Oui au Grand Paris Express - Non à l’austérité Express

jeudi 7 mars 2013

Intervention des militants S&P lors du discours de Jean-Marc Ayrault sur le Grand Paris à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée le 6 mars.


Tract distribué :

Oui au Grand Paris Express
Non à l’austérité Express

Disons-le d’emblée, le Grand Paris Express (GPE) est un grand projet utile qui permettra de résoudre les problèmes actuels, causés par 30 ans d’inaction publique. Mais ça ne suffit pas pour en faire un bon projet. Car il se fait encore au détriment de l’infrastructure nationale dans un contexte de rigueur budgétaire castratrice. Même le Ministre des Transports, Frédéric Cuvillier l’a reconnu en octobre 2012 : « le Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT) n’est plus compatible avec l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques ».

La décision a donc été prise de considérer les fonds alloués aux infrastructures comme une variable d’ajustement. Déjà, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault envisage de n’octroyer le milliard d’euros de dotation pour le GPE qu’en 2015, « si nécessaire »... Le financement du GPE n’est donc pas garanti et notre pays n’est pas à l’abri des surprises de la crise qui remettraient en cause tout le projet.

Certes, le GPE a le mérite de montrer aux citoyens que l’infrastructure est une plate-forme économique indispensable à l’essor des capacités créatrices de l’être humain et au bien-être des populations. Il démonte l’idéologie libérale du « laissez-faire » en prouvant, par l’exemple, qu’il faut penser les contraintes physiques et sociales en amont avant de raisonner par les prix, et que la concertation publique est primordiale. De plus, avec un coût initial de 30 Mds€ (amputé de 4Mds€) et des recettes fiscales estimées à 60 Mds€ par an à partir de 2030, ce projet prouve que l’économie n’est pas qu’une question de coût. La compétitivité de l’industrie française dépend avant tout de l’investissement sur le long terme dans des technologies innovantes animant les forces productives de la nation de façon toujours plus efficiente. Ceci renvoie donc à la conception d’une économie physique, telle que l’a décrite Jacques Cheminade lors de la campagne présidentielle de 2012, opposée à la conception monétariste de rente financière et de spéculation fantasmatique.

En outre, le GPE est un projet qui peut mettre fin au « régime des partis » s’il est basé sur la défense du bien commun avant celle des intérêts privés.

Mais il faut regarder les choses en face. Malgré tous ses atouts, le GPE souffre d’être lancé dans un contexte européen d’austérité masquée sous des habits de « rigueur juste » et de renflouement des prédateurs financiers.

Deux visions de l’économie s’affrontent : celle qui dit qu’il faut des grands travaux pour sortir de la crise, et celle qui prétend que l’on n’a pas les moyens de lancer de grands travaux. Cette dernière idéologie est la plus dangereuse et la plus sournoise. Car la situation de carence budgétaire a, jusque-là, contraint les deux derniers gouvernements à sacrifier les infrastructures nationales au profit, donc, de la seule région parisienne. L’exemple du canal Seine-Nord (coût estimé : 4,3 Mds€) est emblématique de cet abandon. Celui des nouvelles lignes TGV au-delà de Rennes ou de Bordeaux en est un autre. Encore récemment, la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) a tiré la sonnette d’alarme en montrant que les investissements des collectivités territoriales pour les infrastructures d’eau, d’électricité et de transport sont en diminution constante et que la dégradation des canalisations, des lignes électriques, des routes et des ponts devient extrêmement préoccupante. La faillite de Dexia n’ayant rien arrangé.

Partout où l’exigence de compétitivité de notre économie physique requiert des investissements immédiats, les projets sont annulés, reportés ou... oubliés.

On ne pourra donc se réjouir du Grand Paris Express que lorsqu’une autre politique d’aménagement du territoire à l’échelle de la France et de l’Europe verra le jour. Pour cela, il faudrait d’abord sortir de l’idéologie, plus ou moins avouée, qui a donné naissance à l’idée du Grand Paris, à savoir, faire de Paris une « capitale-monde » dont l’excroissance urbaine deviendrait à terme cancéreuse et se ferait au détriment des villes petites et moyennes réparties sur l’ensemble du territoire et bénéficiant de peu de moyens d’interconnexion. Cette idée ne peut effectivement que satisfaire les promoteurs immobiliers et les sociétés d’investissement comme JP Morgan, qui espère déjà empocher 1,7 Mds€ grâce à l’appréciation des biens immobiliers le long du GPE, avant même le début des travaux !

A l’opposé de cette vision boulimique et prédatrice, il faut renouer avec l’esprit du Commissariat au Plan et de la DATAR, en promouvant des technologies révolutionnaires comme l’aérotrain de Jean Bertin, amélioré par les découvertes scientifiques récentes. Grâce à la grande vitesse, cela permettrait d’unir les villes moyennes, de mieux répartir la population et les capacités industrielles, évitant ainsi les bouchons, la pollution et le sentiment d’oppression. Une ceinture inter-régionale en aérotrain, couplée à un développement du TGV et des canaux à grand gabarit permettra à l’économie française de repartir, à l’industrie automobile de se reconvertir et à l’État de renflouer ses caisses.

Que manque-t-il, demanderez-vous, pour engager ce grand chantier ? Eh bien, une volonté politique de combattre le monde de la City et de Wall Street qui a créé cette hémorragie industrielle par la spéculation à court terme et qui concentre aujourd’hui tous les moyens d’action du crédit. Il ne faut donc pas plier devant les banques universelles et imposer la stricte séparation des banques, puis restaurer le système de crédit productif public autour d’une banque nationale, comme à la Libération. Car, comme le disait Louis Armand, le crédit est un « pari sur l’avenir ». Un pari sur ce qu’il y a de plus humain en l’homme, c’est-à-dire sa capacité de créer un futur pour plus de gens et plus de bonheur partagé.