Franklin Roosevelt : avancer le temps où tous pourront accéder au bonheur

samedi 2 février 2013

Lors de l’investiture de Barack Obama, le 21 janvier 2013, certains se sont permis de le comparer à Franklin Roosevelt, lors de sa deuxième investiture, le 20 janvier 1937. A vous de comparer en lisant ce qui suit.

Franklin Delano Roosevelt,
discours d’investiture à son deuxième mandat,
20 janvier 1937

Mes chers compatriotes,

Lorsqu’il y a quatre ans, nous nous sommes rassemblés pour investir un Président, la République, saisie d’une seule et unique inquiétude, se tenait parmi nous en esprit. Nous nous sommes engagés à réaliser une vision : avancer le temps où tous pourront accéder à la sécurité et la paix indispensables à la poursuite du bonheur. Nous, républicains, nous étions jurés d’évincer du temple de notre foi ancienne ceux qui l’avaient profanée, d’en finir par l’action avec l’immobilisme et le désespoir des jours passés, sans faillir et sans peur. Nous avons d’abord accompli ces premières tâches.

L’engagement que nous avons pris envers nous-mêmes ne s’est pas arrêté là. Instinctivement, nous avons reconnu un besoin plus profond – le besoin de trouver dans l’action du gouvernement l’instrument de notre objectif commun : celui de résoudre pour chaque individu les problèmes récurrents d’une civilisation complexe. Nos tentatives répétées, mais déçues car réalisées sans l’aide du gouvernement, nous avaient laissés déconcertés et même égarés. Sans ce soutien nécessaire, nous avons été dans l’incapacité d’établir sur les services rendus par la science, les contrôles éthiques nécessaires pour faire de celle-ci un serviteur utile, et non un maître de l’humanité, sans foi ni loi. Pour cela, nous savions que nous devions trouver les leviers concrets pour maîtriser des forces économiques aveugles, et l’égoïsme tout aussi aveugle des hommes.

Nous, républicains, avions l’intuition qu’en vérité, le gouvernement démocratique a la capacité innée de protéger son peuple contre des désastres considérés autrefois comme inévitables, de résoudre des problèmes considérés autrefois comme insolubles. Nous avons refusé de nous avouer incapables de trouver un moyen de maîtriser des « maladies » économiques, de la même manière qu’après des siècles de souffrances considérées comme fatales, nous avons trouvé comment maîtriser ces maladies épidémiques. Nous avons refusé de laisser aux vents de la chance et aux ouragans du désastre le soin de résoudre les problèmes affectant le bien commun.

Ce faisant, nous, Américains, n’avons découvert aucune vérité nouvelle ; nous n’avons fait qu’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du gouvernement du peuple, par le peuple.

Cette année marque le 150ème anniversaire de la Convention constitutionnelle, qui a fait de nous une nation. Lors de cette Convention, nos Pères fondateurs ont trouvé la voie pour sortir du chaos succédant à la guerre révolutionnaire. Ils ont créé un gouvernement fort, doté de pouvoirs d’action unifiée suffisants, hier comme aujourd’hui, pour résoudre des problèmes dépassant de loin des solutions individuelles ou locales. Un siècle et demi plus tard, ils instaurèrent le gouvernement fédéral, afin de promouvoir le bien commun et d’assurer au peuple américain cette bénédiction qu’est la liberté.

Aujourd’hui, nous invoquons ces mêmes pouvoirs de gouvernement pour atteindre les mêmes objectifs.

La nouvelle expérience des quatre dernières années n’a pas contredit notre instinct historique. Elle a clairement affirmé l’espoir qu’un gouvernement de nos communautés, un gouvernement de nos Etats – le gouvernement des Etats-Unis – peut réaliser ce qu’exige notre époque, sans trahir la démocratie. (…)

Comme la plupart d’entre nous le reconnaissent, à mesure que les relations humaines deviennent de plus en plus complexes, le pouvoir de les gouverner doit également s’accroître – le pouvoir d’arrêter le mal, le pouvoir de faire le bien. La démocratie essentielle de notre Nation et la sécurité de notre peuple ne dépendent pas de l’absence de pouvoir, mais de sa remise entre les mains d’individus dont le peuple peut décider de le leur laisser ou non, à intervalles réguliers, grâce à un système électoral libre et honnête. La Constitution de 1787 n’a pas rendu notre démocratie impuissante.

En fait, au cours de ces quatre dernières années, nous avons rendu l’exercice de tous les pouvoirs encore plus démocratique, car nous avons commencé à ramener les pouvoirs privés autocratiques sous la subordination du gouvernement du public. La légende selon laquelle ces pouvoirs privés étaient invincibles – au-dessus et au-delà des processus de la démocratie – a été réduite à néant. Ils ont été défiés, et battus.

Nous sommes en train de sortir de la dépression, c’est une évidence. Mais ça n’est pas seulement ce que nous entendons, vous et moi, par un nouvel ordre de choses. Notre engagement n’était pas simplement de faire un patchwork avec du matériel de second ordre. En utilisant de nouveaux instruments de justice sociale, nous avons entrepris d’ériger, sur les anciennes fondations de notre République, une structure encore plus solide pour une meilleure utilisation par les générations futures.

Nous avons été aidés dans cette entreprise par les réalisations de l’esprit et de l’intelligence. Les anciennes vérités ont été réapprises, les non-vérités dénoncées. Nous avons toujours su qu’un égoïsme inconsidéré relevait de mauvaises mœurs ; nous savons désormais que cela relève également de mauvaises pratiques économiques. Résultat d’un effondrement de la prospérité dont les architectes avaient pourtant vanté le pragmatisme, nous avons acquis la conviction qu’à long terme, la moralité paye. Nous commençons à effacer la ligne séparant le « pragmatique » de l’idéal, et ce faisant, nous élaborons un instrument d’une puissance insoupçonnée pour l’instauration d’un monde moralement meilleur.

