935, la Works Progress Administration (WPA) prend le relais de la FERA et de la CWA, tout en restant sous la direction de Harry Hopkins, pour effectuer des investissements massifs dans des infrastructures physiques (de taille petite et moyenne), sociales et culturelles. Pendant les huit années de son existence (1938-1945), elle employa 8,5 millions d’Américains. 800 000 km de routes sont réalisés ainsi que 78 000 ponts et 125 000 bâtiments civils et militaires, 800 aéroports construits ou améliorés, avec 850 km de pistes d’atterrissage. 900 millions de repas chauds sont servis aux écoliers. 1500 écoles d’infirmières sont financées. Lors de ses trois mandats, c’est-à-dire en douze ans, FDR a lancé plus de 45 000 projets dans les cinq domaines d’infrastructures de base : eau, énergie, transport, santé et éducation.
    — La culture n’est pas l’enfant pauvre de la relance économique : grâce aux aides et subventions de la WPA, 150 millions d’Américains purent bénéficier de 225 000 concerts, représentations théâtrales et spectacles de cirque. En outre, plusieurs centaines de milliers d’œuvres d’art et littéraires furent réalisées par des artistes et des auteurs stipendiés par la WPA.
  • DROIT DU TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE.
    — Dès 1933, FDR fait voter des lois pour la protection des travailleurs. Avec le National Recovery Act (NRA), il organise la négociation collective afin d’accorder le monde du travail avec celui des affaires (cf. en France, la participation voulue par de Gaulle ou l’autogestion défendue par Michel Rocard). Le travail des enfants est interdit, un salaire minimum et une limitation des heures de travail hebdomadaires sont imposés par la loi. —Tout cela aboutira à la loi « Sécurité sociale » de 1935, que Roosevelt considère comme le couronnement de toute son œuvre. Elle organise un système solidaire de retraites par répartition et offre une protection sociale, des allocations familiales, une assurance maladie et vieillesse à des milliers de personnes. De plus, l’article 7a de la loi accorde aux travailleurs le droit de s’organiser en syndicats. Déclarée anticonstitutionnelle par la Cour suprême, cette loi fut réintroduite par FDR sous le nom de « loi Wagner », véritable charte des droits du travail aux Etats-Unis.

La dignité retrouvée des travailleurs embauchés pour des travaux utiles au service de toute la nation crée l’optimisme et la synergie qui sont la clé du succès. On estime que chaque année, au moins 3 à 4 millions d’emplois publics sont créés, chacun générant à son tour 1 à 2 emplois indirects dans le secteur privé. Ainsi, le New Deal de Franklin Roosevelt, entre 1933 et 1938 créa au moins 24 millions d’emplois directs et au moins le double par effet d’entrainement.

Au niveau monétaire, Roosevelt, pour avoir les coudes libres et inciter le privé à investir, abandonne l’étalon or. Au niveau fiscal, il passe le taux d’imposition des plus aisés de 25 à 63 % en 1933, à 79 % en 1936 et même à 91 % en 1941. Si, de 1933 et 1938, les salaires doublent, sur la même période, les profits des entreprises augmentent 4,5 fois.

Cependant, il faut le reconnaître, sa politique, faute de densité technologique suffisante d’une partie importante des emplois créés, ne permit pas, dans un contexte de crise internationale, d’engendrer une croissance durable, et le chômage remonte en 1938.

Mobilisation de guerre, source de croissance

Affiche de propagande lors de la mobilisation de guerre. Alors que les hommes étaient au front, les femmes prennent le relais. Ici, la légendaire « Rosy la rivetteuse » dont le slogan « We can do it » a été joyeusement plagié par les communicants d’Obama (Yes we can).

Car l’unique vecteur permettant une croissance exponentielle à un pays dont le nombre d’habitants augmente, c’est la découverte de principes physiques nouveaux et l’introduction des technologies nouvelles qui en découlent. Avec le New Deal, un premier pallier avait été atteint avec l’électrification du pays. Sans cette étape préliminaire, la mobilisation de guerre de 1939 à 1945 aurait été tout simplement impensable.

