Communiqué

Crise de la zone euro : Fascisme financier ou Europe des patries et des projets

lundi 22 février 2010

Communiqué de Solidarité & Progrès


Paris, le 22 février 2010 – L’Europe est dans la tourmente financière. Soit elle sombre comme dans les années trente, soit elle redevient l’Europe des nations et du progrès qu’elle fut dans la période d’après-guerre. Notre campagne en Bretagne et les propositions que nous énonçons ci-dessous montrent la voie pour une sortie républicaine de cette crise.

Depuis le début de la crise, nous redoutions la réapparition du fascisme financier, d’une oligarchie financière qui, craignant de tout perdre, devient putschiste et décide de reprendre de force à la population tout ce qu’elle a perdu dans la débâcle. Or, aux derniers sommets de l’UE et de l’Eurogroupe portant sur la crise grecque, le bourreau du fascisme financier a clairement levé la tête. Il avait le visage du président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et des principaux dirigeants européens décrétant une surveillance supranationale de tous les instants sur ce pays pour qu’il impose des coupes draconiennes dans ses dépenses sociales ; il avait le visage de ces chefs d’Etat européens, menaçant la Grèce de nouvelles sanctions si, avant un mois, elle n’a pas prouvé sa détermination à couper davantage pour aboutir à une réduction féroce de 4% de son déficit budgétaire cette année.

Paniqués à l’idée d’une explosion de la zone euro que les marchés financiers, notamment anglo-saxons, ont orchestrée depuis plusieurs semaines, les chefs d’Etats européens, plutôt que de remettre à plat un système financier parti en folie depuis une trentaine d’années et d’en créer un nouveau au service de l’intérêt général, comme le fit Roosevelt en 1933, ont préféré mettre le doigt dans l’engrenage d’un processus conduisant à la dictature supranationale, pour tenter de sauver les meubles. Il n’y a eu aucune contestation à l’idée d’un gouvernement économique européen, s’est félicité Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse conjointe avec Angela Merkel, après le sommet de l’UE, le 11 février dernier. L’Allemagne, jusqu’ici réticente à cette idée, a fini aussi par donner son accord.

Si l’on ne connaît pas encore le contenu que donneront les chefs d’Etat européens à un tel projet, leur attitude envers la Grèce, bien pire que celle qui a rendu le FMI si tristement célèbre dans les pays en développement, et les propositions formulées par Edouard Balladur, visant à donner aux ministres des Finances de la zone euro le droit d’approuver ou de rejeter les budgets nationaux avant qu’ils ne soient votés par les parlements nationaux, vont clairement dans le sens d’une dictature supranationale. Exercée par un groupe d’hommes n’ayant jamais reçu mandat pour appliquer de telles politiques, sur des peuples majoritairement opposés à cette Europe, cette dictature n’a d’autre but que de satisfaire les marchés financiers qui, après avoir été renfloués par les Etats, exigent désormais d’eux qu’ils taillent dans leurs dépenses sociales afin « d’assainir les finances publiques ».

Mettre la zone euro en règlement judiciaire

En empêchant le domino grec de tomber, les chefs d’Etat européens croient pouvoir enrayer l’explosion de l’ensemble de la zone euro. C’est parfaitement illusoire ! La zone euro, tout comme le reste de l’économie mondiale, est totalement en faillite. Le système monétaire international tout entier fonctionne comme un énorme jeu de cavalerie financière, où chacun vit de l’argent emprunté au précédent, et dans lequel, au bout de cette chaîne infinie, il ne reste presque plus de richesse.

Prise au début comme bouc émissaire, les problèmes de la Grèce apparaissent aujourd’hui comme bien moindres que ceux de l’Espagne et surtout, du Royaume-Uni, comme l’aurait même remarqué, selon le Canard Enchaîné de la semaine dernière, Nicolas Sarkozy. Si le Financial Times avait fustigé la Grèce pour son déficit de 12,7%, l’on sait désormais que celui du Royaume-Uni se situera aux alentours de 12,8% en 2010 et que sa dette n’est pas de 60% du PIB, comme il le prétend, mais de 147% – 50% de plus que celle de la Grèce – si on inclut le renflouement de son système bancaire en faillite ! Quant à l’Espagne, la bulle immobilière qui constituait l’essentiel de son « miracle économique » est en train d’éclater. Suite aux saisies et aux swaps, les banques seraient devenues les plus grosses détentrices d’immobilier en Espagne. Mais le Crédit suisse, après l’UBS, tire la sonnette d’alarme sur les créances douteuses que cachent les principaux acteurs du secteur, et qui représentent 30 à 40 % du total. Début 2010, la dette hypothécaire espagnole représentait 58% du PIB du pays !

Pour faire face à ces montagnes de dette, les gouvernements européens s’orientent vers de nouveaux renflouements. Selon Der Spiegel, l’Europe serait désormais prête à aligner 20 à 25 milliards d’euros pour un plan de sauvetage de la Grèce, sous forme de prêts ou de garanties de prêts, auxquels tous les pays européens contribueraient en fonction de leurs moyens. Cette politique ne fera qu’augmenter les dettes, endettement que les gouvernements tenteront de réduire en coupant de plus en plus dans les budgets sociaux. C’est la politique qui a conduit, de proche en proche, aux camps de la mort en Allemagne.

