Arrêtons le pillage de la Bretagne par les loups financiers déguisés en blanches hermines

dimanche 18 avril 2010, par Jacques Cheminade

[sommaire]

Le 11 mai 2011, Nicolas Sarkozy recevait les représentants des réseaux bretons : Jakez Bernard (Produit en Bretagne), Alain Glon (groupe Glon), Patrick Le Lay (président du Stade Rennais), Claude Guillemot (Club des Trente)...

Transcription de la présentation de Jacques Cheminade le 18 avril 2010 à Ploërmel (Morbihan).

Aujourd’hui, il fait très beau, on aperçoit des bâtiments neufs, puis ce magnifique vieux manoir, dont les bons pères ont gratté les vieilles pierres… En Bretagne, il y a de belles choses partout, des signes extérieurs de richesse, des constructions récentes.

Alors la Bretagne aurait-elle réussi, par rapport au monde que j’ai décrit auparavant, à passer à travers les gouttes des crises ? Oui, dans un certain sens. Mais comment ?

En préparant des conditions bien pires pour l’avenir. Ecoutons d’abord ce que dit Alain Glon, qui dirige un géant mondial de l’agro-alimentaire, symbole d’une certaine réussite régionale, dans le magazine « Bretons » de Ouest France, en ce mois de mars 2010 :

Je préside l’Institut de Locarn, (…) né dans une petite grange modeste entre Carhaix et Ploërmel. L’Institut de Locarn est un « think tank » où se réunissent des grands patrons bretons comme Patrick Le Lay ou Louis le Duff. Locarn a donc d’abord été un lieu de réflexion sur cette globalisation, un moyen de percevoir les évolutions du monde, d’essayer de s’y adapter. D’où son appellation de « collège stratégique de Locarn ».

Institut de Locarn, Club des Trente, Produit en Bretagne, le Club de Bretagne à Paris, que signifient toutes ces initiatives lancées dans les années 1990 ? Que signifie cette Bretagne organisée en réseaux ? Est-ce le conte de fées que nous sert Alain Glon, celui d’amoureux désintéressés de leur région se réunissant pour « comprendre le monde » et « faire, chez nous, les choses différemment » ?

Le modèle initial était celui du « miracle breton » des années 60-70, basé sur l’agriculture et la pêche, les télécommunications (on revoit de Gaulle inaugurant Pleumeur-Bodou), l’industrie automobile et une logique d’aménagement du territoire. Puis on est peu à peu passé au modèle actuel, associant l’agro-alimentaire, c’est-à-dire l’intégration de la production dans la distribution alimentaire (si vous ne savez pas ce que ça veut dire, demandez à Guillaume Roué), au tourisme et au résidentiel. S’ajoutent à cela les produits de luxe et les cosmétiques (si vous ne savez pas, inclinez-vous devant la tombe d’Yves Rocher et demandez-lui ce que c’est). Tout cela s’est créé en élevant le niveau de vie de la Bretagne par la vente de ses paysages et de ses cerveaux. La Bretagne est en première ou seconde position – ça dépend des statistiques – pour la qualité des diplômes et le niveau intellectuel des jeunes, des cadres et de ceux qui travaillent dans l’économie, tandis qu’elle est dix-huitième pour le montant de ses salaires. On exporte des gens, qui reviennent plus tard comme résidentiels ou touristes, avec de l’argent, et permettent ainsi aux affaires de tourner.

On suréquipe donc la Bretagne pour attirer pendant deux ou trois mois de l’année une population qui est multipliée par trois, quatre, dix, ou même plus… Les communes se surendettent pour répondre au pic de fréquentation estival ; on construit des stations d’épuration pour les mois de l’été, des parkings immenses, des lotissements en plastique qui sont occupés deux mois sur douze. C’est ce que certains appellent le modèle des Baléares, appliqué en Bretagne. Et c’est un cataclysme pour le territoire, parce que c’est surtout dans les résidences secondaires que la Bretagne réalise 90 % de son hébergement touristique ; or, cela ne représente que 6 à 7 % du chiffre d’affaires du bâtiment. Un tel modèle ne peut pas durer éternellement, et on en est arrivé au bout… Il y a une limite aux constructions pour attirer les touristes. Les pièges à touristes, ça marche un temps, mais il y a une limite à la confiscation par les classes huppées des littoraux. Le tourisme lui-même va s’effondrer avec la crise à venir : la vache à lait touristique deviendra une bête maigre étique et épuisée. Et l’on s’oriente maintenant vers l’hébergement des vieux ; mais les vieux rentables, ça a aussi une limite dans la crise ! Tout le monde ne peut pas être le fils ou la fille d’un joueur de football, d’une actrice ou d’un grand financier venu ici finir ses jours.

