Les écrits de Lyndon LaRouche

LaRouche : ce qui m’a permis de prévoir la crise

jeudi 19 mars 2009, par Lyndon LaRouche

Le 24 janvier, lors d’une conférence, des membres de l’Economic Advisory Group, un groupe d’économistes démocrates ayant conseillé l’équipe de transition de Barack Obama, ont posé à l’économiste américain Lyndon LaRouche la question suivante :

« M. LaRouche, nous représentons un groupe multidisciplinaire rattaché aux universités de Stanford, Berkeley et Princeton, à qui l’on a demandé début novembre d’étudier votre fonction de « triple courbe » en tant que modèle d’analyse économique. Il n’y a rien à redire sur sa précision dans la définition de la situation actuelle. Cependant, je crois comprendre que vous avez développé ce modèle bien avant l’existence des instruments financiers comme les [produits financiers] dérivés. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez pu anticiper cette dynamique, avant même l’apparition de ces instruments [financiers] apparemment à l’origine de la crise ? »

Voici sa réponse (abrégée) :

Pour résumer, c’est parce que je maîtrise la science économique. Mes découvertes en ce domaine découlent en partie d’expériences de mon enfance. Mon père était consultant dans l’industrie de la chaussure, entre autres. Quant à moi, je n’étais pas complètement stupide (ce qui m’a attiré pas mal d’ennuis).

En 1953, j’achevais une phase de ce que nous pourrions appeler mon éducation. J’avais compris qu’il n’était pas possible de traiter ni comprendre les processus économiques, si ce n’est en les considérant d’abord comme des processus physiques, plutôt qu’en termes de processus monétaires ou financiers ; et deuxièmement, que nous ne pourrions raisonner de la sorte qu’à condition d’abandonner la méthode de pensée cartésienne, en vogue aujourd’hui dans la plupart des universités.

Il fallait, au contraire, appliquer le concept de « dynamique », tel que Gottfried Leibniz l’avait réintroduit dans la civilisation moderne dans les années 1690, puis sa notion plus avancée, développée par Bernhard Riemann. La conception de Riemann, formulée dans sa fameuse soutenance d’habilitation de 1854, fournit la clé pour comprendre correctement n’importe quel type de processus physique, et les processus économiques, en particulier, ne peuvent être compris que comme des systèmes riemanniens. Dans un système de ce type, la variable à prendre en compte est la dynamique, dont on trouvera la définition dans le Specimen Dynamicum de Leibniz (1695).

Je considère les réductionnistes en science physique (comme tout réductionniste dans n’importe quel domaine) comme des idiots ; ils peuvent peut-être remettre en état certaines choses, mais on ne devrait pas les laisser concevoir une machine.

Revenons à la différence entre l’homme et l’animal : aucun animal n’est capable de découvrir de principe physique universel valide, seul l’esprit humain peut le faire. C’est la raison implicite pour laquelle l’académicien russe Vernadski souligna la distinction entre « noosphère » et biosphère. L’être humain est essentiellement une créature dotée d’un esprit ; certes, il possède un corps humain, qui est une entité biologique, mais il dispose d’une fonction intellectuelle, qui n’est pas biologique. Cette fonction, appelée créativité, s’identifie le plus facilement, sur le plan de la science expérimentale, à travers la découverte d’un principe physique universel. Elle peut également être définie en terme de composition artistique, mais l’approche la plus commune concerne les principes physiques.

Le concept du calcul infinitésimal de Leibniz, contrairement à toutes les autres versions, découle principalement de la découverte de la gravitation par Johannes Kepler. Celui-ci avait, pour sa part, découvert le différentiel, ou l’infinitésimal, par rapport à la caractéristique de l’orbite des planètes, notamment celle de la Terre. Il est impossible de définir ce qu’est l’infinitésimal dans la courbure d’une orbite planétaire au moyen de la quadrature de l’ellipse ou du cercle.

Les harmoniques du système solaire

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Kepler a traité cette conception dans L’Harmonie du Monde, en particulier dans le livre IV, où il l’aborde d’une manière spécifique, reprise ultérieurement par Albert Einstein. Les harmoniques de l’organisation du système solaire ne peuvent s’expliquer du point de vue visuel ni simplement auditif. Autrement dit, on ne peut se représenter la trajectoire orbitale avec la seule fonction de la vue, ni celle de l’ouïe. On doit plutôt s’appuyer sur une conception musicale, que l’on appelle l’harmonique. Dès lors, on se rend compte que l’on a affaire à un phénomène que ni le sens de la vue, ni celui de l’ouïe ne permettent d’expliquer ; c’est ce phénomène de changement qui définit la course orbitale du système planétaire.

