Les analyses de Jacques Cheminade

Statistiques du chômage : cherchez l’horreur

mercredi 19 août 2009, par Jacques Cheminade

par Jacques Cheminade

La publication des statistiques officielles de l’emploi indique un recul du nombre de chômeurs de 0,7% en juin par rapport à mai. Après 13 mois consécutifs de hausse (556 300 inscriptions de plus en catégorie A depuis mai 2008), 18 600 inscrits en moins, cela ne fait pas beaucoup mais devrait être un soulagement. En réalité, pour plusieurs raisons, il s’agit d’une arnaque.

Le gouvernement lui-même le sait et le reconnaît en privé : les chiffres d’ici la fin de l’année vont être catastrophiques, ce qui exigerait une alternative économique et sociale immédiate et de grande ampleur. C’est ce que nous nous efforçons de présenter ici, dans toute sa dimension nationale et internationale. Lorsque l’automne sera chaud et que les injustices deviendront tragiques, aucune hésitation ne sera permise. Faute de se fixer un horizon, l’opposition se rendrait en effet complice de la destruction des fondements mêmes de notre pays, dont l’industrie ne représente plus, d’ores et déjà, qu’un chiffre inférieur à 12% de notre produit intérieur brut.

Tout d’abord, il reste tout de même officiellement 2 524 500 personnes « disponibles de suite et n’ayant exercé aucune activité », la progression annuelle de ce chiffre restant de 25,7%.
Ensuite, parmi les 457 600 personnes sorties des listes de Pôle emploi, celles qui ont trouvé un vrai travail (à temps plein, partiel ou autrement) ne comptent que pour 20,5% du total. Le gros des effectifs, soit 45%, a tout simplement disparu des statistiques pour cause de « cessation d’inscription pour défaut d’actualisation ». Ces cessations ont ainsi progressé de 19,3% entre mai et juin et concernent 33 400 personnes de plus ! Et encore, on ne parle ici que des personnes inscrites au chômage officiel.

Enfin, le nombre de demandeurs d’emploi « ayant exercé une activité réduite » (courte ou longue, catégorie B et C) est, lui, toujours en hausse de 27 800 personnes. Pire encore, si l’on ajoute les catégories D et E, y compris les mal nommés « dispensés de recherche » (seniors en DRE), le nombre total d’inscrits au Pôle emploi atteint 4 097 800, avec une hausse de 29 700 personnes sur un mois.

Ajoutons que les nouveaux emplois obtenus sont le plus souvent précaires, peu ou pas qualifiés, alors que les contrats en CDI se raréfient de plus en plus. Les plus de 50 ans sont toujours plus nombreux à faire partie des « charrettes ». Le nombre de chômeurs à la recherche d’un travail depuis un an et au-delà a connu, lui, une hausse record de 4,6% au premier trimestre.

Dans ces conditions, si Christine Lagarde, ministre de l’Economie, et Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat à l’Emploi, se sont félicités de la « bonne surprise » ou de « l’évolution favorable due aux mesures prises par les pouvoirs publics », le Président de la République ne se fait, lui, aucune illusion. Le ministre Xavier Darcos voit 650 000, voire 800 000 chômeurs de plus à la fin de l’année. Il a même parlé de 200 000 chômeurs de plus par mois entre septembre et décembre.

Est-ce une situation particulière à la France ? Non, c’est partout le cas en Europe et aux Etats-Unis, avec des pics de croissance particulièrement forts en Lettonie, en Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, l’on triche encore davantage que chez nous ! L’administration Obama a claironné que le taux de chômage est tombé de 9,5% en juin à 9,4% en juillet, et que seulement 247 000 emplois ont été perdus en juillet. Cependant, en même temps, le Bureau of Labor Statistics a annoncé – sans le claironner – que 667 000 personnes sont sorties des statistiques du chômage en renonçant à chercher un emploi et que le nombre des chômeurs de longue durée continue à grimper. Si l’on additionne le total de ceux qui ont abandonné (9 millions), des chômeurs « officiels » (14,5 millions) et des temps partiels non désirés (8,8 millions), on obtient un chiffre de 24,3 millions. Le taux de chômage réel est donc de l’ordre de 16%, mais si l’on y ajoute des « emplois manquants » et les ajustements de toute sorte, on arrive à un taux supérieur à 20%. Le temps de travail hebdomadaire moyen est tombé à 33,1 heures, un minimum historique. Pire encore, parmi les sans-emploi ou les travailleurs pauvres, environ 30% de la population active américaine, les deux tiers ne touchent aucune allocation chômage et un tiers, des allocations de courte durée. Pour l’instant, les plans de « stimulation économique » des administrations Bush et Obama n’ont pratiquement pas créé d’emplois nouveaux.

Et l’on nous rebat les oreilles, de part et d’autre de l’Atlantique, d’« indices », de « signes » d’une reprise, de « signaux positifs pour la France ». Comme si la croissance pouvait miraculeusement réapparaître en même temps que croît le chômage, donc que baisse la consommation, que les investissements et les carnets de commande des entreprises sont en peau de chagrin et que les endettés s’efforcent de payer leurs dettes, sans que les banques prêtent aux entreprises et aux ménages (chute de 20% de ces prêts sur un an).

Alors ? Alors, nous sommes en pleine arnaque statistique, mais qui ne tiendra pas longtemps. Notre projet devrait être la feuille de route d’une prise de conscience. Si ces orientations nouvelles ne sont pas adoptées, il nous faudra croire à une « croissance » purement monétaire, anti-physique, sans consommation, sans investissements, sans développement industriel et agricole. Cela s’appelle l’hyperinflation, comme aujourd’hui au Zimbabwe ou en 1923 dans l’Allemagne de Weimar, avec les conséquences politiques que l’on sait. Mais cette fois à l’échelle du monde.