Alors oui, la Bretagne s’en est plus ou moins temporairement tirée, mais en se mettant dans une terrible impasse et en créant les conditions d’une crise sans précédent, par l’adaptation à la mondialisation dont parle Monsieur Glon, qui, lui, adore le modèle chinois : « La Chine, j’adooore ! » Selon « Bretons », « il n’hésite pas à dire toute son admiration du miracle chinois, qu’il oppose à une France sclérosée et en train de crever (sic) … J’y vois le futur de la Bretagne, précise-t-il… Il y a un truc qui nous fait crever en France, c’est l’égalité. » Sans voir qu’en Chine, comme à Dubaï, il y a une bulle immobilière et que les salaires oscillent entre 500 et 60-70 euros par mois : 500 euros à Shanghai et 60-70 euros pour ceux qui fabriquent des chaussettes à l’intérieur de la Chine ; avec très peu de protections sociales, et pratiquement aucun droit à la retraite. C’est le paradis de Monsieur Glon !

Alors, voyons comment la Bretagne s’est engagée dans ce cul-de-sac autodestructeur.

C’est l’histoire des nouveaux chevaliers de l’économie, du Club des Trente, de l’Institut de Locarn, du Club Bretagne à Paris, et de Produit en Bretagne, qu’il faut voir comme un tout. Ces gens s’affirment tous bretons et dans les affaires, et plus ils sont dans les affaires, disent-ils, plus ils sont bretons ! Le membre Patrick Poivre d’Arvor arbore volontiers à la télévision, à l’antenne, la cravate du Club de Bretagne décorée des superbes hermines. Le membre Patrick Le Lay, celui qui vendait du temps de cerveau disponible (pour Coca-Cola, pas pour Cola-Breizh), a aidé les terroristes autonomistes passant à l’acte en Bretagne. Non seulement il a fondé TV Breizh , mais en janvier 2004, invité d’honneur du Club de Bretagne à Paris réuni dans le restaurant le Pays de Cocagne, il a mis aux enchères un livre de lithographies du peintre Jean-Jacques Morvan, le produit de la vente étant destiné aux familles des prisonniers politiques bretons. C’est Olivier Royan, directeur-adjoint de Paris-Match , qui a fait la plus grosse enchère. Voilà donc TF1 et Paris-Match versant leur obole à l’armée révolutionnaire bretonne ! C’est quand même – pour qui est naïf – un peu étonnant !

Nous avons tous des molécules indépendantistes, explique l’éditeur Jean Picollec, les autres [ceux qui ne sont pas indépendantistes, ndlr] sont des jésuites.

Ils se réunissent au Club de Bretagne à Paris. On y organise une fois par mois un dîner-débat, avec des personnalités comme Michel-Edouard Leclerc (Edouard Leclerc père venait de Landerneau), Patrick Poivre d’Arvor et Vincent Bolloré, des Bretons totalement engagés dans des affaires multinationales. Etranges autonomistes ! Car il y a manipulation : on joue à fond une pseudo identité bretonne, en dénonçant les injustices et les incompétences venues de Paris (et elles sont nombreuses), pour brancher directement la Bretagne à la mondialisation financière, sans passer par les contraintes de l’Etat-Nation et du service public. C’est ce que font ces gens-là. Glon l’a pratiquement avoué. Il s’agit donc d’une Bretagne attachée au monde anglo-saxon. Un maire, qui avait été professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Brest, me disait que la moitié des étudiants de l’école allaient ensuite faire carrière à la City de Londres (ils sont probablement moins aujourd’hui) et que les programmes avaient été adaptés en fonction de la gestion financière en vigueur à la City. Donc, ce n’est pas seulement qu’ils allaient se faire embaucher à la City de Londres, mais les programmes de l’Ecole supérieure de commerce étaient adaptés à cette transhumance ! Et pas à l’autonomie et à l’indépendance bretonne…

