Editoriaux

Du crédit pour l’avenir

mercredi 5 octobre 2011, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


En 2010, entre juin et septembre, un débat s’est déroulé à l’Assemblée nationale sur la séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement. Cependant, les divers amendements alors déposés à ce sujet, notamment par le Groupe socialiste et les membres du Groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, ont été bien timides. Ils ne demandaient au gouvernement que de « remettre un rapport avant la fin de l’année » , comme si la situation tragique depuis 2008 n’imposait pas des mesures d’urgence. Plus grave encore, Pierre-Alain Muet, représentant du Groupe socialiste, expliquait : « Je précise que nous proposons la séparation des activités, non pas la séparation des banques, car même le président américain ne propose pas de revenir à un Glass Steagall Act tel qu’il existait aux Etats-Unis. » Cela reviendrait, par exemple, à faire ce que préparent actuellement les Britanniques pour 2019, c’est-à-dire à noyer le poisson : comme si on confiait le secteur affaires de BNP-Paribas à Baudoin Prot et le secteur des dépôts et des crédits à Prot Baudoin. Car si on laisse les choses sous le même toit, on sait bien qu’il ne peut y avoir de muraille de feu. Or les députés de droite ont rejeté même ces modestes amendements et Mme Lagarde a déclaré : circulez, il n’y a rien à voir.

Aujourd’hui, Mme Lagarde dirige le FMI et blâme l’insuffisance de capitaux propres de nos banques, alors qu’elle se réjouissait de leur solidité quelques semaines auparavant. Il est vrai que tous les candidats socialistes à la Présidence, eux, évoquent avec emphase la séparation des activités de banque… mais toujours sous le même toit. Pire encore, tous prétendent que l’Administration Obama met en place ce type de système aux Etats-Unis, reprenant comme M. Muet l’exemple du Président américain. On ne sait s’il s’agit d’incompétence ou de rouerie. Car l’Administration Obama fait en réalité tout ce qui est son pouvoir pour saboter le vote, à la Chambre américaine des représentants, du projet de loi 1489 de Marcy Kaptur pour un retour à Glass-Steagall.

Je dénonce ici les discours des candidats socialistes pour trois raisons. La première est qu’ils ont été pour l’instant les seuls à soulever le sujet et qu’il serait donc dangereux qu’ils ajoutent de la confusion à la confusion. La seconde est pour les mettre en garde contre les rapports qui leur parviennent des Etats-Unis à travers le Parti socialiste européen et en particulier son Secrétaire général, Philippe Cordery, dont les liens avec les saboteurs du projet de retour à Glass-Steagall outre-Atlantique, Barney Frank et Christopher Dodd, sont de notoriété publique. Enfin, ma dernière raison est une raison d’espérer : Michel Rocard vient de publier dans Le Monde du 4 octobre un excellent article où il écrit : « Face au tsunami financier qui arrive, et comme après la crise de 1929, il faut séparer d’urgence les banques de dépôt et celles d’investissement. »

Deux choses sont particulièrement remarquables dans le texte de Rocard. Il appelle bien à une séparation des banques, et non simplement des activités. Il prend ainsi courageusement parti contre les Michel Pébereau, Christian Noyer et autres Baudoin Prot. Surtout, il mesure le tragique de la situation actuelle et le choix nécessaire : ne pas faire payer le risque aux contribuables et aux chômeurs, mais aux banquiers d’affaires qui ont joué avec l’argent des autres.

J’ajouterai, comme le dit l’ancien président de la Bourse hongroise Attila Szalay-Berzeviczy, que l’euro est pratiquement mort et la Grèce inéluctablement en banqueroute. C’est en partant de cette réalité et non de montages seulement utiles par beau temps que je mène ma campagne présidentielle pour un vrai Glass-Steagall et un système de crédit productif public remettant l’économie au service du travail et de la création humaine.