La suppression de l’envoi de propagande électorale, un attentat contre la démocratie

lundi 3 octobre 2016

Puisque le sujet revient brutalement sur la table, nous republions ici notre article d’octobre 2014.

Il y a un an, le gouvernement, sous couvert de « mieux maîtriser les coûts liés à l’organisation des élections », avait avancé l’idée de supprimer l’envoi postal de propagande électorale. Si la proposition fut rejetée en 2013 par les députés, Manuel Valls remet aujourd’hui le couvert. L’Article 46 du projet de loi de finances pour 2015, présenté en Conseil des ministres le 8 octobre, annonce en effet que :

Le gouvernement propose de supprimer l’envoi à domicile de la propagande électorale sous format papier pour les élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique qui seront organisées au cours de l’année 2015.

Au lieu de recevoir dans sa boîte aux lettres une enveloppe contenant un résumé du programme de chaque candidat ainsi qu’un exemplaire des bulletins de vote, l’exécutif offrirait « la mise en ligne sur un site internet public des circulaires et des bulletins de vote des candidats » ainsi que « la mise à disposition pour consultation, dans chaque préfecture, sous-préfecture et mairie, d’une circulaire de chaque binôme et liste de candidats ».

Solidarité & Progrès propose la suppression immédiate de l’Article 46 qui ouvre la voie à une généralisation de cette approche. Pour nous, la réception de la propagande électorale sous format papier :

  1. Mobilise les électeurs en leur rappelant leur devoir de citoyen. La supprimer ne peut que stimuler l’abstention et les extrêmes.
  2. Permet à chacun, y compris celles et ceux ne disposant pas d’un accès à internet ou ne pouvant se rendre au préalable dans les lieux de vote, de prendre connaissance, loin du « bruit médiatique », des enjeux du scrutin.
  3. Garantit un traitement égal à tous les candidats qu’ils soient grands, petits, riches ou pauvres, qu’ils vivent dans les DOM, dans les circonscriptions des Français de l’étranger ou en métropole.
  4. Permet de soustraire, au moins en partie, le contrôle du scrutin à une sphère médiatique tentée d’orienter les élections en excluant des candidatures qui dérangent au profit des grands partis au pouvoir.

Économies ? Pas si sûr !

Comme avec la réforme territoriale, il reste à démontrer que la mesure représenterait une vraie réduction des coûts. Car, dans la pratique, les grandes formations politiques, qui peuvent faire l’avance des frais, paieront sans doute des sociétés privées pour mettre dans les boîtes aux lettres des électeurs leur propagande, une prestation qu’elles factureront comme des « frais de campagne » qu’on leur remboursera.

En clair, si les électeurs n’auront plus d’information sur les « petits » candidats ne disposant pas des ressources financières des grands, ils continueront à payer avec leurs impôts la propagande de ces mêmes grands ! On n’agirait pas autrement si on voulait que la vie politique soit accaparée par les réseaux en place.

Afin de sauvegarder les conditions d’accès aux responsabilités publiques et faire de vraies économies, S&P propose :

  1. L’introduction d’un bulletin de vote unique, pris en charge par l’Etat, où figurent des listes des candidats et des partis qu’on puisse désigner par une croix. Ce mode de scrutin existe depuis fort longtemps en Belgique, en Allemagne et ailleurs.
  2. Le maintien de la distribution à domicile des programmes des divers candidats, pour sauvegarder la réelle égalité d’accès à l’information politique.
  3. La suppression du vote électronique, un mode de scrutin qui tout en prétendant faire des économies, nécessite des bulletins papier pour être vérifiable… Le prix moyen d’une « machine à voter » s’élève à 4400 euros l’unité.