Tout ce petit monde attaché au système anglo-saxon s’est constitué en filières, liées aux intérêts financiers et commerciaux et à la grande distribution. Prenez pour exemple la fortune de François Pinault : ça a commencé avec sa scierie, qui était de la production, pour se tourner totalement vers la distribution, avec la protection d’hommes politiques. C’est ainsi qu’il a acheté une entreprise en Corrèze pour ne pas licencier les gens au moment où Jacques Chirac se présentait à une élection ; une fois l’élection passée, les gens étaient mis à la porte, mais entre temps, François Pinault avait permis l’élection de Jacques Chirac. C’est une histoire bien connue et qui s’est souvent répétée pour d’autres nouveaux riches.

Ceux-là sont dans la distribution, mais pas dans l’industrie, dans la science ni dans la production de bien réels. C’est une Bretagne qui joue à fond la carte d’un modèle féodal modernisé. Il faut bien comprendre ce que ça peut avoir d’attirant dans une population qui a été en partie abandonnée par Paris, et qui a toujours une fibre bretonne opposée au reste ; à cause de la mer, à cause de la langue, à cause d’une tradition. A cause de la misère passée : quand on voit que Paris a imposé le personnage de Bécassine, c’est quand même dégoûtant : elle n’a pas de bouche ! La Bretagne n’avait pas droit à la parole.

Maintenant, je vais essayer de vous expliquer comment s’est organisée la Bretagne, mais ayez bien en tête ce qu’est le système de l’Empire britannique qui s’y est insinué : ce sont des banques et des établissements financiers, au centre du dispositif, organisant des partenariats public-privé dans l’économie, toujours en faveur des intérêts privés. On tient la nourriture et l’agro-alimentaire ainsi que tous les services, et à travers les gens qui travaillent dans les services, on créé une domesticité soumise.

Le Club des Trente

On joue à fond la carte du modèle féodal et celtique, en s’arrogeant une pseudo-culture qui justifie la mainmise financière. Vous avez, au cœur du dispositif, le Club des Trente. La paternité en revient à Jean-Pierre Le Roch, fondateur d’Intermarché, et Joseph Le Bihan, un patron passé par HEC, qui a parcouru le monde et qui s’est dit, sur le tard : « J’ai une dette à l’égard de la Bretagne. » Comme c’est beau ! Le Club a été fondé à Pontivy en 1989, avec, dès le départ, Yves Rocher. Ensuite, au cœur du dispositif, il y a l’Institut de Locarn. Ce sont les mêmes qui l’ont fondé le 28 septembre 1994, soit cinq ans après le Club des Trente, dans un ancien corps de ferme entre Guingamp et Carhaix. Et la diaspora, le Club de Bretagne, est organisée à Paris ; un tiers des membres du Club des Trente est membre du Club à Paris. Ça forme un tout. Puis s’ajoute Produit en Bretagne, qui est l’attrape-tout, l’extension commerciale, créée au début des années 90, avec ce logo jaune et bleu. Y cohabitent des industriels, mais surtout des distributeurs (encore une fois), des services, et la « création », c’est-à-dire la publicité et la communication. Cela représente 85 000 salariés, 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 170 entreprises. Ça pèse ! 2000 produits portent le logo jaune et bleu. L’on organise des événements culturels, ce qui est très important, parce qu’il s’agit de la pseudo-culture justifiant la mainmise financière. Il y a les feist , les Brest 2004, 2005, 2006 ; les opérations commerciales et médiatiques suivent derrière.

Que veut donc dire Club des Trente ? C’est très intéressant. Ses membres commémorent une bataille, le « combat des trente » du 27 mars 1351. C’est un combat épique qui s’est déroulé près du chêne de Mi-Voie, entre Ploërmel et Josselin. Les deux camps qui s’affrontaient avaient décidé, en bons féodaux, qu’au lieu de se battre tous contre tous, ils choisiraient trente chevaliers dans chaque camp. Et le Club des Trente se prétend l’héritier de ces trente chevaliers bretons – ou prétendus tels –, dans cette bataille où tout le monde cherchait à s’emparer de butin et de territoires ; il n’y avait aucune cause nationale là-dedans.

