Les analyses de Jacques Cheminade

L’alternative : un Nouveau Bretton Woods ; oui à une renaissance de la « pensée française »

mercredi 25 août 1999, par Jacques Cheminade

On voit ici et là apparaître des déclarations de responsables reconnaissant la gravité de la crise, mais ne proposant que des mesures visant à réformer le système :

  • l’instauration de "ratios prudentiels" (pour limiter les engagements des agents financiers) ;
  • l’adoption de diverses mesures destinées à freiner les opérations spéculatives sur les devises ;
  • la mise en place d’un système d’évaluation du risque et d’assurance à l’échelle mondiale ;
  • la création d’une taxe sur toutes les transactions spéculatives à court terme.

Cette énumération n’est pas exhaustive, mais reflète bien un état d’esprit : l’illusion que le cadavre peut être guéri.

Beaucoup de propositions baptisées « nouveau Bretton Woods » sont nourries de cette illusion. A la réunion du 16 avril 1998, à Washington, des vingt-deux pays du « groupe Willard » devenu « groupe Madison », l’on a discuté de « transparence », de « ratios prudentiels » et de « surveillance ».

En rester à ce niveau relève de l’illusion réformiste face à une crise systémique. C’est une illusion de banquiers, d’assureurs, de diplomates et de fonctionnaires, qui ne peuvent envisager - par la nature de leur profession respective - un bouleversement de l’ordre existant.

Le problème ne vient toutefois pas d’eux. Il vient à la fois d’une oligarchie financière dont la base se trouve à Londres et à Wall Street, et dont George Soros, par exemple, n’est que l’un des opérateurs, et de responsables politiques ne pouvant se concevoir - eux-mêmes et leur carrière - que dans l’environnement défini par cette oligarchie financière.

C’est cet environnement qui doit être changé du tout au tout. Notre effort vise donc à obtenir un sursaut des hommes politiques en place afin qu’ils rétablissent un système orientant les flux financiers et monétaires vers les infrastructures, le travail et la production. Tout en créant, en même temps, des groupes de citoyens et des cercles de réflexion capables d’engendrer des hommes de caractère pour entourer et motiver les dirigeants. Les deux sont en effet indispensables : d’une part, les hommes politiques en place sont ceux qui auront à faire face à la crise - dont les effets bien plus violents que les précédents se feront ressentir dès 1998 - et on ne peut malheureusement pas spéculer sur leur remplacement, et, d’autre part, ces hommes politiques à eux seuls ne prendront jamais les initiatives décisives capables de faire face.

C’est cette attitude que l’économiste Lyndon LaRouche a aux Etats-Unis vis-à-vis du président Clinton. Il est en effet clair que, d’une part, seule la présidence américaine dispose de la capacité d’initiative suffisante pour changer de système, mais que d’autre part, le président Clinton n’est pas, à lui seul, homme à le faire. L’importance d’une forte influence à ses côtés et dans son pays est la seule manière de résoudre le dilemme.

Notre démarche vise donc à abolir toute la logique de déréglementation, des changes flottants et de priorité financière qui s’est développée depuis la rupture entre l’or et de dollar (1971) pour revenir aux meilleurs aspects du système d’économie organisée de Bretton Woods.

Ce que devrait être un « Nouveau Bretton Woods » découle naturellement de l’analyse de la crise que nous venons de faire et des principes établis ci-dessus, en rupture avec l’ordre existant.

Il s’agit de rassembler les principaux chefs d’Etat du monde, ou d’au moins quelques grandes puissances - et, en particulier, la puissance déterminante des Etats-Unis - autour des orientations volontaristes suivantes :

1) Rétablir l’orientation du crédit et de la monnaie vers de grands travaux, l’infrastructure, la production et le travail.

L’économie « réelle » repose en effet sur l’accroissement systématique du pouvoir transformateur des hommes par tête, par km2 et par ménage.

C’est ce qui doit être le point de repère de tout le système : une économie ne peut être en croissance si quelques hommes - une minorité - prospèrent au détriment du plus grand nombre. Chacun, suivant les principes réels qui sont à la base de l’Etat-nation, doit être en mesure de recevoir une part de la croissance et de la connaissance d’ensemble.

