Brèves

Helga Zepp-LaRouche : refaisons de l’Allemagne le pays des poètes et des penseurs !

dimanche 23 août 2009

par Helga Zepp-LaRouche

Nous présentons ici la conclusion de la déclaration de candidature d’Helga Zepp-LaRouche, présidente de notre parti frère, le Bürgerrechtsbewegung Solidarität (Büso, Mouvement des droits civiques-Solidarité), et candidate à la chancellerie allemande aux élections fédérales du 27 septembre prochain.

Nous sommes plongés dans une crise d’effondrement systémique, et cela n’affecte pas seulement la sphère financière, l’économie réelle et la sphère politique ; cela touche aussi la culture. Si l’on regarde l’Allemagne du seul point de vue que l’on devrait adopter, c’est-à-dire celui d’Allemands tels que Nicolas de Cues, Kepler, Leibniz, Bach, Mendelssohn, Lessing, Schiller, les frères von Humboldt, Gauss, Beethoven, Schubert, Schumann, Riemann et Einstein, on constatera que nous vivons en plein âge des ténèbres. Nos prétendues élites sont décadentes ; notre population en général (à l’exception de quelques cercles restreints) est coupée de ses racines culturelles. La culture qui prédomine chez les jeunes, et les conditions de vie en général, n’offrent aucune perspective d’avenir. La vie ne fait pas de cadeau aux « enfants de la crise » ; pas étonnant donc qu’ils se comportent de plus en plus mal.

Ainsi, l’une des raisons majeures pour laquelle l’Allemagne apparaît aujourd’hui comme une friche culturelle – et presque tout le monde me l’accorde – provient de l’impact débilitant des « produits culturels » consommés à tout âge. Une enquête démontrerait facilement les liens unissant l’industrie du divertissement à d’énormes intérêts financiers, qu’il s’agisse de télévisions privées, studios d’enregistrement, maisons d’édition ou plateformes de socialisation sur internet. Tous ne sont que l’équivalent du Panem et Circenses (« du pain et des jeux ») de l’Empire romain. Ces divertissements dégradants transforment les consommateurs en individus facilement manipulables, dont l’identité dépend de l’opinion des autres, qu’il s’agisse de la musique country ou du groupe rock Rammstein.

Que devons-nous donc faire dans cette situation, semblable à celle décrite par Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique, où il explore les causes de la dérive de la Révolution française ? En effet, d’où doit venir le changement, alors que les politiciens sont des minables, que les managers sont corrompus, que les grandes figures de la culture actuelle planent sous l’effet de la drogue et que les masses sont abruties ? La réponse est la même que celle donnée par Schiller : le changement ne se fera que grâce à l’ennoblissement du caractère et pour cela, la musique et la poésie classique sont un médium puissant, car elles permettent aux individus d’accorder leurs sentiments avec leur esprit. Schiller suggérait à toute l’humanité d’apprendre la leçon de la Révolution française, afin que plus jamais, un « grand moment » ne trouve un « peuple petit ». Cette leçon vaut pour nos contemporains : comment renforcer nos concitoyens afin qu’ils ne se laissent pas abattre par l’air du temps ?

Dans sa IXème lettre, Friedrich Schiller affirmait à ce sujet : « La gravité de tes principes les éloignera de toi, mais par le jeu ils finiront par les adopter. Leur goût est plus pur que leur cœur, et c’est par là qu’il faut saisir le fuyard appeuré. En vain tu combattras leurs maximes, en vain tu condamneras leurs actions, mais sur leur loisir tu pourras essayer ta main formatrice. Chasse de leurs plaisirs le caprice, la frivolité, la rudesse, et tu les banniras insensiblement de leurs actes et enfin de leurs sentiments. »

Voilà pourquoi il faut opérer à l’inverse de l’oligarchie quand il s’agit du divertissement : au lieu d’utiliser le temps libre pour s’adonner à la folie, il s’agit de se débarrasser de tout ce qui dissout notre identité dans la masse – du tourisme de masse aux concerts pop – et de trouver les moyens d’éduquer notre esprit et nos émotions. « Vis avec ton siècle, mais ne sois pas sa création ; travaille pour tes contemporains, mais fais pour eux ce dont ils ont besoin, non ce qu’ils louent. (…) Vois-les par la pensée tels qu’ils devraient être, quand il te faut agir sur eux ; mais vois-les tels qu’ils sont, quand tu es tenté d’agir pour eux », écrit Schiller. C’est cette image des Allemands tels qu’ils devraient être, et non tels qu’ils sont, que nous devons avoir à l’esprit si nous voulons sortir de la crise par le haut.

Comme vous le voyez, ce poète occupe une place très particulière dans notre pays. Le meilleur remède contre la médiocrité et la "bi-dimensionnalité" du présent, est de faire siennes ses idées. Son idéal de l’humanité voulait faire de chaque homme une « âme belle », et donc un individu en qui passion, devoir, liberté et nécessité ne font qu’un. Seul ce type d’homme de caractère, doté d’une vraie liberté intérieure, deviendra le génie qui, légitimement, fera progresser la civilisation humaine en créant des degrés toujours plus élevés de liberté.

