Les Editoriaux de Jacques Cheminade

Petit poisson deviendra grand

mardi 3 novembre 2009, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


Ce titre était un message envoyé depuis Londres à la Résistance française. Je m’en suis souvenu en parcourant les salles sombres du Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation à Lyon. Avec le Préambule de notre Constitution du 27 octobre 1946 et le programme du Conseil national de la Résistance unanimement adopté le 15 mars 1944, le petit poisson est devenu grand. La tragédie est qu’aujourd’hui nos responsables et nos dirigeants détruisent ce qui s’était alors bâti dans la lutte contre l’oppresseur.

Leur discrédit est devenu terrible. Le peuple sait, même confusément, qu’à l’opposé de l’article 2 de notre Constitution, nous ne sommes plus réellement en République. « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » a été remplacé par un système de réseaux et d’arrangements cyniques.

Jacques Chirac fait l’objet d’une certaine nostalgie. Cependant, suivant un sondage effectué fin octobre, 72% des personnes interrogées estiment que « la justice doit le poursuivre comme n’importe quel citoyen ». Clearstream, l’Angolagate, les frégates de Taïwan, les tricheries exhibées au sein du Parti socialiste, les initiés d’EADS écoeurent. Les juges d’instruction renvoient en correctionnelle non seulement un ancien président de la République, mais aussi un grand patron comme Jean-Marie Messier. Les juges du siège condamnent, eux, un ancien ministre de l’Intérieur à un an de prison ferme. Dans tous ces cas, les juges n’ont pas suivi les réquisitions moins sévères d’un parquet soumis au pouvoir. L’immunité des élites prend fin.

Alors se pose, bien au-delà des borborygmes de M. Eric Besson, la question de l’identité française. Si la France est une certaine idée du beau, du bien et du vrai, un ministre de l’Immigration qui renvoie en Afghanistan des sans-papiers, dans un charter affrété en accord avec la Grande-Bretagne, est-il digne de cette identité ? Des pays européens qui mènent une guerre terrestre stupide et autodestructrice dans ce pays peuvent-ils encore se réclamer de l’Europe alors qu’ils s’entendent pour généraliser ces charters ?

Chez nous, mais aussi en Allemagne et ailleurs, on détruit les protections sociales et les fondements de la santé publique. On se soumet à l’ordre oligarchique de l’Empire britannique, ce système opposé à l’intérêt des peuples, y compris du peuple anglais, et donc contraire à l’esprit et la lettre de notre Constitution. Notre président de la République déclare que « la terre fait partie de l’identité nationale française ». Terrible phrase, qui montre bien où la France et l’Europe de nos élites en sont arrivées : quand elles ne s’identifient pas à la rente financière, elles évoquent celle du sol. J’y pensais dans un village de Bretagne imprégné d’histoire, en écoutant un dirigeant de l’APLI, ces producteurs de lait victimes d’un monde dans lequel on fait régner la guerre de tous contre tous. La réalité, ce n’est pas l’argent ou la terre, c’est ceux qui oeuvrent pour le bien commun ou, selon les termes de l’encyclique Laborem exercens, pour le salut de l’humanité.

Si nous ne nous battons pas pour revenir à ce dessein-là, nous ne serons pas dignes des Danielle Casanova, Ariane Knout, Narbonne, Alban, Manouchian, Marie-Madeleine Fourcade et Marie-Claude Vaillant-Couturier. Les murs du Centre de Lyon lancent le défi : « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre. » En pire, puisque les poissons ont grandi.