D’un côté, on a donc le parti de Blois, composé presque en totalité de Bretons ; c’est Jean de Beaumanoir. De l’autre, les « Anglais », présents en Bretagne ; parmi eux, il y a vingt Anglais, mais aussi six Bretons et quatre Allemands. La bagarre a lieu, les pertes sont de six morts d’un côté, neuf de l’autre – ce qui n’est pas une bien grande bataille. D’après la légende, le chef des Bretons, épuisé par la chaleur, le combat, le jeûne, demande à boire, et son compagnon Geoffroy du Boüays lui répond : « Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera ». Cette parole demeurera la devise des Beaumanoir. En fin de comptes, les Anglo-Bretons survivants se rendent pour que les autres puissent toucher le butin et leur en rétrocèdent une partie (ce sont les « rétrocommissions » de l’époque). Rien n’est réglé : les garnisons « anglaises » continueront à traiter la région en pays conquis, exploitant et rançonnant à tout va, l’autre côté n’étant guère plus respectueux des habitants. Voici donc l’histoire à laquelle se réfère ce Club des Trente, ce qui est quand même une référence oligarchique et féodale assez curieuse !

Vincent Bolloré

Le Club des Trente est un groupe restreint, comme les chevaliers de 1351. Ils ne sont pas trente, mais une soixantaine, dont Alain Glon, Vincent Bolloré, Le Calvez… Les patrons qui le composent répugnent à en parler. Le Club est devenu « un nouveau mythe », dit l’un de ses observateurs, un nouveau mythe de la puissance régionale. C’est vraiment un club de pirates féodaux : il n’a officiellement ni structure, ni statuts, ni compte en banque, ni siège. C’est comme un paradis fiscal pour ultra-riches. L’homme qui en est le plus révélateur, et sur lequel je voudrais m’appesantir un peu, c’est Vincent Bolloré, qui est aussi membre de l’Institut de Locarn et du Club de Bretagne à Paris. Vous vous rappelez certainement que c’est sur le yacht de Bolloré que Nicolas Sarkozy a fêté son élection ; et l’on voit la photo de Nicolas Sarkozy avec le drapeau de Malte, qui est une version méditerranéenne de l’Union Jack anglaise. Sur son yacht, flotte le drapeau maltais : c’est Bolloré dans la soupe internationale. Mais devant le siège social du groupe, qu’est-ce qu’il y a ? Le drapeau breton ! Car il est breton ! Je suis oiseau, voyez mes ailes… Je suis souris, vivent les rats ! Il est le mécène du prix de Bretagne, décerné par Patrick Poivre d’Arvor.

La saga familiale des Bolloré démarre en pleine Restauration, en 1822, dans une période qui n’est pas particulièrement éclairée. Vincent Bolloré, lui, a repris les papeteries Bolloré en 1981, d’où a commencé sa grande carrière. Il est manager de l’année en 1987 et peu à peu il va contrôler le fret sur le trafic aérien et maritime français. Son premier combat sera pour s’emparer de la SCAC (Société commerciale d’affrètement et de combustibles), parrainé par le grand homme du capitalisme français de l’époque, Antoine Bernheim, l’homme-clé de Lazard Frères. C’est toute la synarchie d’empire, l’Empire français version anglaise. De vrais indépendantistes bretons ! Il est vrai que pendant la guerre, Olivier Mordrelle avait demandé à Monsieur le chancelier Hitler de donner l’indépendance à la Bretagne… Mais Hitler préféra la France de Pétain. Il y a des bandes-dessinées bretonnes qui parlent de tout ça.