Cela suppose un « vecteur scientifique » (sous forme de « centres » engendrant des idées) dans l’économie, couplé à de grands travaux infrastructurels permettant de désenclaver les régions moins développées : là aussi, chaque région du monde doit recevoir une part de l’entière connaissance et de l’entière croissance pour permettre un développement intégré.

Dans les régions peu développées, les grands travaux infrastructurels seront majoritairement faits avec des moyens mobilisés localement, les pays les plus développés fournissant majoritairement, par des crédits à long terme et faible taux d’intérêt, des technologies nouvelles les plus efficientes permettant d’accélérer ces travaux (mécanismes de type plan Marshall).

2) Assurer que le crédit et la monnaie s’orientent effectivement vers ces investissements.

C’est impossible avec le système de « banques centrales » actuelles (Réserve fédérale américaine, Bundesbank, Banque de France, future Banque centrale européenne) et c’est également impossible avec les institutions internationales existantes (FMI, Banque mondiale, OMC). Toutes sont en effet attachées à l’ordre financier et monétaire existant, et la conception de leurs agents - à quelques exceptions près - va dans le même sens car toute leur carrière a été faite par complaisance envers ces intérêts.

Il faut donc un système nouveau, organisé non autour de banques centrales, mais de Banques nationales, expression d’une volonté politique et permettant aux responsables politiques élus d’appliquer leur programme, ce qui est aujourd’hui impossible (volontairement ou involontairement, consciemment ou pas, les institutions démocratiques ont aujourd’hui perdu le contrôle des politiques monétaire, budgétaire et fiscale - c’est-à-dire tout moyen de simplement faire une politique qui ne soit pas d’adaptation au système).

Dans ce système, comme dans la logique du plan Marshall, celle de la politique Lincoln-Carey 1861-1876 ou de la reconstruction des quatre premiers plans français après 1945, la Banque nationale émet de la monnaie à la demande du Trésor public, qui correspond à du crédit à l’économie. Elle prête cet argent sous forme de crédit à des agents économiques sous-contractants de grands projets publics ou reconnus d’utilité publique. Ces agents peuvent se rendre auprès de la Banque nationale ou auprès d’autres banques publiques ou privées agissant pour son compte ou sur sa délégation, et obtenir du crédit s’ils s’engagent à participer à tel ou tel aspect du projet.

Le sous-contractant du projet indique de combien il a besoin pour s’approvisionner, pour régler ses salaires, etc., et il recevra du crédit à cet effet, contre le respect des délais qui lui seront impartis. C’est ainsi que la mobilisation militaire de l’administration Roosevelt a été organisée aux Etats-Unis après 1938-1939, et c’est ainsi qu’ont été financés les programmes de reconstruction d’après-guerre - le socle des « Trente glorieuses ».

Ces mécanismes de crédit seront utilisés pour lancer l’application de technologies nouvelles et pour empêcher des industries technologiquement performantes de tomber en faillite par manque de débouchés.

Les projets publics devront être accélérés ou décélérés pour réguler le fonctionnement de l’ensemble de l’économie : c’est dire qu’il ne s’agira pas de programmes avec des étapes formellement établies, mais de "projets", au sens d’orientations politiques, dont les gouvernements élus seront tenus responsables. La priorité du travail et de l’industrie pourra ainsi, et ainsi seulement, succéder à celle de la monnaie et des opérations financière ou, plutôt, la monnaie et les opérations financières seront remises au service de l’équipement et des secteurs productifs. La logique de l’euro et de la Banque centrale européenne indépendante est totalement opposée à ce système, quels que soient les aménagements qui lui seront apportés. C’est pourquoi nous nous opposons à l’ordre de Maastricht et d’Amsterdam, qui met les gouvernements entre les mains d’institutions financières, relais des marchés mondiaux et des oligarchies qui les contrôlent.

3) Ce système sera complété par la taxation des flux financiers spéculatifs, qui permettra de les repérer et de les limiter.

4) Surtout, il ne peut fonctionner que si les agents financiers surendettés ou surexposés font l’objet d’une mise en règlement judiciaire systématique.

