Les éditoriaux de Jacques Cheminade

L’utilité de M. Jospin

samedi 25 septembre 1999

L’aveu d’impuissance de M. Jospin, le 13 septembre sur France 2, marque un tournant de notre vie politique. A propos des 7500 licenciements par Michelin, il a en effet déclaré : « Il ne faut pas tout attendre de l’Etat... Je ne crois pas qu’on puisse administrer désormais l’économie. Ce n’est pas par la loi, les textes, qu’on régule l’économie... Tout le monde admet le marché . »

Après cela, toutes les tirades sur la « nécessité d’une régulation mondiale du commerce et du système financier » (au séminaire gouvernemental de Rambouillet) ou sur la « résistance à une dictature de l’actionnariat » (à New York) apparaissent pour ce qu’elles sont : au pire de la poudre aux yeux hypocrite, au mieux, l’expression d’une grande illusion.Il ne faut cependant pas accabler Lionel Jospin. Il nous donne une chance en disant tout haut ce qu’il ne fait pas.Brutalement, les choses deviennent visibles même pour qui ne voulait pas voir. M. Jospin se rend à un colloque organisé par M. Schroeder à Berlin le 25 septembre et, les 20 et 21 novembre, à un sommet des « modernisateurs de la gauche » où soufflera le vent Schroeder-Blair. Certes, pour leur apporter une « réponse française », mais la pratique avouée montre bien que ce seront des « paroles verbales ». M. Chirac, lui, n’est pas en reste : le lundi 20 septembre, il s’est précipité à Londres pour dîner avec Tony Blair.

Toute notre classe politique fait ainsi preuve de son imbécillité historique. C’est au moment où l’austérité de M. Schroeder se fait étriller aux élections et où le thatchérisme « social » de M. Blair se dénonce lui-même (par exemple, en créant des prisons pour enfants), que nos dirigeants se ruent à Londres et à Londres-Bonn. Surtout, ils adoptent le libéralisme contre toute tradition gaulliste et socialiste au moment même où 71% des Français se déclarent favorables à une intervention de l’Etat dans l’économie (CSA-La Croix).

Il est temps de remettre les choses à leur place. Une volonté politique doit s’affirmer, chez nos dirigeants comme chez nos concitoyens. Car une autre politique est possible, si l’on s’en prend avec audace à nos vrais ennemis : le FMI, la Grande-Bretagne et Wall Street. Nous en avons assez de voir l’oligarchie britannique manipuler l’Europe - chrétiens démocrates contre socio-démocrates, européanistes contre américanistes, fédéralistes contre souverainistes. Assez de discours et de mêlées confuses ! L’Europe et la France ne se retrouveront elles-mêmes qu’autour d’un projet, en combattant pour le travail et l’industrie et en défendant une culture de la vie, de la solidarité et de la découverte. L’aveu de M. Jospin offre une occasion de rouvrir le jeu : saisissons-la !