Cependant, les génies ne se fabriquent pas dans les salles de jeux en ligne ni les salles de marché. Ils ne se développent que s’ils ont la bonne fortune de rencontrer, au bon moment, la personne qui fasse naître en eux l’étincelle divine et ils deviennent alors « possédés » d’un amour passionné pour l’humanité ou pour une meilleure compréhension des lois de l’univers, ou encore pour explorer les possibilités toujours plus riches des lois de l’art classique.

Schiller eut la chance de rencontrer au moins une personne de ce type au bon moment de sa vie, bien qu’il souffrît fortement de l’influence du milieu oligarchique et des coutumes de l’académie militaire où le duc de Württemberg l’avait placé. Cet individu était son professeur de philosophie, Jacob Friedrich Abel. Lors de la promulgation des lauréats à l’Académie ducale de Stuttgart le 14 décembre 1776, rien que le titre de son discours donne un aperçu des idées auxquelles il confronta son élève le plus célèbre, présent dans l’audience : « Un discours sur le génie : le sont-ils par naissance, ou par éducation ? ». Abel commença par décliner le thème le plus apte à inspirer des jeunes : celui de la grandeur humaine et de ce qui est requis pour l’acquérir. Il opposa ensuite cette perspective avec les esprits faibles, incapables d’émerger du brouillard épais de leurs pensées : « Dans l’esprit de ceux dépourvus de génie, toutes les pensées ne font que ramper piteusement ». Cet esprit faible se caractérise par la « froideur d’âme » d’un esprit qui « s’échappe tranquillement en suivant la trace de l’escargot ».

A l’opposé, le tourbillon du génie : « Des sentiments et perceptions innombrables traversent son âme ; des fleuves de pensées jaillissent sur d’autres pensées comme des vagues se jetant sur d’autres vagues. (…) Précisément à cause de cette multiplicité de concepts, car tant de sujets se prêtent à la comparaison devant son âme, il est capable d’établir des rapports inattendus et étranges. La plénitude des émotions, la richesse de la pensée, l’inventivité de l’esprit de création, des conceptions et relations exceptionnelles ».

On constate que cette définition de l’esprit génial donnée par Abel ne préfigure pas seulement la description que Schiller donnera plus tard de l’esprit philosophique, qu’il opposera à celui du Brotgelehrte (chercheur carriériste), mais également le concept de Geistesmassen (masses-pensées) développé plus tard par Herbart et Riemann. S’élever au niveau du génie implique aussi d’être carrément à l’opposé de celui qui est « cool ». [A l’heure actuelle, summum de l’attitude personnelle pour un Allemand, NDT]

« Il est évident qu’aucune grande action ne peut être accomplie, qu’aucune Iliade, aucun Jugement dernier ne peut être conçue quand le pouvoir essentiel de l’âme n’est pas mis en œuvre, la capacité de penser et ressentir à un niveau extraordinairement élevé ; car comment un grand acte peut-il naître sans grande cause ? », affirmait encore Abel.

La passion distingue également les grands enseignants des comptables académiques. « Quelle différence entre ce brillant et fier Leibniz qui apporte la grâce métaphysique et la vie aux matières les plus arides et les étudiants froids et secs à pensée pauvre ; entre un Platon qui, dans les abysses les plus profonds de l’abstraction est capable de respirer avec joie et le misérable critique pisse-vinaigre, qui, face aux grâces et aux muses, ne peut que bâiller d’ennui et établir des distinctions. »

Cependant, la pugnacité est une qualité tout aussi indispensable, non pas l’assiduité d’une « âme froide », mais plutôt celle d’un effort passionné visant un grand objectif : « Le cerveau de Leibniz, sans formation, serait devenu le cerveau d’une âme médiocre » ; Leibniz, qui passait des nuits entières à réfléchir sur des conceptions métaphysiques ; Shakespeare, qui, sans passion, serait resté un marchand de laine inconnu – voilà des exemples qu’Abel donnait à ses élèves en leur demandant : « Dans les œuvres d’Homère ou de Dante, Sophocle ou Shakespeare ou encore Euripide, ou dans nos poètes dernier cri – où se trouve cachée l’étincelle divine ? »

C’est pour cela qu’Abel mettait si fortement l’accent sur les étincelles de créativité qu’on trouve chez les grands penseurs et poètes de l’humanisme platonicien et chez les grands tragédiens. D’après le témoignage de plusieurs de ses camarades de classe, jusqu’en 1776, Schiller était plutôt un élève tranquille, parfois d’humeur mélancolique. Le face-à-face avec le professeur Abel, une source d’inspiration qui va le familiariser avec les plus grands génies du passé, le bousculera, libérant son propre génie. Sans Abel, l’humanité n’aurait jamais eu le grand Schiller qui nous connaissons aujourd’hui par ses poèmes philosophiques et ballades, tels Les artistes ou Le chant de la cloche, et le concept du sublime n’aurait jamais été formulé de façon aussi élevée.

