Editoriaux de Jacques Cheminade

Paroles et réalité

mardi 23 juin 2009, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


Dans sa déclaration devant le Congrès, le Président de la République a reconnu que « la crise n’était pas finie ». Après avoir évoqué le programme du Conseil national de la Résistance et le souvenir des Trente Glorieuses, rejeté « la politique de la rigueur » et promis de « ne pas sacrifier l’investissement », il a demandé au Parlement de traquer tous les « gaspillages » d’argent public. Sans dire un mot sur les responsables de la crise ni reprendre sa proposition d’un Nouveau Bretton Woods, annoncée dans son discours de Toulon et qu’il a laissé enterrer au G20 de Londres. Il s’est ainsi attaqué aux effets secondaires sans remonter aux causes réelles, condamnant la politique française à s’adapter à la règle du jeu de l’oligarchie financière mondiale. Cela serait revenu, au cours des années quarante du XXe siècle, à évoquer le bien commun et l’intérêt général sans définir de politique contre l’occupant.

L’écart entre les paroles ronflantes et la réalité apparaît au détour de sa déclaration : « Nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé parce que j’ai conscience de l’immensité des besoins et que je n’ai pas le droit de laisser gaspiller un euro ». Ce qui se cache derrière cette affirmation est dit avec moins de vernis par d’autres. Ainsi, « l’économiste » Marc de Scitivaux, dans le Journal du Dimanche du 21 juin, après avoir affirmé que « les Etats-Unis ont déjà redémarré », annonce sans ambages que pour « nous mettre à niveau face à la compétition internationale, (...) la principale question concerne notre passif social : retraites et santé ». Et le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davenant, de nous annoncer : « Les Français doivent bien se rendre compte que la dette devra être remboursée, avec de l’argent pris essentiellement sur leurs salaires et leurs pensions ».

Justement, la grande presse l’annonce en fanfare : « Le tabou des baisses de salaires tombe ». Après le JDD du 17 mai, c’est au tour de Marianne le 23 mai et du Point le 4 juin. La politique de Pierre Laval des années trente est bel et bien là, avec les mêmes conséquences à l’horizon. Quant à la « reprise américaine », ce sont les grands établissements financiers qui recommencent à spéculer, avec l’argent que leur a fourni l’Etat sans contrôler l’usage qui en est fait ! Depuis le 1er janvier, le nombre de chômeurs officiels a augmenté là-bas de 2,9 millions. Les ménages sont endettés jusqu’au cou et le taux d’épargne est insignifiant. Ceux qui parlent de « reprise » se moquent donc du monde : le chien spéculateur y retourne à son vomi financier, avec la reconnaissance du ventre d’Obama pour ceux qui ont financé sa campagne.

La réalité est que Sarkozy s’adapte à un environnement défini par l’entourage d’Obama, la City de Londres et ceux qui ont financé sa propre campagne. Avec eux, il n’y a pas de « rupture ». C’est un monde où pillage financier, écologisme irrationnel et virtualisation des comportements par la société des écrans crée les fondements d’un nouveau fascisme à visage d’avatar narcissique. C’est un piège qui se gère en réduisant les moyens de vivre et la population à la mesure de ressources limitées parce que le pouvoir financier ne crée plus rien.

Ici, nous nous battons au contraire pour un avenir défini par la création au service du bien commun, l’avenir comme le concevaient un Einstein et un Vernadski.