L’écologie de l’anti-entropie : la vie sans limite

jeudi 24 novembre 2011

ou pourquoi la notion d’« équilibre naturel » est une grosse fraude...

La vie exprime une créativité, d’une manière particulière cependant. Alors que la créativité humaine est un acte volontaire, le progrès de la vie s’opère au cours du processus de l’évolution : de nouveaux organismes émergent, avec de nouveaux systèmes biologiques à plus haute densité de flux d’énergie, et ceux qui ne peuvent accompagner le nouveau système plus énergétique s’éteignent.

Le cas de « l’extinction de masse » la plus récente est une leçon pour l’humanité : pour continuer à exister, nous devons continuer de progresser. Il n’y a pas d’alternative, pas même dans la nature.

Cette video a été produite par l’équipe scientifique du LaRouche PAC, et traduite par Solidarité & Progrès.

Transcription :

La grande majorité des êtres ayant vécu sur cette planète durant les quelques milliards d’années d’évolution du vivant, se sont toutes éteintes et ne sont, pour 98 % d’entre elles, jamais réapparues.

Bien que ce sort paraisse à première vue quelque peu cruel, il ne fut pourtant pas vain. Le développement de la vie dans la galaxie a toujours été le résultat d’une succession d’états d’accroissement de densité de flux d’énergie, aussi bien dans les organismes vivants pris individuellement que dans la biosphère prise comme un tout ; chaque nouvelle étape conférant à la vie un pouvoir accru d’étendre son domaine d’action, mais dépendant pour cela de certaines conditions préalablement créées par l’activité de la vie elle-même. C’est l’émergence de chacune de ces nouvelles étapes et l’élimination de la précédente qui caractérisent ces grands massacres que nous appelons extinctions de masse.

Il n’y a donc pas d’équilibre dans la nature – il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais. Car pour la vie, comme pour l’univers en général, il n’y a qu’un processus, celui de l’anti-entropie.

Sur tous les continents comme dans les océans, la vie dépend essentiellement, en dernière analyse, de la photosynthèse. Pour mieux comprendre, voyons ce cas général :

Prenons pour base un grand champ produisant 1000 tonnes d’herbe, quantité suffisante pour nourrir une population de 27 millions de sauterelles pendant un an. Ces 27 millions de sauterelles suffisent à leur tour pour subvenir aux besoins de 90 000 grenouilles. Ces 90 000 grenouilles peuvent alors alimenter 300 truites, permettant à leur tour de nourrir une seule personne pendant un an.

Voici une version très simplifiée de cette pyramide représentant l’activité requise pour subvenir aux besoins des formes de vies les plus élevées. Sur tout ceci, nous pouvons trouver dans les études écologiques habituelles, faisant généralement appel à des données thermodynamiques, les données sur la circulation de ce qu’on appelle la matière biologique ou biomasse entre les différents types d’organismes vivants au sein de ce processus.

Premièrement, pour toute quantité donnée de nourriture consommée, seul un certain pourcentage est en réalité absorbé par l’organisme, le reste étant éliminé sous forme de déchet. Mais ignorons pour le moment les déchets. Nous constatons aussi qu’un certain pourcentage seulement de la nourriture absorbée se trouve alors incorporée dans la nouvelle biomasse formant le corps de l’organisme, tandis que le reste est utilisé pour son métabolisme. Mais la performance de différents organismes sera différente sur ce point.

Les vertébrés à sang chaud, les oiseaux et les mammifères ne convertiront en moyenne que 1 à 3 % de la nourriture absorbée en nouvelle biomasse, tandis que le reste servira, du fait de leurs besoins métaboliques très élevés (notamment pour maintenir la température constante du corps), à conserver la vie même de cette biomasse. Les vertébrés à sang froid, les reptiles et les amphibiens, ont des besoins métaboliques beaucoup plus faibles, ce qui signifie qu’il leur faut moins de nourriture pour maintenir leur corps et qu’un plus grand pourcentage, de l’ordre de 10 à 25 % de cette nourriture, est transformé en nouvelle biomasse.

Que nous indiquent ces différents rapports ? Les chiffres semblent suggérer qu’au cours de l’évolution, depuis les insectes jusqu’aux mammifères, en passant par les amphibiens et les reptiles, la vie animale est devenue de moins en moins efficace. Mais en réalité, toutes les biomasses ne se valent pas. La différence quantitative dans l’utilisation de l’énergie entre les différentes classes d’organismes vertébrés reflète d’importants changements qualitatifs de l’ensemble de la biosphère au cours de l’évolution du temps géologique.

Revenons à la pyramide du vivant, avec sa large base nécessaire pour subvenir aux besoins des organismes vivants les plus avancés, et considérons son sommet comme exprimant généralement le potentiel de la biosphère à maintenir ces formes de vies supérieures.

Prenons du recul pour examiner les étapes de développement de la vie des vertébrés sur Terre à partir des fossiles.

