Fiches-programme

Formation professionnelle :
relever le défi des injustices et des mutations économiques

vendredi 12 février 2010

La formation professionnelle est l’une des compétences fondamentales des régions. Le défi qu’elle doit relever est double : fournir une seconde chance à ceux qui ont manqué la première, c’est-à-dire corriger les injustices sociales, et en même temps fournir les emplois qualifiés nécessaires aux légitimes mutations économiques. Ainsi la nature de la formation ne peut être séparée de l’objectif de notre projet pour la Bretagne de demain, à laquelle tous doivent participer. Le droit à la formation doit devenir un droit universel reconnu à chacun et exerçable pour des métiers de l’avenir.

Trois insuffisances graves apparaissent aujourd’hui partout en France :

  • Ce sont les personnes déjà les mieux formées qui bénéficient le plus des formations. Pour deux raisons : d’une part les donneurs d’ordre que sont les entreprises forment ceux dont elles ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux qui sont déjà formés et qu’elles entendent perfectionner ; d’autre part, les travailleurs déjà qualifiés sont mieux au courant des formations et ont plus d’appétence pour en bénéficier.
  • Les formations sont trop axées sur des logiques de branche, et non interprofessionnelles.
  • Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) sont organisés par branche, et servent trop souvent de moyen pour obtenir la bienveillance des syndicats du fait de l’insuffisance du système « officiel » de financement de la vie syndicale.

En Bretagne, conformément à notre projet, notre but est au contraire d’intégrer tout le monde dans un processus créateur avec un esprit pionnier.

Nous y disposons pour cela de plusieurs atouts. Il s’agit :

  • de l’Agence économique de Bretagne, qui doit donner le la économique en définissant non pas une Bretagne du tourisme-hôtellerie-résidentiel-services, mais une Bretagne de la connaissance et des technologies de pointe industrielles et agricoles, celle de notre « second miracle économique breton ».
  • de la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP), qui coiffe le secteur.
  • du GREF (Groupement d’intérêt public emploi formation), financé par l’Etat et le Conseil régional, qui est l’instrument pour faciliter la cohérence et la pertinence des politiques publiques en matière de formation professionnelle et d’emploi. Il fournit son appui aux acteurs régionaux, aux Maisons de la formation professionnelle et aux Maisons de l’emploi. Il informe et assure la sécurisation des parcours professionnels, participe à la validation des acquis de l’expérience (VAE), organise des actions de formation en faveur des demandeurs d’emploi en situation de handicap, lutte contre l’illettrisme et suscite des Ateliers des savoirs fondamentaux.
  • pour les emplois de demain, l’on dispose des plans régionaux de développement des formations (CPRDF), tandis que les Fonds paritaires de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) favorisent une intégration « durable » des demandeurs d’emploi et des salariés en difficulté.

Le problème n’est donc pas l’existence d’organismes, mais la définition politique de leur fonctionnement et leur coordination avec un pilotage de projet.

Il faut tout d’abord définir les priorités.

  1. Les secteurs prioritaires devront être les technologies de pointe associées à nos projets de transports (aérotrains, voitures électriques, conversion du secteur automobile…), le nucléaire de la quatrième génération, l’agrobiochimie et l’espace maritime. Or si l’on examine aujourd’hui ce qui est offert par exemple par le CLPS, le premier organisme de formation privée en Bretagne, ou la Faculté des métiers (Rennes-Bruz), l’on s’aperçoit que leur priorité va aux services, au commerce, à l’hôtellerie-restauration, la bureautique, l’artisanat, la propreté, hygiène et sécurité. Loin de nous l’intention de nier l’utilité de ces formations, mais à elles seules, elles ne peuvent constituer la base pour une Bretagne du futur. Il y a donc un changement d’orientation à effectuer, qui ne peut venir que d’un engagement du Conseil régional. Les services devront alors être intégrés dans un essor industriel et agrobiochimique, et non constituer un modèle en soi.
  2. Les bénéficiaires prioritaires de cette formation doivent être ceux qui en ont le plus besoin : les jeunes insuffisamment qualifiés, les chômeurs de longue durée, les femmes cherchant un emploi après leur maternité et tous les salariés en difficulté d’insertion. Cette politique signifie une rupture avec l’actuelle, qui doit être vue comme un engagement fondamental par tous les organismes impliqués.
  3. Pour pouvoir le faire, il faudra procéder, en Bretagne comme dans toute la France, à trois choses. La première est de soumettre les organismes de formation à un réel contrôle de compétences et de parcours. La région doit s’appuyer sur l’Office professionnel de qualification et des organismes de formation (OPQF), en renforçant ses moyens, pour mieux évaluer. La seconde est de fournir à chaque salarié un droit à la formation attaché à sa personne, garanti par la région, soit sous forme d’un compte d’épargne-formation, soit d’une cotisation sociale gérée par un organisme paritaire. La troisième est, pour éviter les combinaisons actuelles et toute tentation de dépendance à l’égard d’intérêts privés, que la puissance publique participe officiellement au financement des syndicats. L’Etat et les régions doivent débattre de ce point socialement fondamental.
  4. La formation devra être, conformément aux orientations définies par les Ateliers de la formation professionnelle, organisée sur une base interprofessionnelle « ouverte », et non plus strictement par branches.

Cette politique doit être épaulée par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), dont les diagnostics doivent accompagner les plans de formation, mieux préparer aux mutations et permettre d’établir une carte des métiers et de leur évolution prévisible, suivant les grandes lignes du passage d’une économie financière prédatrice à une économie au service de la création humaine. Cette gestion se fera, bien entendu, en coordination avec l’Agence économique de Bretagne, dont les missions seront redéfinies.

Enfin, pour donner une chance nouvelle à ceux qui ont subi de plein fouet les effets de la crise et d’une société destructrice des capacités créatrices humaines, deux possibilités doivent être également utilisées par la région dans le contexte que nous venons de définir.

La première est une participation au comité stratégique de l’Agence spécifique qui doit être mise en place pour gérer le service civique (la loi vient d’être adoptée par les députés le 4 février). La région peut, par exemple, organiser des centres de formation professionnelle pour le service civique, recevant les jeunes en grande difficulté d’insertion ou victimes d’addictions incapacitantes. Un milieu à l’écart de leur environnement habituel, dans lequel ils bénéficieront d’un suivi spécifique, constituera un point de départ pour leur réintégration, surtout si des retraités sont associés à leur tutorat dans une société qui ne soit plus déterminée par le gain immédiat mais par le service des générations futures.

La seconde concerne les Ecoles de la deuxième chance (E2C) lancées en 1996, dans lesquelles chaque jeune participe en alternance à des cours magistraux à l’école et à des stages en entreprise. La région devra davantage s’associer à l’Etat, aux départements, aux chambres consulaires et à l’Europe pour mettre en place ces écoles, elles aussi associées au projet d’ensemble de la région.

La politique de formation professionnelle, devons-nous dire en conclusion, n’est pas une chose en soi. Il faut qu’elle constitue un ensemble, avec un projet politique, qui est ce que nous proposons. Ainsi, par exemple, améliorer l’offre de transport dans les territoires favorisera la mobilité et l’intégration professionnelles. Car tout se tient.