Or, en 1938, les Etats-Unis et leur Président, déterminés à en finir avec Hitler, se retrouvent devant une réalité fort inquiétante : ils n’ont quasiment pas d’armée ! Alors que l’aviation allemande dispose de 40 000 avions, les Etats-Unis n’en comptent que 5000. L’Allemagne a la capacité industrielle d’en produire 18 000 par an, alors que les Etats-Unis peuvent à peine en sortir 2000. En 1940, les nazis alignent 10 500 tanks, 20 divisions motorisées, 135 000 camions et 60 000 motos. Les Etats-Unis ne disposent que de 500 chars et de 370 000 hommes, alors que les Allemands comptent 7 millions de soldats aguerris… Les arsenaux d’armement américain souffrent d’une telle pénurie que lors des premiers entraînements de la Citizen Army américaine, les soldats manient des fusils en bois…

La mobilisation de guerre va alors faire des miracles.

  • On arrête de produire des voitures. Les usines automobiles sont reconverties pour fabriquer des moteurs et pièces d’avions. Entre 1938 et 1945, les Etats-Unis construiront 200 000 avions ;
  • Pour cela, on produit, grâce à l’électricité fournie par les barrages de la TVA, des tonnes d’aluminium et de magnésium, produits peu usités avant la guerre ;
  • 45 raffineries sont construites pour fournir le carburant des avions ;
  • 51 usines sont construites pour produire du caoutchouc synthétique, une production inexistante avant guerre ;
  • 2 milliards de dollars sont investis dans la machine-outil ;
  • Des millions sont investis dans la construction navale ;
  • FDR force la main aux barons de l’acier américain qui, pour préserver leurs affaires avec l’Allemagne, refusent d’investir dans ce qui risque de devenir, selon eux, « une surcapacité » dans l’après-guerre. Leur obstruction est telle que Roosevelt devra lancer, avec l’argent de la RFC, la construction d’aciéries d’Etat pour la mobilisation de guerre.

La leçon qu’on peut tirer de l’expérience rooseveltienne, c’est qu’en temps de crise, réforme bancaire, aide sociale, création d’emplois et introduction de technologies d’avenir et de rupture doivent être mises en œuvre comme un tout. N’engager qu’une seule des composantes sans s’occuper des autres ne marche pas ou, pire, conduit au désastre.

Faire mieux que FDR !

« Ne votez pas pour Roosevelt » disent ici Tojo et Hitler. Aquarelle d’Arthur Szyk pour la réélection de Roosevelt en 1944.

Le défi à relever, en France et dans le monde, c’est de faire, en temps de paix, encore mieux que Roosevelt en temps de guerre !

Concentrons-nous sur ce qui peut assurer la sécurité et le travail : éradication de la pauvreté et de la précarité, création immédiate d’emplois, petits, moyens et grands travaux, secteurs permettant de doper la croissance avec les yeux du futur.

Pour enrayer la paupérisation croissante des Français, la condition préalable est de rétablir, pour chaque individu et chaque entreprise publique ou privée, un cadre stable résultant d’une « sécurité » sociale, juridique et réglementaire.

Pour cela, il faudra abroger, en les examinant de près et en faisant le tri, la plupart des mesures, et surtout l’esprit qui a visé explicitement à « détricoter » l’héritage du Front populaire, repris par le Conseil national de la Résistance (CNR). Plus précisément, il s’agit des lois antisociales et donc anti-économiques de Juppé, Valls, Macron et El Khomry.

Rappelons que dans un article de Challenges n°94 du 4 octobre 2007, « Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! », Denis Kessler, à l’époque vice-président du Medef, avait soutenu les mesures adoptées par Sarkozy visant à « faire entrer la France dans la mondialisation » :

Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de la retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme... A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !

Ce programme, rappelait Kessler,

s’est traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc. (…) Cette ‘architecture’ singulière a tenu tant bien que mal pendant plus d’un demi-siècle. Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de l’histoire, par le programme commun. Pourtant, elle est à l’évidence complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet plus à notre pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales, internationales.

Comme quoi ceux qui combattent l’héritage de Roosevelt et du CNR semblent parfois mieux connaître le sujet que ceux qui prétendent le défendre !


[1Sur la réforme bancaire et Glass-Steagall, consulter le site de S&P, à la rubrique « Couper les banques en deux », notre proposition de projet de loi et articles annexes.