Déclaration de Jacques Cheminade

Syrie : pas de paix sans développement économique mutuel

mercredi 8 février 2012, par Jacques Cheminade

Déclaration de Jacques Cheminade


Paris, le 7 février 2012 — La nuit du 4 au 5 février, lorsqu’une nouvelle résolution contre la Syrie a été déposée au Conseil de sécurité des Nations unies, pouvant conduire par enchaînement à un conflit mondial, y compris thermonucléaire, la Chine et la Russie ont eu la clairvoyance d’opposer leurs vétos. Les principaux dirigeants occidentaux ont violemment dénoncé cette position, cédant à la géopolitique anglo-américaine visant à attiser les braises du conflit.

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, en particulier, ont ainsi enterré l’exception française en matière de politique étrangère, qui avait survécu tant bien que mal jusqu’à la guerre contre l’Irak en 2003. Ils ont aligné la France sur une manœuvre visant à remplacer un régime dont le caractère anti-démocratique aurait pu être remarqué plus tôt, par les éléments les plus arriérés de cette région, associés au Qatar et à l’Arabie Saoudite.

Ainsi, Alain Juppé, qui avait abandonné le colbertisme dans les années 1980 et trahi l’alliance traditionnelle du gaullisme avec le peuple français avec sa réforme de la santé en 1995, finit par trahir à chaud la politique gaulliste de « paix par le développement » des peuples. Car rien n’a été proposé ni fait pour développer réellement l’Asie du Sud-ouest et la Syrie, tout comme rien n’a été fait en ce sens vis-à-vis de la Libye et de la Tunisie.

J’appelle pour ma part à l’arrêt immédiat de l’offensive économique et militaire menée par l’OTAN et par ses alliés au Proche-Orient contre la Syrie et l’Iran. Je demande l’arrêt immédiat de toute la montée en puissance des forces aéronavales et terrestres, américaines, britanniques et françaises en cours dans le Golfe d’Oman, le Golfe Persique et l’Océan indien, en préparation à des interventions armées contre ces pays. Ceux qui prétendent ne pas vouloir des interventions armées mais imposent des sanctions frappant d’abord les peuples ne sont que la face hypocrite d’un même tout.

Notre horizon de paix doit être celui d’une alliance de nations de l’Atlantique à la Mer de Chine, en vue de grands projets d’intérêt commun. Dimitri Rogozine, a proposé aux membres de l’OTAN, en octobre 2011 – alors qu’il était toujours ambassadeur russe auprès de l’OTAN – le lancement conjoint d’une Initiative de défense terrestre, ayant pour but de défendre tous les pays contre des tirs de missiles, ainsi que contre des météorites pouvant menacer la Terre. Depuis, d’autres propositions russes du même type ont été faites dans une tentative d’éviter toute escalade militaire. Vladimir Popovkine de Roskosmos, l’agence spatiale russe, propose une collaboration russo-américaine, avec 9 autres agences spatiales, pour la création d’une base lunaire, et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Igor Ivanov, invite Russes et Américains à une initiative conjointe d’exploration et d’aménagement de l’Arctique.

C’est seulement en mettant nos ressources en commun pour faire face aux grands défis de l’humanité que nous pourrons éviter, dans cette crise, l’escalade vers la guerre. Viser de l’extérieur à un changement de régime ne peut conduire qu’à un désastre sous des apparences humanitaires. Laisser dégénérer une situation jusqu’à ce qu’un territoire devienne un champ de bataille et proposer d’intervenir ensuite n’est qu’une version moderne de l’impérialisme britannique du XIXe siècle.

Il ne peut y avoir de paix sans développement économique mutuel, et c’est ce dont la France devrait être inlassablement instigatrice et catalyseur.