Cette nouvelle compréhension mine la vieille admiration pour le succès de ce monde en tant que tel. Nous commençons à ne plus tolérer l’abus de pouvoir par ceux-là mêmes qui, pour le profit, trahissent les règles de vie les plus élémentaires.

Au cours de ce processus, les mauvaises pratiques acceptées auparavant ne seront plus aussi facilement tolérés. (…) Nous nous dirigeons vers une ère de bien-être, mais nous savons que cela n’est possible que parmi des hommes de bonne volonté. Pour cette raison, j’ai de bonnes raisons de croire que le changement le plus profond auquel nous avons assisté a été celui du climat moral de l’Amérique. (…)

En vérité, nous sommes bien loin des jours d’immobilisme et de désespoir. La vitalité a été préservée. Le courage et la confiance sont revenus. Les horizons moraux et mentaux se sont étendus. Mais ce que nous avons conquis aujourd’hui l’a été sous la pression de circonstances qui sortaient de l’ordinaire. Poussés par la peur et la souffrance, aller de l’avant était devenu impératif.
L’époque était évidemment propice au progrès. Persister dans cette voie aujourd’hui est devenu plus difficile. Déjà refont surface engourdissement des consciences, irresponsabilité et égoïsme aveugle. De tels symptômes de prospérité peuvent mener au désastre ! La prospérité met déjà à l’épreuve notre sens du progrès.

Reposons-nous la question : avons-nous atteint l’objectif de notre vision de ce 4 mars 1933 ? Avons-nous trouvé notre vallée heureuse ?

Je vois une grande nation, sur un grand continent, foisonnant de ressources naturelles. Ses cent trente millions d’habitants vivent en paix entre eux ; ils font de leur pays un bon voisin pour les autres nations. Je vois des Etats-Unis capables de démontrer que, grâce à des méthodes démocratiques de gouvernement, l’abondance nationale se traduit par une amélioration sans précédent du confort matériel, et que le niveau de vie le plus bas dépasse de loin celui de la simple survie.

Mais voici le défi auquel doit faire face notre démocratie : dans cette nation, je vois des dizaines de millions de citoyens – une partie substantielle de l’ensemble de la population – à qui se trouve déniée la plus grande part de ce que les critères de pauvreté en vigueur aujourd’hui considèrent comme des besoins élémentaires.

Je vois des millions de familles s’efforçant de vivre avec des revenus si maigres que le spectre du désastre familial plane sur elles jour après jour.

Je vois des millions de personnes dont le quotidien, en ville comme à la campagne, se déroule dans des conditions qualifiées d’indécentes par la société soi-disant policée d’il y a un demi-siècle.

Je vois des millions de personnes privées d’éducation, de loisirs et de l’opportunité d’améliorer leur sort et celui de leurs enfants.

Je vois des millions de personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter les produits de la ferme et de l’industrie et qui, de par leur pauvreté, en privent des millions d’autres de travailler et de produire.

Je vois un tiers de la nation mal logée, mal vêtue, mal nourrie.

Ce n’est pas par désespoir que je vous dépeins ce tableau. Je vous le dépeins par espoir – parce que la Nation, voyant et comprenant cette injustice en elle, suggère de la dépeindre ainsi. (…) Le test de notre progrès n’est pas de faire en sorte que ceux qui ont beaucoup aient encore plus, c’est de voir si on peut donner suffisamment à ceux qui ont trop peu.

Pour autant que j’en sache de l’esprit et de la raison d’être de notre Nation, nous n’écouterons pas le confort, l’opportunisme ni la timidité. Nous irons de l’avant.

Dans notre grande majorité, nous autres, membres de cette République, sommes des hommes et des femmes de bonne volonté, des hommes et des femmes qui n’ont pas seulement un cœur rempli de dévouement, des hommes et des femmes qui savent garder la tête froide et savent aussi se servir de leurs mains. Ils seront attentifs et insisteront pour que chaque instance de gouvernement du peuple utilise à bon escient les moyens qu’elle possède.

Un gouvernement n’est compétent que lorsque ceux qui le composent travaillent comme des mandataires du peuple. Il peut faire de constants progrès en tenant le peuple informé de tout ce qu’il fait. Il peut recueillir un soutien légitime et une juste critique lorsque le peuple peut s’informer de tout ce que fait le gouvernement. (…)

Aujourd’hui, nous dédions à nouveau notre pays aux idéaux que nous chérissons depuis si longtemps, au sein d’une civilisation en plein changement. Dans tous les pays, il y a toujours des forces à l’œuvre pour dresser les gens les uns contre les autres et des forces qui sont là pour les unir. Dans nos ambitions personnelles, nous sommes individualistes. Mais dans notre quête du progrès économique et politique en tant que nation, nous progressons tous d’un même élan, ou alors, c’est la chute, en tant que peuple.

Maintenir une démocratie de l’effort requiert beaucoup de patience, en travaillant avec différentes méthodes et beaucoup d’humilité. Mais de la confusion des différentes voix, surgit la compréhension du besoin public dominant. C’est alors que le leadership politique peut se faire le porte-voix des idéaux communs et aider à leur réalisation.

En prêtant à nouveau serment pour devenir Président des Etats-Unis, j’assume l’obligation solennelle de conduire le peuple américain vers l’avant, sur la route qu’il a choisi d’emprunter. Bien que ce devoir soit le mien, je ferai tout mon possible pour être son porte-parole et accomplir sa volonté, m’en remettant à la divine Providence pour aider chacun d’entre nous à offrir la lumière à ceux qui sont dans l’obscurité et pour guider nos pas sur le chemin de la paix.