Servitude volontaire

mercredi 5 janvier 2011, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


Il est essentiel de ne pas tomber dans le piège que tend l’ennemi. Or aujourd’hui l’oligarchie dominante a recours à sa plus vieille stratégie, qui est d’abêtir ceux qu’elle veut dominer jusqu’à les faire sombrer dans une servitude volontaire. Elle s’efforce, par tous les moyens d’information et de manipulation de masse dont elle dispose, d’ôter à ses victimes toute conscience de leur exploitation et surtout des moyens d’en sortir.

Tout d’abord, faire croire qu’« il n’y a pas d’alternative » et que s’engager en politique est inutile. Convaincre les victimes qu’elles vont se faire avoir en organisant leur défense collective est un classique de ceux qui les exploitent et les aliènent. Le collectif peut ainsi être monopolisé par les castes dominantes. Chacun ne cherchant qu’à défendre ses intérêts immédiats, tous se condamnent à les perdre. Le « libéralisme », qui se base sur le gagnant-gagnant ou le donnant-donnant, abolit ainsi les solidarités en privatisant jusqu’aux consciences. Les rapports de force s’imposent dans ce monde sans principes où règnent le virtuel et ses images.

Ensuite promouvoir, pour ceux qui veulent s’engager, de fausses solutions et de fausses analyses. Une Marine Le Pen ou un Jean-Luc Mélenchon sont ainsi devenus les favoris des médias en offrant des chemins qui ne mènent nulle part. Sortir de l’euro et défendre le service public, pour l’une, mais en dénonçant l’immigration et en défendant la peine de mort. Rendre justice au peuple et chasser les marchands du temple, pour l’autre, mais en promouvant une sortie du nucléaire, c’est-à-dire en refusant les moyens scientifiques d’un développement mutuel. Ajoutons un NPA qui proclame « tout est à nous », avec une logique de possessivité renversée qui relève elle aussi de la même idéologie libérale parvenue à sa phase finale.

Comme la vieille séparation gauche/droite n’opère plus, depuis que la droite a assumé son immoralité et que la gauche est devenue sociale-libérale, l’on sort du chapeau l’opposition peuples/élites. En confondant volontairement un élitisme oligarchique, fondé sur la naissance, l’argent, la complaisance sociale et l’activation de réseaux, et un élitisme républicain, fondé sur le mérite acquis par le service d’autrui, c’est-à-dire du bien commun et des générations futures.

Le danger est, dans cette confusion voulue, que lors de l’explosion de la crise financière, sociale et politique qui vient, la colère du peuple se transforme en rage autodestructrice.

Pour sortir du dilemme, le monde doit marcher à nouveau sur les deux jambes de la solidarité et du progrès. En combattant d’abord pour la séparation entre banques-casinos et établissements de crédit à l’économie afin de tarir la source de pouvoir de l’oligarchie financière. L’argent doit redevenir disponible pour le travail humain et la justice, c’est-à-dire pour de grands travaux permettant d’accroître l’hospitalité du monde. De grands travaux pour développer, comme la remise en eau du lac Tchad, et non pour piller, en volant son soleil à l’Afrique pour alimenter l’Europe en électricité. C’est notre combat pour la cause de l’humanité et contre une politique qui dépouille l’Etat de ses infrastructures et promeut une euthanasie volontaire, comme le proposent déjà trois projets de loi dans nos Assemblées. La vie humaine a trop de prix pour être abandonnée au pessimisme destructeur d’une oligarchie fascinée par son propre destin mortel. Notre défi est de la combattre car elle est vouée au service de soi et conduit au chaos.