Quoi qu’il en soit, Bolloré s’empare de la SCAC avec l’aide de Bernheim. (Je vous rappelle que Bernheim a été fait Grand-Croix de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy…) Vous voyez qu’il y a une continuité. Après avoir pris la SCAC, il se dit : « Je vais maintenant prendre le transport » et il se jette sur Delmas-Vieljeux, qui est le premier armateur privé français, avec l’appui de Bernheim et du deuxième parrain du capitalisme français, Claude Bébéar. Bébéar, vous savez qu’il aime chasser le gros. Ce catholique social avait dans son bureau une grande peau de tigre. Il n’est pas breton, mais il aime beaucoup la Bretagne. Bolloré s’empare donc de Delmas-Vieljeux. Il prend des intérêts dans le bois, les produits agricoles en Afrique, et il possède un grand nombre de ports dans l’Afrique occidentale française – toujours l’Empire. Des ports, où l’on paye des droits d’entrée pour Bolloré…

Ensuite, dans les années 90, il veut posséder la banque Rivaud, qui est très importante : c’était la banque des sales coups du RPR. Cette banque, qui représente les intérêts de la France, est domiciliée à Vuanutu, paradis fiscal du Pacifique où on a pillé tout le phosphate et épuisé les sols. Il intègre ainsi ce type de conglomérat de forces dont je vous ai parlé au niveau international. Il prend la distribution et les services, puis les médias, avec Direct 8 (à la fois le journal et la télévision), et les sociétés de sécurité. Il est aidé en cela par Jean-Pierre Prouteau et Michel Roussin, qui lui est du côté catholique (il faut se couvrir des deux côtés), qui était le président du Medef Afrique et l’homme des renseignements pour Chirac, et qui est devenu vice-président du groupe Bolloré-Afrique depuis 1999. Tout cela avec le drapeau breton devant. Tour à tour, il emploie dans sa société le fils de Raymond Barre et celui de Michel Pébereau.

Pourquoi Bolloré a-t-il pu s’emparer d’intérêts en Afrique ? Parce que le FMI, pour que les pays puissent rembourser, a imposé des privatisations ; et les multinationales comme le groupe Bolloré viennent et ramassent tout ce qui se présente. Des pans entiers de l’économie productive africaine sont ainsi tombés entre les mains de Bolloré : eau, électricité, transports, voies ferrées, ports, plantations… Récemment, une affaire vient de passer en justice, en mars dernier, concernant Vincent Bolloré et ses activités au Cameroun. Bolloré a dans ce pays des plantations, des chemins de fer et la logistique portuaire ; il est attaqué par des syndicats, qui parlent de « Germinal sous les tropiques ». Les ouvriers se surnomment entre eux les « esclaves » et le directeur de la plantation reconnaît lui-même que les conditions de travail sont épouvantables. Bolloré détient la ligne de chemin de fer entre la capitale Yaoundé et le nord du Cameroun, qu’il a su rendre rentable en mettant à la porte la plupart du personnel. Voilà pour Bolloré le breton. Autant pour l’identité nationale bretonne !

Yves Guillemot, pdg d’Ubisoft.

Il y a une autre famille : les frères Guillemot. Ce sont les fondateurs d’Ubisoft, les jeux vidéos. Il y a Christian, qui est celui qui a parlé d’une Bretagne autonome, et devinez où il habite : à Londres, d’où il veille au développement des jeux pour téléphones mobiles. Et pour lui, cette Bretagne autonome a pour modèle la Bavière, la Catalogne et l’Ecosse. Il a fondé le groupe « Bretagne unie », dans l’idée de reprendre Nantes et la Loire-Atlantique. Ce qu’évidemment, Jean-Marc Ayrault, le maire de Nantes, ne voit pas d’un bon œil. Il y a aussi Yves Guillemot, qui tient le gouvernail d’Ubisoft. Il a produit « Assassin’s Creed », histoire en plusieurs épisodes au temps de la guerre des Hachichins, ces assassins qui tuaient en prenant du hachich et qui « défendaient leur pays » (en fait, leurs féodaux) ; ça se passe en Syrie, avec de beaux paysages pour séduire le public français. Il y a un autre jeu, qui se passe dans la Florence de la Renaissance, avec toutes sortes de violences… Et encore un autre – probablement quand il pense aux Bretons – qui s’appelle les « Lapins crétins ». Et pourquoi quand il pense aux Bretons ? Parce qu’il est pour la Bretagne, qu’il aime la Bretagne, qu’il finance le Club des Trente… Mais où implante-t-il ses entreprises ? C’est facile à deviner : à Montréal, d’abord, parce que c’est la grande capitale des jeux vidéos, mais aussi en Chine et en Roumanie. Et maintenant également en Inde. Quel vrai nationaliste breton ! Environ 65 % de ses implantations sont dans des pays à bas coûts, contre 25 % pour son rival américain Electronic Arts. Son nouveau jeu, pour les amateurs, s’appelle « Ruse ».