Mais pourquoi évoquer toutes ces questions dans le contexte d’une élection ? Parce que c’est là que se trouve la clef de la solution. (…) Avec moi à la chancellerie, la culture classique ne serait plus réservée aux personnes les plus aisées, capables de se payer les entrées, car je les rendrais accessibles pour toutes les bourses. Tous les élèves auraient l’opportunité, car cela ferait partie de leur programme, de jouer d’un instrument de musique et d’apprendre le chant classique grâce à la méthode du bel canto. Aux chaînes de télévision publique on demandera de présenter l’art classique à la population, un art à l’abri des mises en scènes modernistes (Regietheater) et autres massacres du même genre, bien que pour un certain temps, il se peut que l’on doive se contenter d’enregistrements historiques.

Ce qui me motive

On me demande souvent comment il est possible que j’ai consacré plus de 37 ans à lutter pour un nouvel ordre économique mondial plus juste sans remporter de victoire électorale. J’aurais beaucoup de choses à répondre à cela, mais je ne vous en livrerai ici que deux.

Mon baccalauréat en poche, je décidai de devenir journaliste. Je m’étais beaucoup amusée en écrivant pour le journal de l’école et je m’étais orientée vers le journalisme dans l’idée (bien naïve, je l’avoue) que la population disposait d’un droit à l’information.

Cependant, lors de ma formation journalistique, je me rendis vite compte que cette profession ne faisait pas grand-chose pour répondre à ce défi. Au contraire, j’ai pu voir comment, en coulisses, l’information est triée sur le volet. J’ai également pu constater l’état de soumission de mes collègues, qui m’avertissaient eux-mêmes qu’il ne fallait jamais croire les rapports apparaissant dans les médias, mais garder un œil sur les intentions qu’ils véhiculaient.

Le deuxième moment décisif sera les découvertes que j’ai faites en 1971, lors de mon voyage en Chine (en pleine Révolution culturelle), ainsi que les impressions recueillies en visitant plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Avant tout, la vue de la pauvreté, qu’on ne découvre qu’en voyageant en dehors des circuits touristiques balisés, loin des hôtels cinq étoiles et des croisières de luxe, en regardant la vie quotidienne de l’immense majorité des habitants. A mon retour, j’avais la forte conviction que le système mondial devrait être remis en ordre.

Ensuite, lors de mes études à Berlin, j’ai découvert les idées et les programmes défendus pas Lyndon LaRouche. Parmi une foule d’autres choses, il parlait du besoin urgent de développer ce qu’on appelle tiers-monde et préconisait des investissements dans l’industrie, l’agriculture et les infrastructures de base.

Je décidai alors d’aider à bâtir ce mouvement et j’ai collaboré depuis à de nombreux programmes de développement en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Pour faire connaître aux électeurs allemands la perspective d’un nouvel ordre économique mondial plus juste, j’en ai fait en 1976 mon programme en tant que candidate à la chancellerie. Si j’avais été élue à l’époque, le monde serait en meilleur état aujourd’hui. Et puisque le gouffre séparant les riches et les pauvres ne cesse de s’accroître, mon engagement d’alors n’a pas faibli, bien au contraire, mais s’est accru d’autant, car d’après ma conviction, je réponds à l’ordre d’un monde qui n’est pas en harmonie avec les lois de l’univers et l’ordre de la Création. C’est aussi simple que cela.

C’est précisément parce qu’on s’est familiarisé avec le point de vue de penseurs et poètes tels que Nicolas de Cues, Kepler, Leibniz et Schiller, que l’on pourra critiquer les tendances qui détruisent la société, aussi populaires soient-elles. Il existe malheureusement plusieurs exemples en Allemagne où la majorité s’est lourdement trompée. Pendant la grande dépression des années 1930, aucune force sociale n’était réellement préparée à résister au danger, ni capable d’imposer les alternatives, comme le plan Lautenbach. Aujourd’hui, c’est à nous d’être cette force. Dans les tempêtes qui viennent, les grands partis peuvent rapidement disparaître. Par conséquence, un petit parti peut gagner en influence, à condition d’offrir une réponse aux questions existentielles posées par la population. Comme vous l’avez compris, le danger n’est pas minime, mais immense. Cependant, tandis que la mondialisation se disloque, les axiomes de la majorité de la population s’effondrent avec elle. Cela ouvre un nouvel espace, et l’Allemagne peut redevenir le pays des poètes et des penseurs. Pour cela, nous avons besoin de passion pour la sauver. Si vous êtes capable d’éprouver cette passion et si vous ne voulez pas que notre belle nation sombre dans la pauvreté et le chaos, alors aidez-moi activement dans ma campagne. Notre pays a besoin, aujourd’hui plus que jamais, de citoyens qui prennent la responsabilité, avec moi, de se battre pour la démocratie et la liberté en Allemagne. Pour cela, vous, et vous tous, êtes essentiels !

Postscriptum : Albert Einstein

« Le monde dans lequel nous vivons est dangereux ; non pas à cause de celui qui fait le mal, mais à cause de ceux qui l’observent et le regardent ».