Editoriaux

Paupières cousues

mercredi 8 février 2012, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


J’ai ici recours à une image forte car le milieu parisien, imprégné par le culte de l’avoir et ayant constitué cette oligarchie des incapables qui a mis notre pays sous tutelle des marchés, ne veut rien voir de ce qui se passe dans son propre pays. Imbue d’elle-même, inconsciente d’être l’émanation de la mondialisation financière, convaincue qu’il est inconcevable de changer de système, cette oligarchie se croit en mesure de dominer les êtres humains en flattant leur désir de posséder et en tourmentant leurs anxiétés. Comme les animaux qui délimitent leur territoire, elle pense que rien ne peut se passer hors de son contrôle.

Cela est apparu de manière caricaturale dans le débat sur les « parrainages ». Comment se fait-il, disaient-ils tous, que ce « parfait inconnu » qu’est Jacques Cheminade ait obtenu 500 promesses, alors que Marine Le Pen n’y parvient pas et que les très honorables Boutin, Villepin et Morin sont encore plus loin du but ? Ne serait-il pas temps d’ôter ce pouvoir aux « notables » que seraient les maires, comme le dit M. Mélenchon, qui a été, lui, ministre et sénateur ?

Aucun ne pense un instant à mettre en cause sa propre ignorance, paupières cousues et bouches incontinentes.

Tout d’abord, nos militants sont allés sur le terrain, et pas les autres. Ceux-là espéraient qu’une promotion médiatique et politique leur ouvrirait quasi automatiquement les portes des mairies. Les maires n’y ont pas été sensibles, pense l’oligarchie, ils ne sont donc pas à la hauteur et il faut les déposséder ou les contraindre. Les uns proposent de recourir plutôt à la signature de citoyens, 500 000 pour M. Carcassonne ou 1% du corps électoral, pour d’autres. Sans même se demander comment la validité de tant de signatures pourrait être contrôlée. D’autres veulent rendre la signature obligatoire, comme M. Miguet, ou anonyme, comme Mmes Le Pen et Boutin. Alors que les maires sont des hommes de caractère, capables d’assumer leur décision, et que les citoyens sont en droit de savoir ce que leur élu fait de son mandat.

En fait, ces gens-là conçoivent les maires comme des machines à signer et non comme des élus républicains responsables.

Nos militants et moi-même les avons respectés, contrairement aux autres, à l’exception des militants de Lutte ouvrière et, sur le tard, de Nicolas Dupont-Aignan. De plus, l’oligarchie des incapables n’a sans doute pas remarqué que les maires s’intéressent au monde. Beaucoup des représentants de cette oligarchie, médiatiques ou autres, m’ont dit : « Vous n’allez pas nous faire croire que les maires ont signé parce que vous leur avez parlé des banques et du crédit public ? » Cela montre l’estime dans laquelle ils les tiennent. Cette oligarchie n’a pas non plus pris conscience que dès 1995, j’avais annoncé qu’un « cancer financier », comme je l’appelais alors, allait développer ses métastases en une dizaine d’années, menant à une désintégration financière généralisée et à un saccage social. Les incapables se sont cousu les paupières et n’ont pas pris en compte l’existence d’internet ni du dialogue que nous poursuivons avec les maires depuis plus de quinze ans.

Cette oligarchie ne sait plus ce qui se passe dans son propre pays et ne voit pas que derrière son masque, il y a les établissements financiers du monde. Lorsque même M. Beffa s’en prend à la City de Londres et que le Journal du Dimanche se fait l’agence de publicité de la famille Le Pen, c’est que le monde change et que recommence ce que Georges Bernanos appelait dans les années trente du XXe siècle « la grande peur des bien pensants ». Ils devraient plutôt se réveiller et redécouvrir ce que pratiquent tous les jours les maires : le respect d’autrui et la responsabilité.