Déclaration de Jacques Cheminade

Contrat de mandature PS-EELV : un désastre scientifique

jeudi 17 novembre 2011, par Jacques Cheminade

Paris, le 17 novembre 2011 — Le « contrat de mandature » que viennent de signer le Parti socialiste (PS) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) plonge la vie politique française dans un chantage destructeur : pour mettre fin aux années Sarkozy il faudrait adopter un modèle écologique vert qui mènerait à un désastre humain. Nous serions condamnés à choisir entre la peste et le choléra. Plus que jamais, dans ces conditions, ma candidature se justifie. Il est nécessaire en effet qu’une voix s’élève pour dire que la justice sociale et le développement réel de l’économie exigent le recours aux découvertes humaines les plus avancées et à leurs applications technologiques. Sans elles, le monde sera condamné à la politique de dépopulation explicitement voulue par l’oligarchie de la City, de Wall Street et de leurs collaborateurs européens et français.

L’absurdité de l’accord est si grande que le mariage d’une carpe et d’un lapin pourrait apparaître à côté comme un mariage de raison. En effet, voilà qu’on continue avec le nucléaire mais à dose réduite, passant de 75% de l’électricité produite aujourd’hui à 50% en 2025, que l’EPR de Penly serait abandonné alors que la construction de celui de Flamanville pourrait être poursuivie bien qu’ils soient de même nature et enfin que l’on engagerait « une reconversion à emploi constant de la filière de retraitement et de fabrication du MOX » tout en actant de ne pas s’y attaquer de fait avant 2017 et de maintenir les emplois afférents à Marcoule et à La Hague.

Le pire est cependant que le PS et EELV affirment « qu’aucun nouveau réacteur ne sera initié » (sic) et que l’ensemble du document laisse l’impression de se trouver face à de courageux Verts qui posent la question morale alors que les Socialistes sont sur la défensive pour des raisons de basse rentabilité financière.

En fait, la position de EELV est encore plus absurde et immorale que celle de leurs interlocuteurs : si le nucléaire était si dangereux pour les Français et pour l’humanité, serait-ce raisonnable de finasser sur son extinction ? Ne s’agirait-il pas d’un terrible crime d’accepter de garder cette source de poison pendant trente ans ? Philippe Poutou, le candidat du NPA, n’aurait-il pas encore plus raison et ne serait-il pas encore plus moral que Mme Duflot et M. Placé en voulant tout fermer en moins de dix ans ?

En fait, le plus absurde, et qui démontre que les signataires n’ont aucun sens de ce que sont la science et l’économie, est que tous deux veulent arrêter de fait un processus scientifique sans même s’apercevoir de la portée de leur geste. En effet, le défi n’est pas de continuer avec le vieux procédé Westinghouse ou de l’arrêter, mais de passer aux réacteurs de la quatrième génération (réacteurs HTR à haute température, surgénérateurs refroidis au gaz et réacteurs à sels fondus faisant appel au thorium) et de lancer un vaste programme sur la fusion thermonucléaire à laser. Le sujet n’est pas l’EPR ou le MOX, mais la physique nucléaire.

Elle ne doit pas être l’affaire d’écologistes incompétents, de nucléocrates assis sur leur technique, de socialistes opportunistes ou d’une droite se faisant le VRP d’un mode de production fini, mais de savants et de citoyens. Le droit à l’énergie est un droit au développement et à la vie qu’aujourd’hui seul peut apporter un nucléaire social et citoyen, celui des Curie, des Joliot et du groupe de l’Arcouest. C’est ce nucléaire-là que nous devons faire revivre, en le finançant par l’émission de crédit productif public, rendue possible grâce à la séparation des banques d’affaires d’une part, et des banques de dépôt et de crédit de l’autre, autour d’une Banque nationale donnant le la des projets.

Remarquons ici que Nicolas Sarkozy, défenseur attitré des banques d’affaires, refuse cette initiative, et que si l’accord PS-EELV envisage « la séparation des activités de dépôt/de financement de l’économie et des activités spéculatives  », il s’agit bien là d’activités se déroulant éventuellement sous le même toit et se prêtant à des pratiques incestueuses, et non de la séparation des établissements bancaires.

Disons donc pour conclure que le même art du compromis boiteux se trouve pratiqué aussi bien dans le domaine énergétique que dans celui de la décision fondamentale qui doit permettre de mettre hors d’état de nuire l’oligarchie financière. Il s’agit d’un compromis suicidaire, car nous sommes aujourd’hui au bord du gouffre économique et de la guerre. Un jeu de mots exact mais de mauvais goût consisterait à dire que dans tous les sens du terme il sent le sapin.