La première forme fut celle des amphibiens qui prédominèrent sur Terre pendant près de 100 millions d’années. Les premiers spécimens de ces vertébrés avaient bien peu à voir avec ceux que vous trouvez aujourd’hui dans votre jardin. Beaucoup évoluèrent sous forme d’énormes alligators pouvant atteindre, pour les plus grands, jusqu’à neuf mètres ! Ils dominaient en leur temps les océans, les rivières et les côtes aussi loin que cela leur était possible.

Durant l’extinction de masse, à la fin du Permien, le règne amphibien fut alors remplacé par celui des reptiles, qui, bien qu’existant auparavant, ne domina totalement que durant la période qui suivit la disparition massive des amphibiens.

Enfin, l’ère mésozoïque des reptiles, qui connut différentes phases jusqu’au règne des dinosaures, prit fin lors de la fameuse extinction du Crétacé Tertiaire ou extinction K-T (de l’allemand Kreide-Tertiär), après quoi les mammifères commencèrent leur domination qui s’étend encore aujourd’hui.

Réfléchissez une fois de plus à ce problème de densité énergétique chez ces classes d’animaux qui se sont succédé, régnant les unes après les autres. Plutôt que de considérer un organisme vivant simplement du point de vue direct de vos perceptions sensorielles, imaginez les processus réels qui l’engendrent et l’alimentent.

Il y a premièrement la respiration : l’inhalation d’un composant et l’exhalation d’un autre assurent un échange continu de matière entre l’intérieur et l’extérieur de l’organisme. Considérez ensuite, comme faisant partie d’un processus similaire, la consommation de nourriture et d’eau et les excrétions. On finit par « voir » que tout organisme vivant se caractérise par un échange continu avec la biosphère. En prenant du recul par rapport au témoignage des sens, on en vient à considérer chaque organisme, non plus comme un objet discret, mais bien comme une singularité au sein d’un flux continu : de même que le tourbillon n’existe qu’en tant que flux d’eau continu.

En d’autres termes, l’énergie métabolique d’un organisme individuel est en réalité le reflet de l’énergie biogéochimique de l’ensemble de son environnent.

Les amphibiens ont en moyenne un métabolisme plus faible comparé à celui des reptiles de même taille, ce qui signifie que les reptiles ont en réalité besoin de plus de nourriture et d’oxygène pour maintenir leur activité. En comparant alors les reptiles avec les mammifères, on constate que les mammifères ont en moyenne un métabolisme environ dix fois supérieur à celui des reptiles.

C’est le minimum que nous savons des différentes classes de ces espèces vivant encore aujourd’hui. Cependant le débat est encore houleux quant à déterminer le véritable métabolisme des dinosaures. Des preuves physiologiques fournies par leurs fossiles, ainsi que le taux d’isotopes dépendant de la température trouvés dans leurs os et leurs dents, indiqueraient un certain degré d’autorégulation de la température, mais probablement pas aussi important que celui des oiseaux et des mammifères actuels. Les meilleures estimations classeraient le métabolisme des dinosaures quelque part entre celui des reptiles et celui des mammifères.

Bien que l’on ne puisse mesurer avec exactitude le métabolisme de ces créatures ayant vécu il y a dix, voire même cent millions d’années, ce que nous obtenons, à la fois des échantillons de leurs fossiles et de leurs descendants encore en vie, suffit pour affirmer que chaque stade successif dans l’histoire de l’évolution est en fait l’expression d’une augmentation du niveau de densité de flux d’énergie au sein même de ces organismes.

Cependant, cela implique bien plus qu’un simple bilan quantitatif des besoins énergétiques.

Les systèmes vivants successifs mettent clairement en évidence des transformations qualitatives dans leur relation avec leur milieu environnant.

Les amphibiens étaient très étroitement liés au milieu aquatique. Leur pénétration dans des terres même modérément sèches était limitée par leur peau humide et leur mode de reproduction. Ils pondaient leurs oeufs dans l’eau, d’où naissaient des organismes exclusivement adaptés au milieu aquatique et traversant tout un cycle de métamorphose dans l’eau avant de pouvoir s’aventurer sur la terre ferme.

Avec les reptiles, ayant des besoins métaboliques plus importants, apparurent les premières pontes d’œufs sur la terre ferme. Leur peau étanche leur permit de s’aventurer plus loin dans les terres. Cependant leur métabolisme à sang froid les rendait encore totalement dépendants de leur environnement et leur activité diminuait alors avec la température.

Très probablement avec l’arrivée des dinosaures, et plus clairement encore avec celle des mammifères et des oiseaux, les organismes à sang chaud purent se libérer des contraintes environnementales, en réussissant à maintenir, même dans des climats plus froids, un fort degré d’activité.

Et enfin, chez les mammifères, le degré plus élevé d’activité métabolique leur permit de subvenir aux besoins d’un cerveau de plus grosse taille et d’une activité métabolique cérébrale généralement plus importante.

Que fallait-il alors pour alimenter cette nouvelle transformation de la relation de la vie à son environnement ?

