Brèves

Après le sommet de l’UE, la vraie mission de la France et de l’Europe

lundi 2 juillet 2012, par Jacques Cheminade


par Jacques Cheminade

Le climat officiel en Europe porte à se satisfaire de l’autodestruction. La manière dont les résultats du sommet européen des 28 et 29 juin viennent d’être salués par les autorités et la grande presse en témoigne. Le renflouement des grandes banques, qui seront directement recapitalisées au détriment de l’intérêt des peuples, l’esbroufe d’un pacte de croissance qui n’en est pas un et l’adoption qui suivra d’un pacte budgétaire imposant l’austérité économique et sociale sont présentés comme un succès. Comme si on se félicitait que la maison continue à brûler en espérant que les mesures décidées empêchent le feu de se propager trop vite. Le monde de la finance l’a provisoirement emporté, à visage découvert.

Il ne faut ni en rire ni en pleurer. Il faut en sortir.

C’est pourquoi nous présentons ce rapport pour « un miracle économique de l’Europe méridionale, de la région méditerranéenne et de l’Afrique ». Il fournit les repères d’une politique qui rétablit la priorité absolue d’un développement mutuel harmonieux pour équiper l’homme et la nature, sur le remboursement des dettes illégitimes et le gel des grands projets.

L’Europe de Maastricht et de l’euro a choisi la voie opposée à la nôtre, et elle est en train d’en mourir. Sa mort est devenue fatale, car elle sape les fondements de son propre développement. Nous ne voulons pas mourir avec elle. Et nous sommes convaincus que le signe de vie économique et politique sera donné par l’accès au développement et à la justice de ceux à qui on a imposé le plus de souffrances, d’Athènes au Caire, de Sofia à Madrid et de N’djamena à Kinshasa.

Notre vision n’est pas celle d’un espace méditerranéen en soi ; au contraire, nous le pensons comme un élément fondamental d’un espace de développement à l’échelle de toute notre planète, relié tout particulièrement à une Eurasie allant de l’Atlantique à la Mer de Chine.

Rêve, diront les pragmatiques. Projets pharaoniques, reprendront en chœur tous ceux qui ont l’esprit pratique. Cependant, à un moment de l’histoire où, dans notre système de pillage financier organisé, l’esprit pratique et le pragmatisme mènent à une mort certaine, il est permis de les rejeter.

I. Refonder l’Europe

Ce que l’on nous présente aujourd’hui sous le nom d’Europe n’a rien à voir avec ce que nous avons apporté et pouvons encore apporter de meilleur au monde. Il ne s’agit que de la gestion d’une spirale sans fin d’endettement et d’une institutionnalisation de l’abandon du bien commun et des générations futures. Pour le dire crûment, l’acceptation d’une politique qui suppose une dépopulation faute de créer les moyens de développer l’économie. Les courtiers, les banquiers d’affaires et les traders de la City, avec leurs collègues de notre continent et les lobbyistes parasites de Bruxelles qui écrivent les textes qu’adopte une Commission composée de juristes ou d’économistes venus des mêmes milieux, dansent autour du veau d’or comme au cours des années trente. Les politiques qu’ils proposent et imposent sont celles des Brüning et des Laval d’alors, dopées aujourd’hui par une émission de monnaie à la vitesse de la lumière. On en a mesuré les conséquences après 1933. Si nous continuons dans cette voie, elles seront pires aujourd’hui car elles seront mondiales.

Il ne s’agit même pas de notre propre intérêt, à nous autres Français ou Allemands. Car ce que nous faisons ou laissons faire aux autres se retournera contre nous. L’Allemagne, qui paraît si forte de ses exportations, tout en imposant une politique de précarité organisée à près de la moitié de ses travailleurs, ne pourra pas survivre à la perte de ses clients ruinés. Et si nous adoptons la politique de mutualisation généralisée des dettes par l’émission de monnaie à tout va, que prônent MM. Hollande et Ayrault, nous irons vers une hyperinflation avec les mêmes effets dévastateurs que celle de 1923 en Allemagne.

L’Europe, la vraie, consiste donc à constater la faillite du système de Maastricht, des pactes d’austérité et d’un euro monnaie financière, pour adopter deux principes : l’assainissement financier et une politique de crédit public pour financer des plateformes de développement permettant la reconstruction et l’essor économique. Assainir, cela signifie couper les banques en deux et cesser de renflouer celles qui spéculent ; émettre du crédit public, cela signifie parier sur l’avenir en fournissant aux générations futures les moyens de vivre.

II. Redonner un sens à ce qu’est une économie humaine

L’économie se définit par la capacité à assurer la vie de plus d’êtres humains, occupant des emplois qualifiés et capables de mettre en œuvre les technologies les plus avancées de leur temps. Ce n’est pas acheter bon marché, revendre plus cher et faire l’addition des « plusvalues » financières pour établir un « Produit national brut ».

L’idée de densité est fondamentale : densité du flux d’énergie permettant de produire plus et mieux avec moins d’efforts physiques et moins d’êtres humains, moins de surface occupée et moins de matière apportée. C’est ce qui permet d’assurer la survie à long terme de l’humanité à un niveau qui s’élève de génération en génération. C’est toute l’histoire de la mise en valeur de notre écoumène ! C’est le secret du « miracle » !

Dans cette démarche, la création de plateformes de développement constitue la piste de décollage : infrastructure physique (eau, énergie, transports à grande vitesse…), infrastructure humaine (éducation, santé, recherche, développement, innovation…) et circulation des biens et des idées. Cette « circulation » ne peut avoir lieu que par des corridors prioritaires de développement, dont nous proposons la coordination à l’échelle de tout notre projet, comme autant de contributions à un ensemble « vivant ».

La combinaison du dessalement de l’eau de mer, grâce à l’apport d’énergie fournie en tant que de besoin par des réacteurs nucléaires de quatrième génération, de la remise en eau d’espaces comme le lac Tchad, les chotts tunisiens et algériens et la dépression de Qattara, permettant de créer de grands ensembles agro-industriels, et le développement d’axes de transport à grande vitesse constituent les éléments de ces plateformes de vie future. Sans elles, ces pays ne parviendront même pas à se nourrir, comme la Grèce, l’Egypte et l’Algérie, qui importent actuellement entre 40% et 70% de la nourriture qu’ils consomment.

Pour conclure, à tous ceux qui nous répèteront qu’il n’y a pas d’argent pour le faire, nous répondrons que dans le système actuel, on émet bien des milliers de milliards pour renflouer les banques, directement ou indirectement. Alors ? Alors, la différence est que nous devrons émettre de l’argent pour la vie future des peuples. Revenons à l’Europe. C’est ce que nous ne faisons pas aujourd’hui. Ce fut pourtant le miracle de l’après-guerre : sans épargne ni rente, avec du crédit et les fonds du plan Marshall, notre esprit créateur a permis notre reconstruction et des taux de croissance qui aujourd’hui font rougir tout le monde, excepté les Chinois. Alors, qu’attendons-nous pour appliquer notre recette, qui fut précédemment celle de Roosevelt aux Etats-Unis ? Cette fois, la Méditerranée et l’Afrique sont la pierre de touche de notre identité et de notre survie. Personne ne peut rejeter ce défi. Voilà la source d’un nouvel enthousiasme !