Chronique stratégique du 3 novembre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Face à la probabilité très forte de voir la COP26, qui se déroule en ce moment à Glasgow, devenir une « FLOP26 », l’oligarchie de Londres et de Wall Street s’accroche à son projet de suicide collectif qu’est la « décarbonisation » de l’économie mondiale. Elle compte pour cela exploiter un « choc gazier » sur les marchés, similaire au choc pétrolier de 1973, qui visait à l’époque à imposer la « croissance zéro » promue par le Club de Rome ; et elle espère également pouvoir instrumentaliser la colère des jeunes militants pour le climat qui, galvanisés depuis 2019 par les discours de Greta Thunberg et du Prince Charles sur « la fin du monde dans 18 mois », risquent de se radicaliser suite à l’échec de la COP26 et de lancer une vague d’écoterrorisme visant les infrastructures essentielles à la survie et au développement humain.
Quand des médias « libéraux » relayent des appels à l’écoterrorisme
Le 24 septembre dernier, le célèbre magazine américain New Yorker a accordé sur son podcast radio internet une interview d’une heure à l’universitaire suédois Andreas Malm, auteur du livre Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020). Malm y appelle les activistes environnementalistes à abandonner leur mode de protestation non-violente et à pratiquer ce qu’il qualifie de « sabotage intelligent », consistant à saboter les projets énergétiques, vandaliser les sites de production et détruire les pipelines.
Selon Malm, il ne faut rien attendre des conférences et des accords de type COP26 ; au contraire, il est « temps d’employer la destruction comme moyen de combattre le changement climatique provoqué par l’homme et de forcer les gens à moins dépendre des énergies fossiles. (…) Je ne dis pas que nous devrions arrêter les manifestations ou les occupations pour le climat. Je recommande que, tout en maintenant ce type d’action de masse et de désobéissance civile, le mouvement se lance dans la destruction de la propriété ».
Prenant pour exemple un projet de pipeline en Afrique, l’auteur suédois explique que « si les gens attaquaient les équipements de construction et détruisaient le pipeline avant qu’il ne soit terminé, j’y serais totalement favorable. (…) Nous devons agir pour endommager et détruire les installations émettrices de CO2. Mettez-les hors service, démontez-les, démolissez-les, brûlez-les, faites-les exploser. Faites savoir aux capitalistes qui continuent d’investir dans l’incendie que leur propriétés seront détruites ».
Suite à l’interview d’Andreas Malm, l’Interstate Natural Gas Association of America (INGAA) a publié un communiqué dénonçant la complaisance médiatique : « Les appels au vandalisme contre les infrastructures énergétiques sont dangereux, et les médias d’informations crédibles ne devraient jamais amplifier de telles rhétoriques ». En effet, outre l’interview du New Yorker, le livre d’Andreas Malm a reçu une large couverture dans le New York Times et le Los Angeles Times (ainsi que Radio France chez nous) ; « Malm est devenu un chouchou des médias » , fait remarquer le site GV Wire.
L’INGAA rappelle qu’en décembre 2020, des activistes ont intentionnellement mis en danger des milliers de personnes en s’attaquant à des installations de gaz à Aspen, dans le Colorado. « Les résidents se sont retrouvés sans eau chaude et sans chauffage alors que les températures chutaient brutalement », écrit l’INGAA, qui souligne qu’un tiers de l’énergie consommée aux Etats-Unis est transportée via les infrastructures du gaz naturel. « Les détruire reviendrait à mettre en péril 69 millions de foyers, 5,5 millions d’entreprises et 185 000 usines. La décision du New Yorker d’amplifier les appels à des actes de violences et de sabotage est imprudente et inacceptable ».
Luddites 2.0
L’appel d’Andreas Malm rejoint l’approche prônée par Deep Green Resistance (DGR), une organisation radicale structurée sur des bases paramilitaires qui prévoit, par « l’action directe », de démanteler « la société industrielle ». Comme nous l’avions montré dans un dossier publié en août 2019, DGR rejette explicitement tout concept de « civilisation » – par nature « écocidaire » – et prône le retour à un état primitif de vie sociale, avec une population humaine réduite au niveau où elle était il y a des dizaines de milliers d’années.
Dans le dernier livre d’Andreas Malm, publié en mai 2021 et intitulé White Skin, Black Fuel, On The Danger of Fossil Fascism (« Peau blanche, carburant noir, sur le danger du fascisme fossile »), les énergies fossiles sont considérées comme une invention et un instrument des suprémacistes blancs, et les combattre revient donc à combattre le fascisme et le racisme.
Deux tendances se croisent aujourd’hui : la hausse des températures et la montée de l’extrême-droite, peut-on lire dans l’introduction du livre. Que se passe-t-il lorsqu’elles se rencontrent ? (…) Au bord du gouffre, les forces les plus agressivement favorables au statu quo se sont manifestées – toujours pour défendre le privilège des Blancs, contre les menaces supposées des autres non-blancs. (…) Les technologies à base de combustibles fossiles sont nées imprégnées de racisme. Personne ne les a chéries plus passionnément que les fascistes classiques.
Soulignons que le titre du livre de Malm renvoie au livre de Franz Fanon Black Skin, White Masks (1961), et en particulier au premier chapitre, qui faisait lui-même référence au livre de Georges Sorel Réflexions sur la violence (1908). Il s’agit d’une apologie de l’utilisation de la violence, cette fois-ci au nom de la « responsabilité de protéger la Terre » (après la « responsabilité de protéger les populations » qui a servi de prétexte aux Tony Blair et autres Bush et Obama pour lancer leurs guerres mensongères). Avec pour aboutissement la destruction de la civilisation, et à terme de l’humanité, en tant que « sacrifice nécessaire pour la survie de la planète ».
Que ces luddites 2.0 reçoivent une couverture complaisante dans les médias n’a donc rien d’étonnant : ils représentent en effet du pain béni pour l’oligarchie financière malthusienne, qui espère d’une part pomper des milliers de milliards de dollars dans la bulle verte, et d’autre part faire accepter aux populations une réduction drastique des niveaux de vie et de la démographie – toujours pour le bien de la planète….