En effet, le paiement de toutes les créances existantes à l’échelle internationale - qui représentent plusieurs fois la somme des produits intérieurs bruts des divers pays - s’avère impossible. Il s’agit ici d’éliminer systématiquement celles qui sont de nature spéculative (« bulle » des produits dérivés) et de conserver celles qui sont liées à la production et au travail, ou à des opérations commerciales sur biens physiques. C’est sur ce point, en particulier, que se détermine la rupture entre notre conception et toutes les sortes d’illusions réformistes sur le système actuel.

Notre conception est de maintenir ce qui est viable pour l’avenir, et d’éliminer tout ce qui exerce un effet prédateur - à l’opposé de ce que le FMI et les grandes banques veulent faire vis-à-vis des pays asiatiques, c’est-à-dire faire endosser par les Etats les dettes privées spéculatives.

Il s’agit donc ici, répétons-le encore une fois, d’un choix politique et non d’un arrangement diplomatique ou administratif : le choix du travail, de la production, de l’épargne, contre celui des banques et agents financiers devenus annexes de véritables casinos.

Nous ne voulons pas, soulignons-le, éliminer par principe les banques, ce qui serait puéril, mais leur rendre leur intégrité, c’est-à-dire de les réorienter vers leur fonction "réelle", qui est de financer l’économie et non de jouer sur les marchés.

5) Arrêter la loi de la jungle financière actuelle et revenir à une re-réglementation, en établissant tous les contrôles nécessaires à une politique d’échanges organisés, seule alternative réelle. Les pays participants doivent établir, d’un commun accord, un système comportant dans leur intérêt mutuel :

  • le principe de parités stables entre monnaies et non de changes flottants, ainsi qu’une convertibilité limitée ;
  • un contrôle des changes, pour éviter que les mouvements de devises n’engendrent des déséquilibres du système ;
  • un contrôle des mouvements de capitaux et des flux financiers similaires, pour empêcher une dérive vers le spéculatif ;
  • la relance d’un commerce mondial organisé et le développement de prêts à long terme et faibles taux d’intérêt pour des programmes d’intérêt économique mutuel, créant une communauté de dessein entre pays et non, comme actuellement, une concurrence effrénée pour des parts de marché en sacrifiant le long et le moyen terme au profit immédiat.

6) Les monnaies actuelles ayant perdu toute crédibilité avec la crise, il s’agira en fait d’en créer de nouvelles, associées à la politique de reconstruction. C’est ce qui a été fait avec le premier Bretton Woods, et que nous devons refaire.

La convertibilité devra sans doute, aujourd’hui comme alors, car il s’agit d’un instrument de référence simple, être assurée sur la base d’une garantie-or. Non pas un système d’étalon-or, de type britannique, mais un système prenant l’or comme référence, à référence-or, pour maintenir les parités entre monnaies et, à chaque fin d’exercice annuel, assurer une compensation entre adhérents et finalement régler les soldes, par définition limités, par des achats ou des ventes d’or.

Il y aura donc un prix fixe de l’or (qui devra être prévu pour ruiner les actuels spéculateurs à la baisse), s’imposant aux échanges publics et privés. Cet or sera l’unité de réserve monétaire, sans emploi dans les économies nationales, mais utilisé simplement pour les règlements des balances des paiements et des balances commerciales.

C’est ce système complet, avec ses aspects offensifs (mise en règlement judiciaire des spéculateurs, émission de monnaie et de crédit à long terme et faible taux d’intérêt pour de grands projets décidés d’un commun accord) et défensifs (contrôles, référence-or), qui sera le fondement d’une reconstruction réelle à l’échelle internationale.

Maastricht a fait la preuve que sans ce changement, les « grands travaux » permettant une reprise ne peuvent être mis en place : des espérances nées à la chute du mur de Berlin il ne reste que les cinq critères d’austérité. Les grands travaux de Jacques Delors ont été balayés, l’Union européenne subit de plein fouet la déréglementation, les délocalisations, l’austérité monétariste, la chute des investissements et le chômage, tandis que la Russie a vu sa production s’effondrer, ses ressources économiques pillées, sa base scientifique quasi détruite et le niveau de vie et de santé de sa population s’effondrer.

C’est pourquoi, en cohésion avec le nouveau Bretton Woods, il faut un nouveau traité européen, reposant sur une logique à l’opposé de celle de Maastricht et d’Amsterdam.