Après le Club des Trente, vous avez ce fameux Institut de Locarn, dont Joseph Le Bihan dit :

Une des vocations de Locarn est de servir de lieu de négociations neutre et discret où peuvent se rencontrer des personnalités économiques et politiques.

Quand on a fêté le dixième anniversaire de sa création, en septembre 2004, tout le beau monde politique breton était là : François Goulard, Pierre Méhaignerie, Le Drian, etc. Derrière, il y a les chefs d’entreprise et les décideurs économiques, qui font de la prospective : ils imaginent l’avenir. Des gens comme Alain Glon, Pierre-Yves Legris, Jean-Jacques Henaff (les pâtés Henaff) et tous les autres, qui sont généralement les mêmes qu’on trouve dans le Club de Bretagne à Paris. Sur quoi travaillent-ils ? L’étude du « comportement des bretons dans la situation actuelle », c’est-à-dire qu’ils analysent comment on peut avoir une influence sur les gens, le partenariat public-privé, et la réflexion sur l’avenir en général. Et vous avez aussi des banques régionales et internationales. Le Crédit agricole, bien sûr, la Société générale. C’est vraiment ce groupe dirigeant de la City dont a parlé LaRouche – l’Inter-Alpha Group. Le Crédit agricole, c’est le suceur de roue de l’étape, comme on dit.

Après, vous avez le lien avec des grandes entreprises de matériel électronique et de télécoms ; et il y a un projet en cours entre l’Institut de Locarn et l’Académie Internationale de Cisco Systems. Si on se penche un peu sur Cisco Systems, on s’aperçoit que c’est implanté dans le monde, dans tous les réseaux liés à Internet ; c’est une entreprise très importante qui couronne et domine tout ça. Cisco Networking Académie, c’est l’établissement scolaire des réseaux informatiques pratiques et peu coûteux pour faciliter les échanges. Il y a un programme de formation aux technologies des réseaux Internet dans le monde entier, y compris en Chine, au Mexique et en France. Ils visent le marché de la reconversion professionnelle : l’adaptation à l’économie du futur. Ensuite, et encore moins bretonnant, vous avez dans cet Institut de Locarn tout un secteur où apparaissent le renseignement et la sécurité privatisée. On y voit apparaître quelqu’un que nous connaissons bien, et qui a été à la Rand Corporation aux Etats-Unis ainsi qu’au Hudson Institute, un certain Laurent Muraviec. Aujourd’hui décédé, il s’agit de quelqu’un qui a trahi notre mouvement pour passer dans le camp des néo-conservateurs américains. Comme par hasard, il s’est retrouvé là, en Bretagne !

Il y a une autre personne intéressante : Eric Denécé. C’est aussi un des consultants de l’Institut de Locarn, et il a créé une fondation de recherche et de renseignement. C’est l’homme qui a lancé le renseignement privé en France. Il a opéré aux côtés de la résistance anti-communiste en Birmanie, pour protéger les intérêts de Total contre la guérilla. Comique ! Et cet homme est l’un des conseillers de l’Institut de Locarn. Il est président du CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement), mais il est également – et là ça devient vraiment granguignolesque – président du comité d’éthique de Spyland, qui est le parc d’attraction consacré au monde des agents secrets qui verra le jour en 2012 à Saragosse, en Espagne, le grand pays où a été recyclé tout l’argent de la mafia dans l’immobilier en particulier et les trafiquants de drogue.