Récréer une Europe des patries et des projets

Tandis qu’il n’y a rien à espérer de la plupart des élites européennes, qui ont depuis fort longtemps perdu leur âme, cette crise crée cependant les conditions pour que la population, de plus en plus saisie par une juste colère, reprenne le contrôle des finances et de son destin.

1) Catalyser une réforme du système monétaire international. Plutôt que d’endosser le costume de gendarme de la zone euro, à la place du FMI, la France et l’Allemagne doivent coordonner leurs efforts pour jouer le rôle de catalyseur d’un nouvel ordre économique et monétaire de progrès mondial, en ouvrant des discussions dans ce sens avec les grandes nations souveraines que sont les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde.

Au-delà des tensions actuelles, cette crise est celle du système qui a remplacé l’ordre de Bretton Woods, où les Etats ont abandonné le monopole de l’émission monétaire à des banques privées et à des banques centrales indépendantes représentant des intérêts privés. Ce système, dans lequel la City de Londres joue le rôle central avec la complicité agissante de Wall Street, s’est orienté vers les spéculations les plus insensées avec de l’argent de plus en plus douteux. Il ne survit qu’en détruisant le travail et les investissements à long terme, dans la recherche, la haute technologie, l’industrie et les infrastructures.

2) Sortir de la dictature financière de la City de Londres et de Wall Street. La zone euro s’inscrit dans le contexte de ce système financier international et se trouve donc sous le contrôle d’un système monétariste britannique. Nous avons perdu notre souveraineté nationale en matière monétaire en adhérant à l’euro. Cette monnaie ne repose sur aucune politique commune, aucun dessein à long terme ; elle n’est qu’une monnaie de banque livrée aux marchés financiers.

3) Revoir les traités de l’Union économique et monétaire, qui se trouvent d’ores et déjà remis en cause par l’endettement et les déficits de l’ensemble de la zone euro. Y renoncer revient donc à abandonner un mourant afin de pouvoir survivre.

4) Face à la menace d’explosion, reconstituer le noyau initial de 6. A condition de changer du tout au tout la politique économique, un premier pas serait, pour les 6 fondateurs de l’Europe – France, Allemagne, pays du Benelux et Italie – de reprendre leur liberté et de commencer à bâtir les fondations d’une autre Europe.

5) L’Etat doit reprendre le contrôle de l’émission d’argent. L’Europe a abandonné l’émission de crédit à un système de banques privées, organisé autour de banques centrales indépendantes représentant des intérêts privés. En France, ceci remonte aux lois des 3 janvier et 4 août 1973 (Pompidou/Giscard) qui ont interdit à la Banque de France de faire des avances au Trésor, sans intérêt, d’autoriser des découverts de tout type au Trésor ou autres institutions publiques, et de souscrire à leurs instruments de dette. L’article 104 §1 du Traité de Maastricht, voté en 1992, étend ces interdits à la BCE et aux banques centrales des Etats membres. En clair, cela veut dire que le monopole de l’endettement de l’Etat a été livré aux établissements financiers privés. Résultat, sur la dette actuelle de la France représentant 80% du PIB, 60% constitue le paiement d’intérêts à ces banques privées !
Il faut revenir à un ordre de crédit public productif, c’est-à-dire du crédit émis par une banque nationale, sous contrôle public, et non une banque centrale privée ou arrimée aux marchés. Ces crédits, à long terme et faible taux d’intérêt, doivent permettre de « jouer l’avenir » en équipant l’homme et la nature.

6) Procéder à une banqueroute organisée des institutions financières de la zone euro. Comme Roosevelt l’a fait en 1933, l’Europe doit mettre en faillite les avoirs spéculatifs qui ont parasité, et parfois même remplacé, les économies productives de la zone. Les bulles immobilières qui ont constitué l’essentiel des économies de l’Espagne, l’Irlande ou l’Angleterre, n’en sont que l’exemple le plus extrême. La loi Glass-Steagall adoptée par Roosevelt en 1933, qui imposa la séparation totale entre banques d’affaires, se livrant à la spéculation, et banques de dépôt, doit guider la nécessaire réorganisation bancaire.

7) Retour aux monnaies nationales. 47% des Français regrettent beaucoup le franc, 22% le regrettent un peu, contre seulement 30% qui ne le regrettent pas. Sous le poids de la crise et des conceptions monétaristes de l’Union économique et monétaire, les économies nationales ont divergé radicalement, rendant nécessaire le retour aux monnaies nationales et limitant l’euro à une monnaie de référence utile, pour la réalisation de grands projets communs. Mais il ne s’agit pas de revenir aux monnaies nationales dans le contexte d’une économie monétariste. Nous voulons un « franc polytechnique », lié à l’introduction de technologies nouvelles et à la qualification du travail humain.

8) Réorienter l’investissement vers la recherche, la haute technologie et l’industrie, créateurs de richesse. L’Europe est devenue une économie de services. Depuis trente ans, l’industrie française a perdu 36% de ses emplois, soit 1 912 500 emplois. 96% de ces pertes concernent l’industrie manufacturière. Alors que l’Europe se désindustrialise et adopte des politiques écologistes qui la ramèneront à l’âge de pierre, les pays asiatiques et d’autres prennent leur envol. Souhaitons-nous réellement que l’Europe quitte le cœur de l’histoire ?


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