Arrivés à ce point, il est nécessaire de revenir à ce que nous entendons par « économie », pour mieux comprendre la raison d’être du nouveau Bretton Woods, ce qu’il doit permettre de financer (le premier point parmi les six que nous avons retenus).

Notre conception de l’économie n’est pas celle de l’avoir, l’évaluation de ce que l’on possède. Elle est celle de l’être, reposant sur ce que l’on transforme, sur le changement, sur l’amélioration - nous l’avons vu, en fin de comptes, sur l’accroissement des pouvoirs créateurs de ceux qui la composent.

L’objectif est, par rapport à un système donné, d’accroître l’énergie libre, le surplus physique, obtenue aux fins de réinvestir dans un système d’un ordre plus élevé.

Cet accroissement ne peut résulter d’un simple apport supplémentaire d’énergie au système : la panoplie de ressources utilisées par le système s’épuiserait, et à la longue, le système épuiserait son environnement et ne permettrait plus de nourrir la population qu’il soutenait dans une première phase. C’est là le grand argument des écologistes, qui s’en tiennent à ce niveau linéaire d’analyse de la croissance, sans comprendre que s’il en était ainsi, l’espèce humaine serait à la longue condamnée.

L’accroissement du rapport suppose autre chose, outre celui de l’énergie apportée au système. Il suppose que le rapport devienne plus efficient en raison de découvertes scientifiques nouvelles, permettant la mise en ¦uvre de formes plus denses d’utilisation et de transformation d’énergie - des principes nouveaux de machines-outils.

Ici nous retrouvons ce que nous affirmions précédemment : toute l’économie repose sur l’introduction d’instruments de transformation de la nature plus efficients, plus « productifs », et de produits nouveaux, n’existant pas auparavant, découlant de l’application d’idées nouvelles.

L’économie, dans son principe moteur de machine-outil, repose donc sur l’essor des pouvoirs créateurs de l’homme, ceux qui découvrent et ceux qui appliquent ces découvertes, qui doivent constituer des "équipes", un nombre croissant d’êtres humains impliqués dans un travail coopératif.

C’est pourquoi elle est, dans sa nature même, anti-entropique, contrairement à ce que croient tous les écologistes : elle repose non sur l’extrapolation, la « linéarisation » de ce qui est à un moment donné, mais sur des découvertes « non linéaires », signatures de l’esprit humain, de ce qui le rend différend de celui des animaux, conditionnés, eux, à s’adapter à leur milieu.

C’est pourquoi, dans la réalité, ou bien toute l’économie, l’économie comme un tout, croît - et le « profit » pour tous et pour chacun s’élève - ou bien il ne s’agit pas d’une croissance réelle, physique, mais d’une croissance « fictive », comme celle de l’économie mondiale actuelle ou celle des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne. Si les riches deviennent plus riches et les pauvres s’appauvrissent, cela ne signifie en rien que le pays s’enrichit. Cela signifie simplement que le pays détruit les ressources existantes au bénéfice d’une minorité, et se trouve sur le chemin de l’entropie - qui pourra être « théorisée » par toutes sortes de doctrinaires plus ou moins au service de l’ordre des choses !

Il faut donc une politique - celle que le nouveau Bretton Woods a pour but de financer - qui puisse prendre en charge l’ensemble de l’espace existant et la totalité de la population de cet espace, une politique pour tous les hommes et pour toute la terre disponsible.

Il ne peut y avoir d’intérêt privé qui puisse avoir cette perspective, ou l’autorité suffisante pour l’imposer. Seul le gouvernement d’un Etat-nation peut le faire. C’est pourquoi le gouvernement doit assurer la mise en place de l’infrastructure, l’aménagement du territoire dans l’intérêt de tous (infrastructure « lourde », physique - énergie, transports, communications, et humaine, légère - santé publique, recherche et développement, éducation). Il doit également donner le « la », l’orientation de l’économie dans laquelle les entrepreneurs privés sont, à leur tour, mieux aptes qu’un gouvernement à gérer les entreprises productives.

