Editoriaux

1940-2011

mercredi 16 février 2011, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


Je tiens d’abord à vous communiquer deux citations d’auteurs en principe bien peu révolutionnaires, très significatives d’une prise de conscience de la situation actuelle.

Eric Verhaeghe, énarque, membre du Medef et président de l’Association paritaire pour l’emploi des cadres (APEC), « jette l’éponge » et démissionne à 42 ans de toutes ses fonctions. Il écrit sur la crise : « Tout cela avait un goût de 10 mai 1940. De ces moments où les généraux demandent à la troupe de se sacrifier pour protéger leur fuite, alors même qu’ils sont les seuls responsables de la défaite. Car, soyons bien clairs, la seule cause de la crise de 2008 tient à l’irresponsabilité des élites financières. Si les administrateurs des banques avaient joué leur rôle, notamment en empêchant des stratégies de crédit risqué, si le gouvernement américain, en 1998, sous l’influence des financiers, n’avait pas autorisé la fusion des activités bancaires et d’assurances, alors même que cette fusion était impossible depuis la crise de 1929, si les financiers américains n’avaient pas prêté à tour de bras des sommes colossales à de pauvres gens dont ils savaient qu’ils pourraient difficilement rembourser leurs dettes, si les banquiers européens n’avaient pas été complices de ces pratiques – tout cela visant à tirer des profits usuraires sur la misère humaine -, nous n’aurions pas subi la crise des subprimes et l’effondrement de l’économie mondiale comme un château de cartes. Et l’argent des contribuables n’aurait pas été sollicité pour rembourser ces erreurs monumentales. »

Christian Saint-Etienne, économiste universitaire élu vice-président du groupe Centre et Indépendants au Conseil de Paris le 7 avril 2008, nous dit de son côté, dans Le Point du 13 janvier : « Le paradoxe français d’un pays surdoué qui patine sur lui-même et d’une nation dotée d’atouts exceptionnels qui déprime ne se résoudra pas sans un choc d’une violence extrême contribuant à balayer des pseudo-élites politiques et culturelles coupées du monde réel, comme la défaite de 1940 avait ouvert le champ aux hommes qui jetèrent les bases des Trente Glorieuses. Un pays dans lequel on ne peut plus construire de diagnostics partagés fondant une action publique résolue, alors que le monde accélère vers de nouveaux horizons, est un pays mûr pour une révolution. »

L’on remarquera la référence partagée à la pas si étrange défaite de 1940, causée comme on le sait par une terrible accumulation d’incompétences et de trahisons. Nous sommes aujourd’hui à nouveau plongés dans une crise de civilisation.

Et que voit-on le Président de la République faire ? Répondre à un « panel » téléphoné de Français pour faire un « coup de com’ » le jeudi 10 février. Certes, son intervention a été rythmée comme à l’accoutumée par une série de gros mensonges et de petites approximations, comme nous le dit Libération . Cependant, il y a bien pire. Au sein de la tempête internationale et nationale, il s’est borné à dire ce qui l’arrangeait sans traiter le sujet fondamental de l’époque, la désintégration financière et la décomposition politique mondiale. Il en sait les causes, mais ne veut pas risquer sa place en allant au charbon. Rien de moins gaullien. Son adversaire en 2012 serait le directeur du FMI, qui somme la Grèce et l’Irlande de privatiser davantage et d’imposer toujours plus d’austérité.

Sortir de ce bourbier est la première urgence de l’époque, comme le sentent ceux que nous avons cités. Notre mission ici est de redéfinir les frontières politiques en bâtissant, comme en 1940 encore, une nouvelle Résistance, pour rassembler tous ceux qui refusent le pillage financier, contre la City, Wall Street et les Pébereau de tout poil.