Sommet européen : les voleurs kidnappent l’Europe

vendredi 22 juillet 2011, par Jacques Cheminade

Communiqué de la campagne présidentielle de Jacques Cheminade


Paris, le 22 juillet 2011 — A la suite du dernier sommet européen de Bruxelles, c’est avec grave inquiétude que nous constatons que non seulement nos dirigeants n’entendent pas du tout s’attaquer à la cause de cette crise systémique qui menace de nous emporter, mais que sous la couverture d’une novlangue de plus en plus hypocrite où l’on s’émeut de la solidarité européenne et du bien commun, ils viennent de livrer l’Europe, sa richesse et sa force de travail, à un gang de banquiers qui se réunissait lui aussi à Bruxelles ce matin là, pour poser ses conditions !

C’est, en effet, sous le regard intéressé d’une poignée de grands banquiers du monde, grands détenteurs aussi de la dette grecque – dont Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, Joseph Ackermann, patron de Deutsche Bank mais aussi de l’IFI (Institut international des Finances, qui rassemble les 400 plus gros établissements financiers et compagnies d’assurances à l’échelle mondiale) et Charles Dallara, directeur général de l’IFI –, que les 17 pays membres de la zone Euro ont élaboré leur plan de « sauvetage » de la zone Euro.

Les bourses ne s’étaient pas trompées, elles qui avaient déjà salué par une salve d’investissements les premiers éléments de l’accord franco-allemand de la veille qui avait déjà filtré dans les médias.

Car si les dirigeants européens semblent, dans leurs décisions, faire preuve d’une apparente magnanimité envers la Grèce et les autres pays à risque de la zone Euro, s’ils imposent une ponction symbolique aux créanciers privés – contribuer à hauteur de 39 milliards pour le deuxième plan de renflouement de la Grèce qui se montera ainsi à 158 milliards d’euros – ils ouvrent en échange toutes grandes les vannes à des opérations de sauvetage de toute la finance toxique à l’échelle de l’Europe. Qu’ils le fassent avec une hypocrisie calculée aggrave leur cas.

En acceptant d’allonger à « un minimum de 15 ans et jusqu’à 30 ans avec une période de grâce de 10 ans », les maturités de prêts consentis à la Grèce, et en baissant leurs taux d’intérêt des 6% actuels à 3.5%, l’Europe admet sans le dire explicitement le « défaut partiel » de la Grèce, et plus même, car ces mêmes conditions seront appliquées aussi aux plans de renflouement de l’Irlande et du Portugal.

Cependant, si l’Europe desserre le garrot qui était en train de tuer quelques patients – suite aux potions de la troïka, le PIB grec est en chute de 5% pour l’année 2011, et le déficit en forte hausse due à l’effondrement de l’assiette fiscale d’un pays totalement anémié – c’est pour mieux permettre à l’hémorragie de se propager à tout le corps Europe. En effet, pour faire passer la pilule amère de ce défaut partiel aux « marchés financiers », l’Europe a décidé de donner au FESF (Fonds européen de stabilité financière) l’équivalent des pouvoirs réunis du TARP (le programme américain de sauvetage de la finance toxique) et de la Réserve fédérale des Etats-Unis !

Le FESF pourra désormais :

  1. intervenir de façon préventive ;
  2. financer la recapitalisation d’institutions financières à travers des prêts à des gouvernements, y compris des pays qui ne sont pas sous le protectorat de la Troïka ;
  3. procéder à des rachats sur les marchés secondaires d’obligations détenues par les créanciers privés. Les dirigeants européens ont certes adossé cette dernière proposition à deux garde-fous, en ajoutant que c’est seulement lorsque « l’analyse de la BCE établira des circonstances exceptionnelles et des risques à la stabilité financière et sur la base d’un accord entre les membres du FESF et du MES » (Mécanisme européen de stabilité), que ces rachats pourront avoir lieu. La réalité est que sous la pression des marchés, la digue que les dirigeants européens et la BCE prétendaient vouloir maintenir contre les opérations d’« assouplissement quantitatif » a sauté et qu’à la prochaine crise, les garde-fous ne feront pas long feu.

L’accumulation des dettes et des déficits interdisait aux Etats membres de continuer à renflouer le bateau finance qui coule ? Qu’à cela ne tienne ! Désormais c’est au tour des institutions européennes, pas encore endettées, de lever des fonds pour la finance en perdition, au tour d’une Europe riche encore de son agriculture, de ses industries et de sa population qualifiée, d’être pillée pour sauver une poignée de banquiers !

Pour ce qui nous concerne nous dénonçons de la façon la plus ferme cette politique dont les conséquences sur les peuples et les économies sont criminelles.

Outre le fait que les nouvelles missions du FESF sont illégales au regard du Traité de Lisbonne – la Cour de Karlsruhe examine actuellement deux plaintes à ce sujet – l’impact de cette politique qui ne traite d’aucune façon les problèmes de fond, c’est-à-dire la faillite des banques de la zone euro, ne sera, tout au plus, que de très courte durée.

La seule réponse aux menaces des marchés financiers est le langage de fermeté : le rétablissement de la Loi Glass Steagall, pour séparer les activités des banques d’affaires de celles des banques de dépôt et de crédit. Ceux qui ont joué et perdu, doivent accepter leurs pertes ! Quand aux Etats, ils doivent reprendre le contrôle de l’émission monétaire, et rétablir le crédit productif public afin de relancer la production et le plein emploi par des politiques de grands projets d’équipement de l’homme et de la nature.