C’est pourquoi la doctrine de la « privatisation » généralisée est économiquement absurde, et nécessairement faite pour le bénéfice d’intérêts financiers prédateurs.

Si un gouvernement veut réellement assurer une reprise, cette reprise doit provenir de ce que le gouvernement, en tant que tel, doit savoir faire : implanter l’infrastructure. L’infrastructure, au niveau de l’industrie, correspond à la préparation de la terre pour les semailles en agriculture. Les « grains » sont les entrepreneurs ; c’est dire que le gouvernement doit utiliser les entrepreneurs comme sous-contractants, pour participer et aider à l’implantation infrastructurelle. C’est ainsi que s’établit un rapport productif entre l’Etat et les entrepreneurs, hors de toute concoction sur la « loi des marchés. »

Il ne s’agit pas, bien entendu, d’une planification impérative, à la soviétique, mais d’une planification indicative, avec des objectifs fixés d’un commun accord entre les représentants de l’Etat, des travailleurs et des entrepreneurs, dans le cadre d’une économie volontariste affichant, dans le plan sa règle du jeu.

Nous sommes ici aux antipodes de ce qui se passe actuellement, et plus près - bien que d’un point de vue ici supérieur - à ce que Charles de Gaulle, Jean Monnet, Pierre Mendès-France et Jacques Delors ont de commun.

Notre proposition de « pont terrestre eurasiatique » vise précisément, à partir et en rapport avec un nouveau Bretton Woods, à jeter les bases d’un développement des infrastructures entre Etats, dans un intérêt mutuel : c’est l’aspect « politique étrangère » du nouveau Bretton Woods, ce qui lui fournit un horizon.

Nos propositions reprennent, dans leur logique, la perspective qu’avaient avant la Première Guerre mondiale S. Witte en Russie, Hanotaux en France et E. Rathenau en Allemagne ; après la Première Guerre mondiale, Albert Thomas en France et W. Rathenau en Allemagne, et après la Seconde Guerre mondiale, Roosevelt et plus tard, à leur manière, John Kennedy et Charles de Gaulle.

Dans tous les cas, ces hommes voulaient établir des « routes de la paix » par un développement mutuel entre » en fut le développement transcontinental américain (politiques Lincoln-Carey, 1861-1876) qui permit un essor Est-Ouest sans précédent dans le pays. Ce modèle pour l’Europe fut constamment saboté par les intérêts financiers britanniques, puis anglo-américains, c’est-à-dire la perspective britannique installée aux Etats-Unis.

Notre but aujourd’hui, à travers le pont terrestre eurasiatique et des projets similaires dans l’horizon Pacifique, est de réussir ce qui a été manqué avant 1914, après 1918 et après 1945.

Les Etats européens ayant une nouvelle fois raté leur chance avec Maastricht après la chute du mur de Berlin (à l’instigation de Margaret Thatcher et de George Bush, et avec l’acceptation empressée de François Mitterrand et de son ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas), il ne reste aujourd’hui que deux configurations possibles pour cette politique :

  • à court terme, la configuration Pacifique, Eurasie, Chine, Etats-Unis, Inde, Iran, Russie ;
  • à moyen terme, si les Etats européens rejettent enfin la logique de Maastricht et d’Amsterdam, le Pont terrestre original, de Paris à Vladivostok et Pékin, c’est-à-dire de l’Atlantique à la mer de Chine.

C’est cette deuxième configuration que nous devons défendre ici en Europe, comme complémentaire de la configuration Pacifique, afin de mobiliser les populations pour une politique de co-développement au-delà de simples demandes de redistribution ou de meilleur partage qui, nous l’avons vu, sont condamnées d’avance parce qu’elles restent « à l’intérieur du système. »

A terme, la « configuration Pacifique » et la configuration « Atlantique-mer de Chine » ont pour vocation de se compléter ou, plus encore, sont les deux éléments nécessaires d’un même tout. Si pour des raisons intéressées, les milieux de l’oligarchie financière ont tendance à jouer l’une contre l’autre, à tenter de les opposer, c’est afin qu’aucune d’entre elles ne se réalise. Ces deux configurations constituent, pourrions-nous dire plus exactement, une même "série ouverte" de programmes de développement infrastructurel, opposés à la démarche monétariste et financière actuelle.