Dans cette optique, Leibniz est revenu sur cette conception, dans les années 1690, parce qu’il avait étudié les travaux de Kepler. Toute la science moderne (entendez la science moderne compétente) repose sur les travaux de Johannes Kepler en science physique ; on peut oublier tout le reste. Leibniz reconnut que l’infinitésimal mathématique, qu’il fut le premier à découvrir en se basant sur son appréciation des travaux de Kepler, implique une conception ancienne de l’infinitésimal, la dynamique. La créativité (en terme de principe physique) s’exprime toujours sous forme de cette dynamique, de l’infinitésimal, qui ne possède pas de qualité « finie », mais est simplement l’apparition d’un principe comme une discontinuité dans un système d’action.

A la différence de l’animal, l’homme peut, en découvrant de nouveaux principes physiques et les appliquant à la production, accroître les valeurs physiques produites. Ce concept est le fondement de toute science digne de ce nom, de toute économie compétente. Ignorant ce principe, les économistes qui sortent de nos universités essaient de calculer le profit en termes de système financier ou de revenu marginal, et non en termes de système physique, alors que tous les progrès de la science reposent sur ce concept.

Prenons le cas d’une ineptie couramment répandue de nos jours chez l’écologiste type. Mesurer la puissance [de l’énergie] uniquement en calories est totalement absurde. Si vous pensez qu’une calorie d’énergie solaire équivaut à une calorie d’énergie nucléaire, vous êtes idiot. Une calorie d’énergie nucléaire est des milliers de fois plus puissante qu’une calorie d’énergie solaire. L’énergie solaire est très utile, quand elle arrive sur Terre sous forme de rayonnement solaire, pour la chlorophylle. Elle est extrêmement utile, car le rayonnement solaire accroît son travail pour le compte de l’homme ou de la nature de multiples façons. Mais si on l’utilise simplement comme source énergétique, qu’arrive-t-il ? Si l’on accapare tout le rayonnement solaire, on obtiendra des déserts.Par contre, en laissant le soleil alimenter la végétation, on verra une prospérité luxuriante.

Ainsi, le rayonnement solaire est à l’origine d’un processus vivant (la photosynthèse) qui accroît réellement la puissance de l’homme dans et sur l’univers, tandis que la même quantité de calories absorbée par un panneau solaire est une pure perte. Au-delà d’un certain nombre de panneaux solaires, on crée un désert. Avec suffisamment de calories et de chlorophylle, on obtient une forêt. C’est toute la différence. Et l’on accroît ainsi la vie humaine, etc.

C’est grâce à la créativité humaine, la créativité de l’individu humain, comme la découverte d’un principe physique appliqué en particulier au processus de production, que l’homme accroît sa capacité à exister sur cette planète.

Tous ces systèmes financiers régissant l’économie ne valent rien, parce qu’ils ignorent l’essentiel : comment accroître la puissance productive du travail par kilomètre carré et par personne, dans un monde où la règle générale est, au contraire, l’entropie. Si vous tentez d’augmenter la population en poursuivant toujours les mêmes procédés, vous allez épuiser la planète. Par contre, vous pouvez utiliser les méthodes créatives, découlant du concept défini par Leibniz sous la forme de différentiel ou d’infinitésimal, et les appliquer. (...)

Dans l’histoire de l’humanité, on constate que toutes les sociétés rétrogrades, notamment les sociétés esclavagistes, interdisent à l’esclave l’accès à la découverte de principes. Il est astreint à continuer à faire ce que son père, son grand-père, ou son arrière grand-père ont fait avant lui, et surtout sans changer de mode de production. Ceci conduit, dans toutes les sociétés rigides, à l’autodestruction de la société par la seule continuation de sa propre existence. Toutes les sociétés qui réussissent partent des ressources naturelles et en accroissent la puissance grâce à des découvertes reflétant le même type de principe que celui identifié par Kepler dans l’organisation du système solaire, ou par Einstein ou d’autres dans l’organisation du monde.

Le facteur créativité

Le problème avec les économistes, en général, c’est qu’ils ne tiennent pas compte du facteur « créativité ». Ils prennent toutes sortes de choses pour de la créativité, y compris de nouvelles méthodes de masturbation, mais ce n’est pas de la créativité. La créativité, c’est la découverte et l’application de nouveaux principes susceptibles d’augmenter le pouvoir de l’homme dans et sur l’univers, et l’introduction de ces découvertes dans la production ou tout autre facteur pouvant améliorer les moyens d’existence de l’homme. Il faut donc étudier l’économie comme un processus physique scientifique, en tenant compte de facteurs comme la vie et la noosphère.

