Les Editoriaux de Jacques Cheminade

Lascaux

lundi 20 septembre 2010, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


« Le brave néandertalien avait parfaitement compris qu’ici, c’était plus tempéré qu’ailleurs, qu’il devait y avoir du gibier, qu’il faisait beau et qu’il y faisait bon vivre ». Ainsi parla Nicolas Sarkozy le dimanche 12 septembre en visitant la grotte de Lascaux, lors du soixante-dixième anniversaire de sa découverte par quatre adolescents. L’on aurait aimé se réjouir qu’un Président de la République s’intéresse à ce qui, par sa beauté, témoigne de notre part d’humanité, mais son ignorance satisfaite et les conditions de sa visite sont au contraire un terrible signe des temps. C’est l’homme de Cro-Magnon qui a peint Lascaux il y a environ 17 000 ans, en période glaciaire, alors que l’homme de Neandertal avait disparu de la région au moins 13 000 ans auparavant. Nicolas Sarkozy a donc perdu une occasion de se taire. Il est venu accompagné de neuf personnes, qui sont restées une cinquantaine de minutes dans la grotte, soit deux personnes de plus que les « huit en tout, et pas plus de trente minutes » souhaitées par la conservatrice, Muriel Mauriac. Parmi ces dix, il y avait Frédéric Mitterrand et Carla Bruni, ce qui est normal, mais aussi son fils Aurélien et un ami à elle, ainsi qu’un garde du corps, un cameraman et un photographe, ce qui ne l’est pas du tout. D’autant plus que Mme Mauriac avait demandé « de ne pas faire entrer de cameraman ».

Pour couronner le tout, M. Sarkozy et Yves Coppens, le gourou français de la préhistoire, n’avaient pas revêtu la charlotte dont il faut se couvrir les cheveux. Interrogé sur ces négligences, M. Coppens a assuré que la santé de la grotte s’améliore : « Il se trouve que cela va mieux. Les tâches noires qui nous embêtaient se résorbent. Mais rien n’est sauvé à jamais. » Il a ajouté, au mépris des recommandations officielles, que « tant de visites en une journée, cela n’a pas d’importance ». Tant d’outrecuidance et de désinvolture indiquent bien l’état dans lequel se trouvent nos « élites » intellectuelles et politiques et leur degré de connivence.

« Pourquoi vous étendre sur un tel sujet ? » pourrait-on nous dire. Il s’agit d’un terrible révélateur : si on ne respecte pas la culture, on ne respecte pas les hommes qui créent et qui oeuvrent.

La preuve en est patente dans la « réforme » scélérate des retraites, votée à l’Assemblée nationale dans un esprit de pronunciamiento, et dans le truquage des chiffres du chômage. Hervé Novelli, secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Artisanat, a bien souligné l’idéologie en cours : « Il faut réduire nos dépenses sociales… Adapter notre modèle social demande une véritable révolution culturelle. » Eh oui, il s’agit bien d’une question culturelle, dans un pays dont on chasse les Roms pour ce qu’ils sont et où une crèche parisienne expérimentera une puce dans les vêtements des enfants pour leur surveillance électronique.

Heureusement, des « économistes atterrés » sont intervenus pour montrer que l’explosion des dettes publiques résulte de tout autre chose que de dépenses sociales inconsidérées et qu’elle est la conséquence des plans de sauvetage de la finance. Les grévistes ont remporté le 7 septembre une première victoire par l’importance de leur mobilisation ainsi que par le grand nombre de manifestants dans les villes moyennes et petites.

C’est dans ce contexte d’intense politisation que se situe notre candidature à l’élection présidentielle, pour que soient données aux adolescents d’aujourd’hui une éducation et une culture liées au respect du travail humain et ayant pour horizon de grands projets qui rétablissent l’espérance. Dignes de ceux qui peignirent Lascaux.