Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Les bonnes nouvelles des européennes

vendredi 25 juin 1999

Les commentaires autorisés sur les élections européennes passent tous à côté de la réalité. Ils partent en effet de rapports de force économiques et sociaux habituels, alors que les résultats révèlent au contraire une mutation profonde des comportements.

Ce qui frappe d’abord, partout en Europe et même en France, est la retentissante défaite subie par le libéralisme et son avatar social-libéral. C’est clair pour les partis de Tony Blair et Gerhard Schroeder (cf. notre article dans notre journal de cette semaine), c’est tout aussi clair pour le RPR : Nicolas Sarkozy l’a mené à la déroute par sa campagne ultra-libérale. Contrairement aux idées reçues, notre social-jospinisme ne fait pas exception : il obtient à peine 22% des voix, alors qu’aux élections de 1994, pourtant désastreuses pour la gauche, le PS, plus les radicaux de gauche et les chevènementistes (les composantes de l’actuelle liste Hollande) en rassemblaient 29%.

L’abstention n’a donc pas été une abstention-fuite, mais une abstention-sanction. Outre le social-libéralisme, les électeurs ont rejeté, avec leurs pieds ou avec leurs voix, cette sorte de pouvoir consensuel supranational où les gouvernements cessent d’être représentatifs et se légitiment réciproquement loin des peuples, dans des aréopages financiers, diplomatiques et militaires. Les Européens veulent une vraie Europe, pas la caricature qu’on leur vend. Les vendeurs, d’ailleurs, se préoccupent bien peu de leurs clients : aucune liste, aucun parti pro-européen n’a assuré la pédagogie de l’Europe, n’en a défini les buts ni expliqué le fonctionnement. Sait-on que Libération, associé à quatre autres grands journaux européens, a interrogé 424 eurodéputés de cinq grands pays, sur les institutions, sur l’Europe et leur engagement, pour ne recevoir que 96 réponses ? Les vendeurs ne croient plus eux-mêmes à la qualité de leur marchandise, et les électeurs n’ont pas été dupes.

Le Président de la République se trouve affaibli comme aucun de ses prédécesseurs ne l’avait été depuis 1958. L’extrême-droite retourne aux oubliettes de l’histoire d’où M. Mitterrand l’avait tirée. La fausse rénovation communiste, avec son insupportable côté Jack Lang du pauvre, est rejetée. Laguillier-Krivine n’ont pas décollé.

Le renouveau de la vie politique française se résumerait-il alors à Daniel Cohn-Bendit (trente ans après), à Pasqua-de Villiers (il était une fois le RPF) et à un quarteron de chasseurs ? L’occasion est donnée par ce vote de remettre les compteurs à zéro, mais le risque est que, dans ces conditions, ils y restent.

Pour avancer, il faut répondre aux attentes des Français en leur offrant ce que personne n’a offert dans cette élection : un horizon. Cette question concerne, aujourd’hui, chacun d’entre nous. Nous ne pouvons plus dire qu’elle n’a pas été posée.