Alors, voici ce Denécé interrogé : « Pourquoi êtes-vous passé dans le renseignement privé ? » Il répond : « pour des raisons financières, et pour être plus dans l’action (…) En choisissant l’entreprise, j’ai opté pour un travail de terrain sur l’intelligence que je n’avais pas dans le public. » – « C’est-à-dire ? » lui demande le journaliste, de la revue L’Etudiant . « L’intelligence économique, c’est du renseignement au service des entreprises. Cela ne consiste pas simplement à faire de la veille sur Internet, mais plutôt à monter un réseau d’informateurs, recruter des agents, infiltrer, manipuler des sources, mettre en place des opérations de sécurité pour ne pas se faire piéger. C’est un métier d’experts en information, ou de conseil… un peu particulier. » « A quel moment êtes-vous dans l’illégalité ? », lui est-il demandé. « Quand on a recours aux pratiques de l’espionnage, effractions, écoutes, et fausses identités. Cela m’est arrivé à l’étranger, pour prévenir une agression délibérée avec vol de brevet ; mais le plus souvent, on a des résultats sans recourir à des moyens illégaux, par exemple en organisant de faux appels d’offre pour comprendre ce que fait la concurrence, en accompagnant une délégation, en envoyant des agents féminins… » « Utilisez-vous des gadgets ? » « Principalement des matériels d’écoute : un micro dans une montre, une caméra dissimulée dans le téléphone (ça, c’est le folklore)… On peut aussi pénétrer le central informatique d’un hôtel pour détourner les appels téléphoniques ou modifier un nom sur une réservation. » « Faut-il faire preuve de courage physique ? » « Non, on est un peu manipulateur, c’est tout. » Alors, il a créé un master en intelligence économique ; il a créé un diplôme privé d’études supérieures de management des agences de renseignements et de sécurité (M.A.R.S.), et qui sera proposé à la rentrée de septembre 2010 à Paris. Il dit : « Il faut faire en France des filières d’ Intelligence Studies, comme aux Etats-Unis, ou comme en Grande-Bretagne des chaires d’enseignement du renseignement, comme c’est le cas à Cambridge. Il faut faire ça en France : le renseignement y est une matière trop peu enseignée. » Vous voyez le type de climat qui règne dans cet Institut de Locarn…

Pour décerner leur prix, le Club des Trente a pour partenaire le PricewaterhouseCoopers (PWC) : c’est la société internationale pour laquelle travaille Jean-François Copé ; ils lui donnent de l’argent, parce qu’il a un agenda qu’ils peuvent utiliser. C’est un cabinet d’audit, de conseil et d’expertise comptable. Plus de 155 000 personnes travaillent en réseau dans 153 pays, et en France 3800 personnes dans 25 bureaux. C’est probablement ce qu’on appelle l’autonomie bretonne. C’est né en 1998 des fusions successives des acteurs anglo-saxons historiques du secteur : Price Waterhouse et Coopers & Lybrand. Au niveau mondial, c’est le plus important des « Big Four », les quatre plus grandes sociétés d’audit et un bastion de la City. L’autre conseiller du Club des Trente, c’est Brandford-Griffith & Associés, avec Henri Brandford-Griffith, qui est avocat associé à Paris – 9 rue des Pyramides – expert du droit boursier, des fusions acquisitions, des marchés des capitaux, du droit financier, des Private Equity, du contentieux et de l’arbitrage.

Pêcheurs de l’île de Sein, maquis de St Marcel... La Bretagne était au premier rang pour défendre la République !

La campagne contre Maëlle Mercier à Brest

Maëlle Mercier, tête de liste S&P dans le Finistère, lors de son interview sur Tébéo le 3 mars 2010 (cliquez sur l’image pour voir la vidéo).

Notre candidate tête de liste dans le Finistère a été attaquée sur une chaîne de télévision qui s’appelle Tébéo . Cette chaîne est née en décembre 2009, et elle appartient à un réseau : 40 % du Télégramme de Brest , 7,5% du Crédit mutuel, du Crédit agricole et de la Caisse des dépôts et 20 % d’une vingtaine de patrons d’entreprises finistériens emmenés par Jacques Verlingue, qui est l’actuel président du Club des Trente et un homme de Pinault. Le maire de Brest, qui est socialiste et qui gouverne avec toute la gauche, les Verts et l’UDG, a apporté son soutien à la naissance de Tébéo  ; mais c’est surtout la Mairie divers-droite de Morlaix qui a investi 50 000 euros. Jacques Verlingue se félicite de Tébéo  :

C’est extraordinaire ! Voilà les vingt acteurs économiques majeurs du département qui ont leur télévision. Nous avons aperçu tout de suite l’intérêt de nous associer à la démarche du Télégramme , avec d’autres entreprises du département.