Prenez par exemple l’extinction de masse la plus récente, l’extinction K-T, il y a 65 millions d’années.

Ce ne fut pas uniquement le remplacement des dinosaures par les mammifères, mais bien plutôt une transformation globale de tout le système vivant.

Nous le constatons de manière plus significative en partant de la base de la chaîne alimentaire.

Au temps des dinosaures, la vie végétale terrestre était dominée par les gymnospermes. Ces plantes apportèrent les premières graines sur terre, mais ne portaient ni fleurs ni fruits. Leurs feuilles offraient un apport nutritif très limité car elles contenaient souvent des taux élevés d’éléments chimiques indigestes et de résine. Ainsi, les dinosaures herbivores devaient-ils non seulement en manger en grande quantité pour leur apport énergétique, mais aussi consacrer une plus grande part de leur activité métabolique pour digérer cette nourriture pauvre en nutriments. La taille exceptionnellement petite du cerveau chez les dinosaures les plus anciens n’est donc pas surprenante, compte tenu de la forte demande en énergie que requerrait leur digestion, laissant peu de place au développement de cerveaux plus volumineux, gourmands en énergie.

Au moment du passage K-T du Crétacé au Tertiaire, apparurent de nouvelles formes végétales appelées angiospermes. Leur implantation sur la terre ferme créa opportunément les conditions nécessaires pour les besoins métaboliques plus élevés de la classe des mammifères. Les angiospermes, non seulement produisaient des feuilles plus nutritives, mais furent aussi les premières plantes à produire des noix et des fruits, plus riches énergétiquement, indispensables pour subvenir aux besoins de l’activité plus intense des oiseaux et des mammifères, et de leur système cérébral.

Plus intéressant encore, cette transition apparaît aussi nettement lorsque l’on étudie ce qui arriva dans les océans. Les principaux organismes photosynthétiques se transformèrent en effet durant la même période. Contrairement aux plantes poussant en terre ferme, la majeure partie de la photosynthèse dans les océans est réalisée par de petits organismes unicellulaires appelés phytoplanctons. Croyez-le ou non, ils produisent autant de matière vivante que les plantes continentales.

En fin de compte, la plus grande partie de la vie dans les océans, pieuvres et autres octopodes, poissons, requins ou baleines, dépend de l’activité de ces petits organismes unicellulaires.

En même temps que les cyanobactéries présentes depuis fort longtemps, la photosynthèse océanique du temps des dinosaures était principalement due à deux types spécifiques de phytoplanctons, les coccolithophoridés et les dynophytes.

Au changement K-T, un long déclin débuta pour ces deux types d’organismes, et une nouvelle forme de phytoplancton, les diatomées, déjà présente auparavant, finit par dominer les océans. Ce qui provoqua un changement complet de la faune océanique et la formation de nouvelles formes de vie, plus diversifiées, avec une consommation énergétique beaucoup plus importante en moyenne.

Soutenue par cette activité photosynthétique plus avancée, tant dans les océans que sur les continents, les organismes vertébrés se transformèrent parallèlement.

En eau douce comme dans les océans, les formes vivantes apparentées à la famille des requins qui dominèrent l’ère mésozoïque furent remplacées au K-T par les poissons plus récents qui nous sont aujourd’hui familiers, tandis que sur les continents, les mammifères débutaient leur règne planétaire après la fameuse extinction des dinosaures, il y a 65 millions d’années.

Depuis toujours, l’évolution de la biosphère est un processus créatif, « demandant » constamment que se réalisent des sauts technologiques supérieurs en terme de densité de flux d’énergie. Des espèces dotées de nouvelles caractéristiques biologiques émergèrent alors de ces sauts, mais jusqu’à présent aucune n’a fait preuve de la capacité à modifier volontairement son comportement en vue de répondre à ce processus de changement. Au gré de l’évolution, les espèces émergent et disparaissent, pour ne plus réapparaître, pour la plupart d’entre elles. Au cours de ce processus, l’énergie biogéochimique de la biosphère augmente constamment, sans jamais régresser ni même stagner.

Ce processus créatif a pris la forme d’un processus « vectorisé », conduisant à l’émergence d’un plus grand pouvoir de créativité inhérent à l’univers, celui de l’humanité. Contrairement à toutes les périodes antérieures de l’histoire de l’évolution, nous avons atteint un point où l’évolution future de la biosphère dépend désormais de l’action volontaire de l’homme. Seul l’humanité a montré une capacité à redéfinir successivement sa propre relation avec l’univers, à travers ses découvertes et l’utilisation d’une densité de flux d’énergie toujours plus élevée, débouchant sur la création de plateformes économiques supérieures. Si nous refusons cette destinée, l’humanité s’éteindra comme se sont éteintes les autres espèces avant elle.

Dans ce développement en perpétuelle croissance de la biosphère et de l’univers en général, seule l’humanité a démontré cette capacité à assurer volontairement la continuité de ce processus, à être constamment créatrice, décidant ainsi de devenir une espèce immortelle.