Editoriaux de Jacques Cheminade

La République bafouée

mercredi 27 janvier 2010, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


La prestation de Nicolas Sarkozy sur TF1 est apparue comme un théâtre où tous les sujets sont connus d’avance. La rhétorique et l’aplomb de l’acteur principal ne sont cependant pas parvenus à cacher le gouffre qui se creuse entre la caste de l’argent qu’il fréquente et le reste d’un pays en proie au désarroi et aux sacrifices qui lui sont imposés.

Un mentor au sommet, Claude Guéant, préside au Monopoly des affaires. Les amis et les proches du chef de l’Etat, Stéphane Richard à France Télécom, François Pérol à la tête des Caisses d’épargne et des Banques populaires, Pierre Mariani au Comité de direction de Dexia et maintenant Henri Proglio portant la double casquette d’EDF et de Veolia, se pavanent au sein d’un partenariat public-privé qui enterre le service public. Pendant que le ministre du Budget, Eric Woerth, officie contre les petits fraudeurs et épargne les gros, les banques françaises continuent à opérer dans les paradis fiscaux. Et comme ces mêmes banques ne prêtent pas aux entreprises, celles-ci veulent créer leur propre banque dans une confusion totale des genres. Le conseiller spécial du projet est Sylvain de Forges, directeur des opérations financières de Veolia Environnement. Et c’est François Roussely, ancien président d’EDF, grand ami d’Henri Proglio et proche de Claude Guéant, qui a été choisi en décembre dernier pour mener une » réflexion » sur le nucléaire.

L’économie française vit ainsi en état d’inceste et ne peut ouvrir de nouvelles pistes, comme les réacteurs à haute température de la quatrième génération ou un retour de l’aérotrain de l’ingénieur Bertin, rendu possible grâce aux progrès accomplis dans les moteurs linéaires. Le pire est que ce « réalisme cartésien » ne mène pas au succès commercial, comme l’ont montré nos échecs à Abu Dhabi et en Finlande, ou en Chine avec les transports à grande vitesse. La qualité de nos produits et de notre main d’œuvre n’est pas en cause, mais l’ineptie et l’arrogance à courte vue de nos « patrons ».

La sieste de la créativité se conjugue ainsi à l’inceste des comportements pour aboutir à une sorte d’insieste autodestructrice. Le tout opère au sein des contraintes de traités européens qui non seulement détruisent notre souveraineté nationale et étouffent notre industrie, mais imposent une austérité sociale à durée indéfinie.

Le crédit à la consommation de 2009 par rapport au chiffre de 2008 a chuté de 13,3%, le montant le plus élevé depuis 45 ans. C’est le moment qu’Eric Woerth choisit pour dire « il y a 50 milliards à économiser » et affirmer que les « régions, départements et communes doivent revoir le nombre de leurs fonctionnaires ». Les hôpitaux de Paris (AP-HP) perdront 1000 emplois par an pendant 4 ans et l’Education nationale 55 000 postes d’ici 2012 après en avoir perdu 25 000 entre 2008 et 2009. On soumet à l’impôt les indemnités pour accidents du travail et on remet en cause le régime de retraites, en prévoyant d’allonger la durée des cotisations, tout en ne prévoyant rien pour le million de chômeurs arrivant cette année en fin de droits, dont 60 % au moins ne bénéficieront ni de l’ASS ni même du RSA.

La globalisation financière et son relais européen n’étant pas combattus, on accompagne la chute en préservant ses copains et ses coquins. Cela ne peut durer. Les spéculateurs prévoient bientôt la recrise et non la reprise. Tout le système se désintègrera si l’on ne change pas radicalement de politique.

Notre campagne en Bretagne vise à être le lieu de débat de ce changement.