On recherchera le principe de changement qui distingue, d’une part, les processus vivants des non vivants, et d’autre part, les processus humains des processus vivants non humains. Cela s’exprime par l’invention, la production, ainsi que par une meilleure infrastructure, par exemple, en développant l’énergie nucléaire. Plus la part du nucléaire par centimètre carré est importante, plus la productivité augmentera.

Par conséquent, si j’apporte en Inde le facteur « énergie nucléaire », sous forme d’une augmentation des ressources d’eau douce disponibles, ce qui n’est vraiment efficace qu’avec le nucléaire, alors j’augmenterai la productivité du paysan, sans changer pour autant sa manière de produire. Mais j’aurai changé les conditions dans lesquelles il produit, donc sa productivité. Toute science économique repose sur ce principe.

Le problème, c’est que l’interprétation de la productivité est dominée par l’ancien directeur de la Réserve fédérale [Alan Greenspan] et ses idioties. Il nous faut un système reposant non pas sur le comptage de dollars ou de billes, mais sur l’accroissement de la productivité par habitant et kilomètre carré, aux Etats-Unis et ailleurs. Cela implique de l’investissement en capital productif, dans les technologies et les modes de production qui multiplient la productivité effective du travailleur.

Pour une économie en croissance, il faut investir du capital. La construction d’une centrale nucléaire a un coût, et sa durée de vie sera de 40 à 50 ans, à condition d’assurer une bonne maintenance. C’est un investissement en capitaux, dont l’importance ne se mesure pas en quantité d’argent, mais en termes d’accroissement du rendement qu’il engendre, par moment d’activité. C’est une simple question de science physique. On élève le niveau de densité du flux énergétique, on élève la productivité potentielle de ce processus. Il faut juste en connaître assez en termes de science physique pour le faire marcher.

Nous avons donc besoin d’investissements à long terme et à haute intensité en capital, concentrés d’abord sur l’infrastructure économique de base. Eau, énergie, transports publics, etc., on doit rendre tout cela plus efficace, et l’accroissement de la productivité s’ensuivra. (...)

Ainsi, il m’a été facile de réaliser des prévisions. Les cycles prévisionnels que j’ai élaborés s’appuyaient toujours sur cette méthode. Dans les années 1950, par exemple, ce fut très simple pour moi de prévoir le sort de l’industrie automobile. J’étais consultant dans ce domaine. (...)

Lorsque j’ai découvert que la durée de vie d’un véhicule était de 24 mois, alors qu’il avait été acheté à crédit sur 36 mois, avec une dernière échéance gigantesque, et que ce phénomène touchait de nombreux autres secteurs industriels, j’ai pu affirmer à ce moment-là que tout allait éclater comme une bulle. (...)

C’est alors que survint un autre épisode, la guerre du Vietnam, qui ravagea l’économie. Une fois éliminée la politique de Kennedy, la clique de Wall Street et de Londres reprit le dessus. En 1968, on y était déjà, (...) puis, dans les années 1970, ce fut la Commission trilatérale, qui infligea un maximum de dégâts à l’économie américaine. On eut ensuite l’empereur George Bush 1er, puis la « révolution verte » déclinée sous ses aspects anti-industriel, anti-nucléaire et anti-développement en général. Et là, ce qui passait pour de la production était faussé. Le rapport entre le coût de production pour l’ensemble de la population et le bénéfice de cette production devint tel que nous étions de plus en plus dans le rouge.

En 1987, ce fut le krach, que j’avais prévu, suivi par l’arrivée de [Alan] Greenspan, qui instaura les produits financiers dérivés, de la fausse monnaie qui enfle automatiquement. Aujourd’hui, l’économie mondiale compte 1,4 million de milliards de dollars de fausse monnaie, qui se développe comme un cancer dans le contexte actuel, tandis que l’économie mondiale s’effondre, en termes d’emplois, de production et de biens produits.

Maintenant, nous devons exciser ce cancer ! La totalité de la bulle des produits dérivés créée par Alan Greenspan doit être jetée à la poubelle et incinérée ! C’est la seule solution.

Il n’y a en fait rien de mystérieux dans [mes prévisions], ni dans le fonctionnement de ces courbes. Cela s’est passé ainsi : j’assistais à une conférence au Vatican sur la santé publique, pour laquelle j’avais soumis un rapport où figuraient ces courbes. Quelques mois plus tard, alors que je me présentais au poste de Président, j’ai publié cette « triple courbe » dans ce contexte. En somme, c’est une description de ce que je sais du fonctionnement du système, depuis que j’ai commencé à faire des prévisions en 1953, en étudiant les travaux de Bernhard Riemann sur le principe de créativité.

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