Déclarations de Jacques Cheminade

Une union franco-allemande face à la chute de la maison Europe

lundi 23 mai 2011, par Jacques Cheminade

Paris, le 22 mai 2011 — La chute de Dominique Strauss-Kahn fournit à la France une de ces occasions historiques dont dépendent notre avenir et celui de l’Europe. En effet, il ne s’agit pas simplement de la chute d’un homme mais de celle de la maison Europe, telle qu’elle a été déconstruite depuis plus de quarante ans sous la tutelle financière de la City et du conglomérat de banques d’affaires qui en sont l’émanation systémique. Ces banques ne peuvent plus désormais être renflouées au détriment des peuples. Dominique Strauss-Kahn était la figure de proue qui a imposé un carnage social à l’Irlande, à la Roumanie et à la Grèce. Sa disparition politique signale la fin d’une époque et l’épuisement des munitions d’un système prédateur.

La seule perspective possible en Europe est une alliance franco-allemande, fondée sur l’adoption d’un Glass-Steagall global, empêchant les prédateurs financiers de piller l’argent des peuples pour jouer avec lui. Cette séparation des banques d’affaires d’une part, des banques de dépôt et de crédit de l’autre, adoptée conjointement aux Etats-Unis et en Europe, s’accompagnera de la mise en faillite organisée des établissements financiers qui conduisent l’Europe et le monde au désastre. Il s’agit d’une alliance pour le développement mutuel, abolissant la loi de la jungle monétariste, ouverte à l’Est vers l’Eurasie, de l’Atlantique à la mer de Chine, et au Sud, vers les peuples méditerranéens qui expriment leur exigence de justice.

L’occasion est à saisir tout de suite, car l’histoire ne repasse pas les plats. Rester dans le système de l’euro revient à tenter de ressusciter un cadavre, et jouer la carte d’un repli national ou méditerranéen, à en créer un nouveau. Dans les deux cas, le chaos.

En Europe, seules la France et l’Allemagne ont, en s’alliant, la dimension suffisante pour sortir de la dérive actuelle. A condition qu’ensemble nous menions une politique d’équipement de l’homme et de la nature, mobilisant les technologies du futur et un nucléaire citoyen, en suscitant la création d’emplois qualifiés et une extension des services publics que sont l’éducation, la santé et la recherche fondamentale.

Nos gouvernements respectifs ne sont pas prêts à le faire. La France et l’Allemagne sont prisonnières des banques d’affaires.

Aussi, c’est aux peuples que je fais ici appel, et à tous les responsables politiques ayant assez de caractère pour combattre le monde de l’argent. L’Europe doit revenir au grand dessein d’Alcuin et de Charlemagne et à l’esprit du programme de notre Conseil national de la Résistance. L’Allemagne de Leibniz, Lessing, Schiller et Beethoven a pour vocation de s’unir à la France de Rabelais, Carnot, Heine et Hugo pour élever à la dignité d’hommes tous les individus de l’espèce humaine. Ne pas saisir cette occasion offerte aujourd’hui par l’histoire reviendrait à sombrer dans une terrible tragédie. Je sais que nous disposons en nous-mêmes des ressources pour l’éviter. Ne pas les mobiliser est désormais un crime.