Et il a bien raison, parce que les patrons ne sont pas oubliés : il y a une émission consacrée à l’économie – celle que je vous ai décrite, la financière, par la vraie – et aux entreprises : Eco & Co, qui est déjà dédiée à ces patrons bretons. « Et évidemment, on remarquera, dit un auteur, que parmi les domaines dignes d’être promus par Tébéo , ne figurent jamais la question sociale, le travail, la recherche d’un emploi, la formation des jeunes et des adultes. » Hubert Coudurier qui est le président de Tébéo , et tous ces gens qui dirigent Le Télégramme , se sont déchaînés contre Maëlle Mercier. Pourquoi ? Est-ce à cause de Maëlle Mercier elle-même, ou de tel ou tel élément concernant la Bretagne ? Non. C’est parce que tout à coup apparaît quelque chose qu’ils n’ont pas identifié, un OVNI, comme lorsque je suis moi-même apparu en 1995 dans l’élection présidentielle, et qui parle de centrale nucléaire de quatrième génération, du développement intégré de la Bretagne avec l’aérotrain, contre les éoliennes, dont tout le monde bénéficie ici grâce aux subventions absurdes. Les éoliennes, c’est un business dont l’argent est partagé entre les dix principales villes de Bretagne, les quatre conseils généraux et le conseil régional. Tous défendent donc la politique des éoliennes.

Apparaît alors quelque chose qui défend l’économie physique : Maëlle Mercier. C’est le projet absolument opposé à ces gens-là. Et, ce qui aggrave le tout, nous essayons de susciter la tradition des abbés démocrates bretons, et de tout ce qui en Bretagne, avec les paysans travailleurs de Bernard Lambert, en leur temps, avec la JAC (Jeunesse agricole catholique), qui avait reçu l’empreinte du socialisme chrétien breton, et avec les gens qui n’était pas des socialistes chrétiens mais qui se sont retrouvés au sein du PSU en conjonction avec ça, comme Tanguy Prigent dans le Trégor et Le Foll à Saint-Brieuc. Nous ramenons cet esprit-là, ce qu’ils n’aiment pas beaucoup. Et ils disent sans doute : « Monsieur Denécé, vous allez devoir travailler à domicile… » Nous ne représentons pas pour eux un danger physique, mais un danger d’idées, de développement de certaines idées. Et comme ils savent qu’il existe en Bretagne une réceptivité pour ces idées, ils veulent à tout prix empêcher que cela rentre. Donc, plutôt de parler de nos ennemis en Bretagne, on devrait dire que ce sont eux qui pensent que nous sommes leurs ennemis…

Cette tradition, en Bretagne, est celle des abbés démocrates. L’abbé Bridel, avec sa statue à Fougères : « La classe ouvrière reconnaissante »  ; l’abbé Trochu, qui a fondé Ouest-Eclair , la matrice de Ouest-France . L’agitateur politique des années trente, Henri Dorgères, les avait appelés « les poissons rouges dans le bénitier » . Et nous, nous sommes héritiers de ça, et nous rencontrons là quelque chose qui est cohérent avec notre bataille en Bretagne. Il faut dire que toute la synarchie, avec la famille de Le Roy-Ladurie en Bretagne et la banque Worms – qui était la banque de façade de la synarchie – a financé le mouvement de Dorgères pour égarer la colère paysanne en Bretagne. Alors, s’il se trouve des gens comme nous qui ne les égarons pas, avec le programme que nous avons, ils n’aiment pas ça du tout. Comprenez bien que pour ces gens-là, la Bretagne n’est qu’une plate-forme à partir de laquelle ils opèrent… Mais les vrais Bretons, ça a été tout le vivier résistant. Et vous devez savoir que la seule ville de Douarnenez, pendant la guerre, a fourni à la France Libre autant d’engagés que Lyon, Marseille et Toulouse réunies. Voilà notre référence, alors que pour nos adversaires, la Bretagne est conçue comme un centre offshore de piraterie financière.